L'usine Toyota d'Onnaing, près de Valenciennes, est fermée ce lundi 12 avril pour deux jours. En cause, des retards de livraison et des problèmes d'approvisonnement de semi-conducteurs comme les composants électroniques.
L'usine Toyota est à l'arrêt. Le site d'Onnaing, près de Valenciennes (Nord), n'a pas ouvert ce lundi 12 avril. Ce sera également le cas mardi. La faute à la pénurie mondiale de semi-conducteurs comme les puces électroniques, indispensables pour la fabrication de véhicules à essence (20 % de la production de l'usine) comme hybrides (80 %). "Un problème structurel", commente Eric Moyère, directeur administratif et financier de Toyota Motor Manufacturing France, joint par téléphone.
Les fabricants de composants électroniques ont fait face à une hausse soudaine de la demande pour équiper des produits électroniques. Ordinateurs ou consoles de jeux ont été très prisés dans le contexte de la pandémie de Covid-19, qui a accéléré l'essor du télétravail et des loisirs à la maison. Or le marché des semi-conducteurs était déjà sous pression du fait de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Les principaux fabricants se situent à Taïwan (TSMC) et en Corée du Sud (Samsung et SK Hynix).
L'usine nordiste, qui compte quelque 3 950 salariés, avait déjà dû fermer le 6 avril dernier pour les mêmes raisons. "On a anticipé une baisse du volume de production et fait coïncider cette fermeture avec le nouveau calendrier scolaire lié à la crise sanitaire", se justifie Eric Moyère, inquiet face à une pénurie qui ne semble pas près de se résorber. "Nous avons été amenés à revoir notre plan de production sur le mois d'avril, mais malheureusement, ça ne va pas se résoudre du jour au lendemain. Nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle fermeture." Le blocage du canal de Suez pendant plusieurs jours, en mars, a également provoqué, pour Toyota, des retards de livraison. "Des pièces venant du Japon et qui passent par le port de Rotterdam", poursuit M. Moyère.
Joint par téléphone, Eric Pecqueur, secrétaire général CGT de Toyota, dénonce surtout la dépendance au marché étranger. "Une grande partie de l'économie capitaliste fonctionne sur la base du flux tendu. Dès qu'il y a un grain de sable, ça perturbe toute l'économie mondiale, le capitalisme se grippe, et ce sont nous, travailleurs, qui payons. On dénonce l'anarchie du capitalisme."
Modulation du temps de travail
Comme en décembre 2020, lorsque l'usine avait fermé pendant une semaine après l'arrêt des liaisons entre la France et le Royaume-Uni, la modulation du temps de travail a été utilisé. Ce dispositif, qui permet d'adapter la durée de travail selon les variations de l'activité d'une entreprise, est dénoncé par certains syndicats comme la CGT. "On dénonce l'arnaque de cette modulation patronale du temps de travail. Ce sont deux nouveaux jours de perdus pour les intérimaires, les CDD en fin de contrat se verront retirer ces deux jours sur leur solde tout compte et on devra rattraper ces journées de production le week-end", se défend Eric Pecqueur, ouvrier dans l'atelier d'assemblage.
La direction argue que les salariés sont payés ces deux jours, malgré la fermeture, et que les rattrapges qui auront lieu le samedi (40 % d'une journée classique selon Eric Moyère) et le dimanche (100 %) sont des compensations, comme des bonus. "Un samedi travaillé avec majoration est payé 8 heures et 45 minutes au lieu de 7 heures et un dimanche est payé 14 heures...", avance M. Pecqueur.
Reste à savoir quand ces trois jours - 6, 12 et 13 avril - vont être rattrapés. "Pour l'instant, on n'a pas de visibilité", explique Eric Moyère. Si la pénurie de composants électroniques perdure, le site pourrait bien être de nouveau à l'arrêt. Des discussions pourraient alors s'engager entre la direction et les syndicats. "Dans l'accord de modulation, le plafond est fixé à 50 heures." Une marge de manoeuvre peu importante pour la direction.
Qu'est-ce qu'un semi-conducteur ?
Les semi-conducteurs sont des matériaux (l'un des plus connus est le silicium) et par extension, les composants électroniques fabriqués avec eux : par exemple les puces permettant à des appareils de capter, traiter ou stocker des données.
Ces composants sont indispensables à des pans entiers de l'industrie mondiale et intégrés à de nombreux objets du quotidien. On en trouve dans les appareils électroniques ou connectés comme les smartphones, les ordinateurs ou les consoles de jeux vidéo, les automobiles (notamment les tableaux de bord), les avions, les réseaux informatiques ou téléphoniques...
IIs sont généralement minuscules. "Les composants les plus avancés sont entre 5 et 7 nanomètres", précise à l'AFP Jean-Christophe Eloy, PDG du cabinet Yole Développement, spécialisé dans les semi-conducteurs.