Dans leur succès en NPDC et Paca, les Républicains Xavier Bertrand et Christian Estrosi doivent une fière chandelle à la gauche, qui s'est désistée, au point d'envisager désormais de l'associer ou de la consulter sur la vie de la région, une formule aux contours encore toutefois très flous.
Xavier Bertrand, qui a annoncé lundi sur France 2 qu'il ne serait finalement pas candidat à la primaire de la droite et du centre en vue de 2017, n'a pas traîné dimanche soir. Depuis son fief de Saint-Quentin, il a d'entrée remercié "les électeurs de gauche qui ont voté pour faire rempart" au FN, soulagé d'avoir multiplié par 2,5 son score et de laisser Marine Le Pen très nettement derrière (57,77% contre 42,23%).Dimanche soir toujours, la centriste Valérie Létard (UDI), tête de liste dans le Nord, enfonçait un peu plus le clou : "cette victoire nous oblige (...) car elle nous conduit à être les seuls représentants de toutes les familles républicaines et démocrates. Donc, il nous faudra une gouvernance partagée, être respectueux de tous les territoires et sensibilités, faire en sorte que le dialogue puisse s'établir avec toutes les familles qui ne seront pas représentées".
Cette idée de "gouvernance" à la mode nordiste a pris corps entre les deux tours. M. Bertrand l'a publiquement proposée jeudi à l'issue d'une réunion avec la figure centriste Jean-Louis Borloo à Valenciennes. Le futur patron de la région parle alors d'une "gouvernance apaisée, bienveillante, participative, où les élus de l'ensemble des communes devront être associés", évoquant "des réunions tous les deux mois avec l'ensemble des parlementaires sur les grands enjeux régionaux".
Un projet réaffirmé lundi sur France Bleu Nord par son directeur de campagne Gérald Darmanin : "le PS, par ses représentants, s'il a de bonnes idées, bien sûr travaillera avec le Conseil régional".
Une 'obligation républicaine'
Quelle forme prendra concrètement cette collaboration sachant qu'aucun élu PS ne siègera à la région ? Tête de liste PS dans le Pas-de-Calais, Frédéric Cuvillier livre une piste : "techniquement, il faut un conseil de territoire où les exécutifs territoriaux soient associés et codécisionnaires de politiques publiques", une "forme de conseil économique et social". Pour lui, pas de doute : "l'hémicycle régional n'est pas représentatif", il s'agit donc d'une "obligation républicaine"."Nous allons devoir organiser une opposition de l'extérieur. Ça pose des questions concrètes et pratiques, notamment d'accès à l'information", met aussi en garde son collègue Yann Capet.
"Des contacts" ont été d'ores et déjà été pris avec la gauche dans ce sens, a en tout cas indiqué lundi l'entourage de M. Bertrand, en promettant d'autres "dans la semaine". "Rien de concret pour le moment, M. Bertrand m'a joint dimanche et on aura un contact très prochainement", a dit de son côté Pierre de Saintignon, chef de file PS.
En PACA, Christian Estrosi a renvoyé à vendredi les détails sur le "conseil territorial" qu'il entend mettre en place, suivant les avis d'ici janvier d'un "conseil des sages" rassemblant ses trois prédécesseurs à la présidence de région, dont deux socialistes. Cette instance, qui devrait se réunir au minimum une fois avant chaque séance plénière selon son entourage, poursuivrait un double objectif. D'abord, permettre que "tous ceux qui auraient le sentiment de ne pas être représentés pendant les six années qui viennent puissent l'être", a affirmé le maire de Nice.
EELV s'est ainsi déjà dit prêt "à prendre sa part" et quelques personnalités PS ont "fait part de leur intérêt", toujours selon son entourage. De même source, ce conseil vise aussi à "ne pas s'enfermer avec une opposition FN, dure, faite d'outrance et de caricature". Pas question pour autant de "cogestion" : le conseil territorial n'aura qu'un avis consultatif.
Cette volonté affichée d'un rapprochement tranche en tout cas avec l'attitude de Jacques Chirac au lendemain de sa victoire au second tour de la présidentielle face à Jean-Marie Le Pen en 2002. Le président réélu n'avait alors opéré aucune ouverture à gauche, malgré son apport de voix. Le FN, il est vrai, pesait 1,3 millions de voix de moins qu'aujourd'hui.