Témoignage. Fuite de soignants, fermeture de lits, temps d'attente rallongé : plongée dans "la situation dramatique" de l'hôpital de Compiègne-Noyon

Publié le Écrit par Anas Daif

De plus en plus de médecins et de membres du personnel soignant de l'hôpital de Compiègne-Noyon relatent une souffrance professionnelle et quittent le navire. Avec la fermeture de lits et la baisse du nombre de soignants, les Compiègnois se retrouvent face à d'importants délais d'attente.

Aux urgences de Compiègne les heures d'attente s'allongent pour certains, car l'hôpital manque de personnel. De plus en plus de soignants songent à quitter l'établissement face à l'énorme charge de travail.

L'hôpital compte 2 500 salariés et parmi eux, 300 médecins. Mais le chiffre risque de baisser dans les semaines et mois à venir, selon la CGT.

De 10 à 15 heures d'attente

Parmi l'équipe médicale, une infirmière a vu ses conditions de travail se dégrader depuis son arrivée à l'hôpital. "En 10 ans, j'ai vu considérablement l'état et les conditions de travail se dégrader", observe Marine Landré, élue au CSE et représentante CGT.

Actuellement, l'hôpital fait face à "une population en détresse". Chaque jour, "nous avons des personnes qui sont dans l'incapacité de se faire soigner par leur médecin traitant, d'avoir un réel suivi, et quand ils arrivent chez nous, ils espèrent avoir une prise en charge et nous ne sommes pas en mesure de la donner tous les jours".

Il y a eu plusieurs arrêts. Il y a des personnes qui arrivent encore à travailler et qui viennent travailler les larmes aux yeux, la boule au ventre et qui expriment réellement une détresse et une difficulté à se rendre au travail chaque jour.

Marine Landré, élue au CSE et représentante CGT

Certains jours, il est possible d'offrir une prise en charge sur mesure. Néanmoins, il y en a "beaucoup trop pour lesquels ce n'est pas possible. On a 10 à 15 heures d'attente et vous imaginez bien que pour des personnes âgées ou des personnes qui sont en détresse psychologique ou physique ou dans la douleur, ce n’est pas entendable", regrette-t-elle.

Elle note que "les personnes finissent par pleurer et ça a un impact évidemment sur le personnel soignant qui ne peut pas répondre à sa fonction première : soigner".

Un impact sur le personnel soignant

L'infirmière souligne également "énormément" de départs, de volonté de se reconvertir professionnellement ou de partir dans d'autres établissements où ils espèrent "avoir plus de moyens parce qu'actuellement, on n'est pas en capacité d'assurer notre fonction, de prendre les gens en charge en sécurité".

Cette situation a de véritables conséquences sur la santé morale et physique des soignants qui font plus d'heures : "on prend beaucoup sur nous pour répondre aux besoins de l'hôpital".

Mais la peur est bien présente, notamment face au nombre important de patients en attente aux urgences qui monte souvent à une trentaine. D'autant plus que "de l'autre côté, on a le même nombre de patients qui est en cours de soin, et on n'a pas assez de personnel, pas assez de locaux pour prendre en charge correctement tout le monde". L'angoisse que "l'inévitable" ou qu'un "grand malheur" arrive n'est jamais loin.

"On aurait voulu avoir le soutien de la direction"

Sabrina Hotte-Beurdeley, secrétaire de la CGT au centre hospitalier de Compiègne-Noyon, avance que "la dégradation s'est accélérée ces dernières années". Elle et ses collègues interpellent régulièrement la direction sur les conditions de travail.

Ces dernières semaines et ces derniers jours, l'établissement atteint "une situation dramatique, catastrophique" qui se traduit "par des fermetures de secteurs, de lits et des professionnels médicaux, paramédicaux qui quittent l'établissement en burn-out, qui sont en épuisement professionnel intense", alerte-t-elle.

Le syndicat aimerait pouvoir les rassurer, "mais on n'a aucune réponse à pouvoir leur apporter aujourd'hui". La secrétaire CGT aurait voulu "avoir un soutien de la direction pour aller rencontrer les équipes" et essayer, avec "le président du conseil de surveillance, dans son rôle, d'interpeller l'État, en tout cas les pouvoirs publics via le ministère de la santé, l'ARS, qui sont nos tutelles, pour trouver des solutions" permettant de conserver l'offre de soin actuelle.

Il y a un danger aujourd'hui aux urgences avec un manque de médecins accru, un manque de personnel et une augmentation du délai d'attente pour être reçu.

Sabrina Hotte-Beurdeley, secrétaire de la CGT au centre hospitalier de Compiègne-Noyon

L'addictologie et la médecine infectieuse touchées

La fermeture des lits à l'hôpital de Compiègne-Noyon ne se fait pas "par rapport à la situation globalement grave, qui est un fléau aujourd'hui sur toute la France" mais à cause du départ et du manque de médecins et professionnels dans certains secteurs.

Parmi eux, on retrouve le service d'addictologie qui verra son "hospitalisation complète" fermer le 20 décembre. "Que vont devenir les patients qui ont besoin de soins relevant de cette pathologie, de cette spécialité ?" s'interroge Sabrina Hotte-Beurdeley.

Même cas de figure pour la médecine infectieuse et tropicale où l'inquiétude est palpable. "Où vont-ils être hospitalisés ? On a des professionnels qui sont formés pour travailler sur ces pathologies, dans ces secteurs, qui s'inquiètent fortement".

"Nous essayons de trouver une solution", assure la direction

La direction affirme de son côté que même avec un manque d'effectif, tous les services seront maintenus, tout comme les 600 lits d'hôpital aujourd'hui. La directrice du centre hospitalier, Catherine Latger, admet que la situation des hôpitaux publics français n'est pas facile "en ce moment". Et si "notre hôpital connaît des moments délicats pour certaines activités", elle affirme que "ce n'est pas une situation générale".

Dans chaque service, "nous essayons de trouver une solution qui est la plus adaptée aux besoins de santé des Compiègnois", mais aussi pour que les professionnels présents "puissent travailler dans les meilleures conditions".

Néanmoins, quand des postes sont parfois vacants, "qu'ils soient médicaux ou paramédicaux, on a besoin de transformer les activités". Par exemple : ne plus avoir de lits d'hospitalisation conventionnelle et "de passer à l'hôpital de jour", ou de mutualiser des équipes pour qu'elles travaillent ensemble afin d'accueillir les malades.

"On essaie de réorganiser toutes les activités pour n'en perdre aucune"

"On essaie de réorganiser toutes les activités pour n'en perdre aucune, assure Catherine Latger. Aucun lit ne doit fermer en totalité. On adapte les prises en charge, on utilise aussi nos deux sites".

Elle soutient qu'elle et ses équipes ont "rouvert des lits de médecine pour permettre un meilleur aval des urgences et chaque situation reçoit une solution adaptée. On travaille avec les équipes dont il faut saluer le courage".

Selon la direction, des renforts sont attendus dans les prochains mois au sein de l'hôpital.

Avec Aurélien Pol / FTV

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