Polluants éternels. Les Hauts-de-France n'échappent pas aux PFAS : "on en trouve partout, eau, sédiments, air…"

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Selon le groupe Chemours, installé à Villers-Saint-Paul dans l’Oise, les PFAS sont nécessaires pour avoir un bon niveau de performance que certains produits.
Enquête : les PFAS, polluants éternels ©FTV

Savez-vous ce que sont les PFAS ? Ce sont des substances toxiques issues de l'industrie chimique. Nocives pour notre santé, pourtant elles sont tout de même présentes dans nos corps. Un article du Monde, publié en mars 2023, révèle leurs présences dans toute la France, notamment dans les Hauts-de-France.

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Dans une enquête choc, nos confrères du Monde ont rassemblé des milliers de données scientifiques pour révéler à l’opinion européenne un poison que l’industrie chimique a semé, et sème toujours, dans notre environnement.

Ce sont les PFAS, à prononcer "pifasse", une grande famille de substances toxiques qui nous contamine tous. Qu'en est-il dans notre région ? Qui savait ? Qui agit ? France 3 Hauts-de-France a enquêté sur l'impact de ce phénomène qui touche toute la région.

Un problème environnemental

Usines, déchetteries, bases militaires : tous les petits points, sur l'infographie ci-dessous, sont des sites de contamination. Soit présumée, en bleu, comme dans le bassin minier. Soit détectée dans des prélèvements, en rouge, comme dans la rivière Oise.

Ces données alarmantes, et pourtant non exhaustives, ont été recueillies auprès d’équipes scientifiques, et d’autorités sanitaires parfois récalcitrantes, par le journal Le Monde et ses partenaires européens du "Forever Pollution Project". Ils ne sont pas les seuls à lever le lièvre. L’ONG Générations futures, cofondée par le Picard François Veillerette, mène une campagne nationale sur le sujet.

"C'est un problème environnemental, car on en trouve partout, eau, sédiments, air, poussières, poissons… Et, au bout de la chaîne, on sait par Santé Publique France que 100 % de la population en a dans le sang"

François Veillerette, porte-parole de l'association Générations futures. 

à France 3 Picardie

Selon l’EFSA, autorité européenne de sécurité des aliments, l’exposition de la population aux principaux PFAS peut dépasser jusqu’à 183 fois le seuil tolérable. Un seuil qu’elle a dû abaisser, à mesure que des études révélaient les dangers des différents PFAS. Au moins 10 000 composés, de cette substance, sont très peu étudiées.

"Et sur ceux qu’on connaît, on a aussi de quoi être inquiet, car beaucoup sont des perturbateurs endocriniens, cancérogènes ou bien toxiques pour la reproduction... Et comme elles sont très persistantes, même si c'est à petites doses, vous les accumulez", alarme le porte-parole de l'association.

Détectées en 2016 aux États-Unis

Ces pollutions ont commencé à être connues aux États-Unis en 2016. "Avec la série de procès et aussi le film 'Dark Waters' de Todd Haynes. En Europe, c’était silence radio jusqu’à récemment. C’est vrai qu’il y a un retard à l’allumage assez formidable des autorités", raconte François Veillerette.

L’Europe se réveille. Cinq états membres ont proposé à la Commission d’interdire tous les PFAS, dans toute l’Union. Les tractations pourraient encore durer deux ans. En France, l’État a annoncé un plan d’actions en janvier : il promet des contrôles renforcés et de nouvelles normes, en s’appuyant sur l’Anses, dont la crédibilité est débattue.

Notre seule expertise sur les PFAS dans l’eau date de 2010. On n’a pas encore commencé, mais l'Anses sera très mobilisée.

Anses

à France 3 Picardie

Du côté de l'ARS de la région, des analyses seront programmées dans les Hauts-de-France. Elle planche déjà sur le sujet et étudie quels secteurs sont à privilégier. Pendant ce temps, les PFAS continuent d’être manipulés dans de très nombreux secteurs industriels.

Pour cause, ces particules sont résistantes à l’eau, la poussière, la chaleur, la graisse… C’est pour cela que les industriels les utilisent. Elles peuvent fabriquer des objets du quotidien comme des vêtements imperméables, des poêles antiadhésives ou bien des emballages alimentaires.

Des substances nécessaires pour les industries

Dans les Hauts-de-France, Le Monde a repéré trois sites qui utilisent ou ont utilisé des PFAS : dans la Somme, le Pas-de-Calais, mais surtout dans l'Oise, l’un des 5 "épicentres" français de la pollution. Là où les PFAS elles-mêmes sont fabriquées.

En bordure de l’Oise, au cœur de la plateforme chimique de Villers-Saint-Paul : Chemours. Issue du groupe qui a fait scandale aux États-Unis, l’entreprise cuisine des PFAS pour des fabricants de mousses anti-incendies et bientôt pour la filière hydrogène. La pollution ? C’est du passé, selon l'industriel.

Depuis deux ans, nous avons mis en place des systèmes qui permettent d’abattre 87 % de nos émissions dans l’eau. Dans le futur, une très grande partie de notre projet concerne justement l’empreinte environnementale : on souhaite abattre 99 % de nos émissions fluorées dans l’air et dans l’eau.

Valentina Mauri, directrice des relations institutionnelles de Chemours en Europe

à France 3 Picardie

Le groupe tente de rassurer et refuse que l’Europe interdise ses PFAS. Ses "fluoro-télomères" et "polymères" seraient indispensables à la fabrication de certains produits. "Vous n’avez pas le même niveau de performance avec des produits sans PFAS. La plupart de ces substances sont essentielles, notamment pour des secteurs sur lesquels nous voulons bâtir la future industrie", explique-t-elle. 

"C’est un coup de massue"

Le gouvernement et les élus locaux étaient-ils au courant de ces enjeux, lorsqu’ils fêtaient, en janvier, le projet d’agrandissement de l’usine ? La région s’apprête à verser 800 000 euros de subvention. L'équipe de France 3 Hauts-de-France a sollicité une interview : silence radio. L'agglomération et la mairie de Villers-Saint-Paul, pour leur part, affirment qu'elles n'avaient jamais entendu parler des PFAS.

On se pose tout d’un coup la question. On nous annonçait 100 emplois, 200 millions d’investissements, quelques jours après, vous avez l’enquête du Monde. C’est un coup de massue

 Alexandre Ouizille, premier adjoint au maire de Villers-Saint-Paul dans l’Oise et conseiller à l’agglomération et à la région

à France 3 Picardie

Le plan local d’urbanisme pourrait être utilisé pour stopper le dossier. Mais l’agglomération a d'autres responsabilités : la potabilisation de l'eau et elle envisage de commander ses propres analyses. Mais aussi, via le syndicat mixte SMDO, l'incinération des ordures ménagères de tout le département. Les PFAS brûlés ne sont pas contrôlés, il n'y a pas de réglementation.

"Toutes les eaux de process du SMDO ne s’écoulent pas dans l’Oise, c’est traité en interne. Sur le contact, la population et les agents, je ne peux pas vous répondre… Vous êtes le premier à nous interroger là-dessus", rapporte l'élu, au micro de France 3 Picardie.

Les pouvoirs publics jouent-ils un peu notre santé à pi ou fas ? Sollicitée, la Direction régionale de l’environnement a formellement refusé de nous répondre.

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