Cinq ans après la polémique, débute le procès du "Mur des cons". Ce trombinoscope affiché dans les locaux du Syndicat de la magistrature vaut à son ancienne présidente, Françoise Martres, de comparaître pour injures publiques à Paris, à partir de ce mardi 4 décembre.
L'affaire du "Mur des cons" avait suscité un tollé à droite en 2013.
"Avant d'ajouter un con, vérifiez qu'il n'y est pas déjà" était-il précisé au côté de dizaines de photos épinglées pêle-mêle sur un panneau d'affichage du Syndicat de la magistrature, classé à gauche. Ce trombinoscope avait été filmé au téléphone portable par un journaliste de France 3 le 5 avril 2013, puis diffusé le 24 avril sur le site d'Atlantico, déclenchant une vive polémique.
Parmi les portraits épinglés, figuraient des politiques, essentiellement de droite mais aussi des magistrats, des journalistes ou encore des intellectuels ainsi que celui de Philippe Schmitt.
Sa fille, Anne-Lorraine, avait été assassinée en 2007 dans le RER D par un récidiviste.
Selon ce général à la retraite, s'il s'est retrouvé sur ce mur, c'est parce qu'il a critiqué "le laxisme de la justice française et l'irresponsabilité des magistrats qui remettent en liberté des récidivistes alors qu'ils n'ont même pas fini leur peine".
Après la diffusion des images, la polémique est lancée
Le Front national et l'UMP s'étaient emparés du sujet pour relancer le débat sur l'indépendance des magistrats, tandis que des juges et avocats dénonçaient au contraire une instrumentalisation de l'affaire.Au total, douze plaintes pour injure publique avaient été déposées contre Françoise Martres, 61 ans, qui présidait le syndicat à l'époque.
Neuf proviennent d'élus ou ex-élus Les Républicains (ex-UMP), comme Eric Woerth. Les trois autres plaintes ont été déposées par le RN, le maire de Béziers Robert Ménard (proche du RN) et le père d'Anne-Lorraine, qui sera présent devant le tribunal corectionnel.
D'autres personnes épinglées sur le trombinoscope, qui n'avaient pas porté plainte, devraient se constituer partie civile au procès, précise l'Afp. Une action vaine, car trop tardive. Le tribunal ne pourra que constater sa prescription.
Des questions de droit au coeur du procès
Sur le plan juridique, la question du caractère public ou non du trombinoscope devrait être au coeur du procès de Françoise Martres, tout comme la question de la prescription, qui n'est que de trois mois en matière d'injures, et celle de la qualité d'"éditrice" retenue pour la poursuivre.
Le parquet de Paris s'était opposé au renvoi en correctionnelle de la magistrate, considérant notamment que si l'injure était bien publique, il y avait prescription (le délai de prescription courant à partir du moment où les photos ont été affichées).
Le juge d'instruction puis la cour d'appel n'avaient pas suivi ce raisonnement, jugeant que le délai de trois mois ne démarrait qu'au moment où le journaliste de France 3 avait pu filmer le "mur".
Le syndicat, qui a toujours affirmé n'avoir jamais souhaité que ce panneau soit rendu public, avait qualifié le mur de "défouloir".
"On instrumentalise le droit de la presse pour faire un procès politique", estime Antoine Comte, l'avocat de Françoise Martres.
Du côté des plaignants, on attend "un moment d'explication important", résume Basile Ader, qui défend les élus Les Républicains. "On ne va pas du tout le présenter comme un combat politique, c'est un problème d'image et de dignité de la justice", assure-t-il.
Le journaliste de France 3 avait été sanctionné par sa hiérarchie pour "manque de loyauté". Il devrait être entendu mardi.
Le procès doit se tenir jusqu'à vendredi.