Le Rallye des Trois forêts, le piqueux et le maître d’équipage étaient jugés ce lundi 22 mai au tribunal correctionnel de Senlis pour mise en danger d’autrui, entrave à la circulation des trains et introduction d’animal sur les voies ferrés. La décision sera rendue le 26 juin.
L’affaire des veneurs de Chantilly aurait dû être jugée en novembre dernier. Elle a été renvoyée à ce lundi 22 mai, en début d’après-midi au tribunal correctionnel de Senlis. Un délai nécessaire pour étudier tous les aspects techniques du dossier dont les faits remontent au 12 janvier 2021.
La fuite du cerf
À 16 heures, ce jour-là, un cerf chassé à courre s’était réfugié dans la gare de Chantilly, dans l’Oise, après avoir été poursuivi par la meute de chiens du Rallye des Trois forêts. Epuisé, l’animal s’était couché sur les voies. Un vétérinaire avait finalement été appelé pour endormir l’animal, mais malgré l’anesthésiant, le cerf avait repris sa course le long des voies de chemin de fer jusque dans le bois voisin. Le trafic ferroviaire avait été interrompu durant trois heures sur l’axe Paris-Creil.
L’affaire avait suscité l’indignation des élus, des passagers du train et des associations. La maire de Chantilly, Isabelle Wojtowiez ne cachait pas sa colère. "Ce qui s'est passé cet après-midi est inqualifiable. Si la forêt est un espace partagé et que la chasse y est permise, en aucun cas un animal ne peut être chassé jusqu'en centre-ville. Ce cerf aux abois, poursuivi dans un milieu hostile, a mis en danger la sécurité des piétons, aurait pu générer des accidents routiers et a perturbé la circulation ferroviaire engendrant des retards importants pour les cantiliens", a-t-elle réagit via un communiqué.
Laurent Facques, responsable régional de la communication de la société de vénerie, relevait que cet évènement était exceptionnel. Ce jour-là, le maître d’équipage aurait ordonné l’arrêt de la chasse avant l’arrivée dans l’agglomération de Chantilly mais huit chiens auraient échappé au contrôle des chasseurs qui auraient tenté d’arrêter la course poursuite. Pour lui, il s’agissait d’un concours de circonstances. "La forêt et la ville se touchent. Il n’y a pas de transition. On s’est approché de la zone urbanisée et en plus, pas de chance, le portillon vers les voies ferrées était ouvert. Il y a 18 000 chasses en France chaque année. Et c’est la première fois que ça arrive", expliquait-il à notre micro France 3, quelques jours après l’incident.
Une réquisition exemplaire
Pendant plus de quatre heures, les jurés ont tenté de démêler le déroulé de cette chasse à courre. Les débats ont tourné autour de la responsabilité du rallye des trois forêts, la société de vénerie de l’Oise, jugée en tant que personne morale, le piqueux, le responsable des chiens de chasse ainsi que le maître d’équipage. Ils comparaissaient pour mise en danger d’autrui, entrave à la circulation des trains et introduction d’animal sur les voies ferrés. Selon le procureur, le piqueux n’a pas pris la bonne décision. "Un cerf de 200 à 250 kilos lancé à 80 kilomètres/heure, c’est évidemment un danger. Le piqueux aurait dû arrêter l’action de chasse" bien avant l’arrivée à la gare.
Ce jour-là, le piqueux a fait son travail
maître Justine Devred, avocate du piqueux
Selon la loi de 1982, l’animal doit être gracié et donc la chasse doit être interrompue, lorsqu’elle s’approche d’un lieu accueillant du public. C’est d’ailleurs la défense de maître Justine Devred, avocate du piqueux. "Il n’a pas servi (mis à mort) le cerf pour des raisons de sécurité. Il y avait des cyclistes à proximité. Mais aucune distance de sécurité n’a été fixée par la loi ou le règlement. Ce jour-là, le piqueux a fait son travail. Étant donné la direction prise par le cerf, la gare de Chantilly, la chasse a été interrompue car il est difficile de contrôler un animal sauvage", explique-t-elle. Mais, d’après différents témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête, les chiens étaient hors de contrôle dans la gare et les veneurs paraissaient dépassés par la situation.
C’est l’abolition de la chasse à courre qu’il faut
Stanislas Broniszewski, fondateur de l’association Ava,
Le procureur a requis des peines exemplaires, de 1500 euros d’amende pour le piqueux et le maître d’équipage et 10 000 euros pour le Rallye des trois forêts. Pour Stanislas Broniszewski, le fondateur de l’association Ava, qui lutte contre la vénerie, cette peine n’est pas suffisante. "Ce qui pose problème, c’est la pratique en elle-même de la chasse à courre. Le fait de lâcher une cinquantaine de chiens dans la nature en espérant les contrôler par le son de la voix. Les amendes de 1000 ou 10 000 euros ne servent à rien. C’est l’abolition de la chasse à courre qu’il faut. Elle n’a plus sa place", revendique le militant.
La SPA (société protectrice des animaux) et la SNCF se sont portées parties civiles dans ce procès. Les avocats dela défense ont demandé la relaxe des trois prévenus. La décision est attendue le 26 juin prochain.