Sur la pelouse du stade Bollaert-Delelis à Lens, deux frères se sont affrontés : Granit et Taulant Xhaka. L'un évolue dans l'équipe Suisse, l'autre côté Albanais. Leur histoire est celle de l'éclatement des Balkans.
Granit Xhaka côté Suisse, son frère Taulant pour l'Albanie, tous deux titulaires : le duel de l'Euro-2016 entre les deux équipes samedi à Lens, remporté par les Helvètes (1-0) n'a vraiment pas été un match comme les autres, entre de nombreux joueurs qui auraient pu jouer pour l'adversaire. Ils sont 17 partagés entre ces deux pays, âgés de 21 à 30 ans, "nés au Kosovo, en Macédoine, à Bujanovac (sud de la Serbie) ou en Suisse", comme l'a rappelé Tritan Kokona, porte-parole de la Fédération albanaise de football."Tous sont des enfants de familles albanaises, qui ont fui les Balkans, poussés à l'exil par la guerre et par la discrimination à la recherche d'une vie meilleure", poursuit-il. Selon l'institut suisse d'études albanaises, 270 000 Albanais d'origine vivent en Suisse. Et ils sont plus de 110.000 Kosovars, selon le secrétariat d'Etat aux migrations.
Un carton rouge pour le capitaine
La sélection helvétique compte sept internationaux, fils d'émigrés albanais du Kosovo ou de Macédoine, dont les familles ont fui les guerres en Yougoslavie dans les années 1990. Et parmi les joueurs ayant porté le maillot de l'Albanie, dix ont un passeport suisse, dont le capitaine Lorik Cana, né au Kosovo. Ses parents lui ont appris l'albanais et l'ont élevé dans la culture de leur pays. Mais pour lui a fête a tourné court au stade Bollaert de Lens, où il a récolté le premier carton rouge du tournoi au bout de 37 minutes."Une émotion très forte"
La famille Xhaka a fui l'Albanie dans les années 1990. Taulant, né en 1991, et son cadet Granit, grandiront à Bâle. Le premier, international albanais depuis mars 2014, évolue au FC Sion. International depuis 2011, le second est un milieu du Borussia Mönchengladbach.Selon l'entraîneur Gianni de Biasi, les jeunesses occidentales de plusieurs joueurs de son effectif importent peu: "Quand un joueur albanais - peu importe d'où il vient-, voit flotter le drapeau rouge avec l'aigle bicéphale, il vit une émotion très forte." "Dans ma famille, on parle albanais et l'Albanie revenait toujours vers moi", se souvient Taulant. Pourquoi les deux frères ont-ils fait des choix différents? Les circonstances l'ont décidé, selon Taulant, qui relève que son cadet a été appelé avant par la Suisse. "On est une famille qui a émigré du Kosovo en France, puis en Suisse, avec des enfants qui ont vécu dans une réalité suisse. Après, chacun fait ses choix."
Des choix qui pourraient être bientôt encore plus cornéliens : une partie de ces joueurs sont éligibles pour la sélection du Kosovo, qui vient d'être intégré dans les qualifications européennes pour le Mondial-2018.