Le britannique Ken Loach c'est deux Palmes d’Or et la modestie des plus grands. Questions du public le temps d’une master class, analyse de ses films, un cinéma reflet de la vie des gens ordinaires. Rencontre tout simplement, avec un jeune homme de 85 ans, à l'occasion du festival Cinémondes.
La reine voulait l’honorer, mais il a préféré plus raisonnable de dire "Non merci" ! Pas trop sa tasse de thé. Ken Loach n’a pas très envie non plus d’aller voir le dernier James Bond, "ces machos qui tirent sur des gens". Ken Loach est autre. Infiniment modeste.
Refléter la vie des gens ordinaires
"Moi Daniel Blake", "Sorry we missed you", "Kes", "Land an Freedom", les films du réalisateur sont tous à voir et à revoir (et notamment dix d’entre eux gratuitement sur france.tv).
Parlons cinéma et parlons politique aussi, puisqu’ici il est question d’histoires du peuple et des travailleurs.
Il espère que les jeunes "se battront toujours, ceux qui se rebellent sont ceux qui n’ont plus rien à perdre". Les travailleurs pauvres, l’Ubérisation, les fins de droit, les mères célibataires désespérément seules, le réalisateur poursuit sa route explorant la vérité d’un cinéma social sur plusieurs décennies. Les gens de peu, si souvent rabaissés par les institutions comme par certains regards. Les humiliations de la vie quotidienne, les luttes individuelles ou collectives.
Ken Loach qui n’aime pas la notion de "cinéma d’auteur", "c’est un travail d’équipe, tout le monde fait la queue à la cantine ! L’électricien est traité comme le comédien principal !".
Dans la salle du Cinos à Berck-sur Mer, les questions fusent de toute part.
Le Brexit sur grand écran ?
"Ce serait un film très compliqué à faire ! Un bon film doit pouvoir vous distraire, mais aussi penser à des choses les plus importantes. Et une fois que vous avez tâté du cinéma, c’est vraiment le meilleur médium qui existe. Filmer un simple battement de paupières, un battement de cils, on ne le voit pas au théâtre. Le cinéma permet de capter les émotions les plus subtiles."
Des débuts au théâtre, et aussi une expérience à la BBC durant laquelle il n’a rien oublié de son cours "comment se servir d’une caméra !", une banale formation de sept semaines qui fera basculer sa vie d’homme.
Avant le cinéma il y eut donc la télévision. Filmer une série policière, pas simple quand même, "à l’époque la télé c’était en direct, quinze millions de téléspectateurs regardaient, un baptême par le feu !"
Le conseil de Ken Loach à un jeune étudiant en cinéma
"Premier conseil : n’écoutez aucun conseil ! Ayez une idée, et défendez-la. Allez sur un plateau et surtout faîtes vous payer. Même peu, mais faîtes vous payer. Apprenez, et syndiquez-vous !"
A quand le prochain Ken Loach ?
Il sourit. "Mais faire des films c’est une affaire de jeune homme !"
Le ton change soudain. Plus grave Ken Loach dit "garder de l’énergie parce que la nouvelle urgence c’est le climat. C’est une question d’année, il faut se bouger. On n’ a plus le temps". Avant de nous quitter, interrogé sur la politique, il met en garde contre le fascisme qui dit-il "ressort régulièrement dessous les pierres".
Un nouveau Ken Loach ? Nous, on croise les doigts.