Bénévole au sein de plusieurs associations, un jeune anglais de 22 ans a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire, mardi 8 mars. Une décision préfectorale justifiée par un “défaut” d’adresse postale alors que l’intéressé évoque une mesure relative à ses "engagements politiques".
Depuis deux ans, Atlas (nom d’emprunt) vivait à Calais et militait pour la cause des migrants dans diverses associations. De nationalité anglaise, le jeune homme de 22 ans disposait, avec le Brexit, d’un titre de séjour valable durant cinq ans. Il habitait, depuis le mois de février, dans un squat qu’il a contribué à ouvrir pour accueillir des personnes sans papiers. Mais officiellement, son domicile administratif était dans les locaux de l’association Auberge des migrants, où il recevait ses courriers, notamment ceux de la Préfecture.
Le 3 mars 2022, un courrier du Préfet lui est adressé, mais Atlas dit ne l’avoir jamais reçu. Conséquence, cinq jours plus tard, le 8 mars, le jeune ressortissant britannique fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Car, selon la Préfecture, “il appartient à l’intéressé de prendre les précautions nécessaires pour réceptionner son courrier” sous peine de lui “retirer la carte de séjour”.
Expulsé pour un "défaut" d'adresse postale
Après réception d’une OQTF, l'intéressé a 30 jours pour quitter le pays, avant d’entrer dans l’illégalité. Or, cette lettre, également envoyée par courrier, le jeune militant dit ne l’avoir jamais reçue non plus. C’est au cours d'un contrôle de police, plus d’un mois et demi plus tard, le 29 avril, qu’il apprend qu’il fait l’objet de cette mesure d'expulsion. Il raconte : “c’était le soir, j’étais à bord d’une camionnette avec un ami et une voiture de police nous a suivi pendant un long moment. Ils ont fini par nous arrêter pour contrôler nos papiers et à ce moment on m’a embarqué, en me disant que je ne pouvais plus rester en France.”
Pourquoi m’ordonner de quitter le territoire pour un courrier non reçu ? Ça fait deux ans que je reçois tous mes courriers à cette adresse, pas celui-ci. On n’a même pas cherché à me joindre par téléphone ou par mail.
Atlas, militant britannique engagé auprès des migrants
Atlas est ensuite emmené à la police aux frontières, à Coquelles, près de Calais. Il y reste en détention pendant 15 heures. C’est là qu’on lui signifie enfin qu’il fait l’objet d’une OQTF. “J’étais choqué, rapporte Atlas. Pourquoi m’ordonner de quitter le territoire pour un courrier non reçu ? Ça fait deux ans que je reçois tous mes courriers à cette adresse, pas celui-ci. On n’a même pas cherché à me joindre par téléphone ou par mail.”
Placé dans un centre de rétention administrative
Après son séjour en détention, Atlas est placé au Centre de rétention administrative (CRA) de Lille-Lesquin. C’est un vendredi soir. Il y restera jusqu’au dimanche matin. “Ce sont les pires jours de ma vie !, rapporte Atlas. Là-bas, on est des moins que rien.” Le dimanche, le juge des libertés et de la détention a prolongé sa détention de 48 heures. Le lundi 2 mai, Atlas passe devant la Cour d’appel de Douai qui décide de le libérer mais je l’assigner à résidence au Centre d’accueil et des examens (CAES) d'Arques, près de Saint-Omer, avec obligation de pointer au commissariat de Saint-Omer trois fois par semaine.
Sur le point d’être expulsé de France, Atlas a décidé de partir par ses propres moyens, mardi 10 mai. Il reste sous le coup d’une interdiction de retourner sur le territoire français, pendant une durée d’un an, renouvelable.
Le militant dénonce une entrave à "ses engagements politiques"
Selon lui, cette mesure préfectorale vient sanctionner ses engagements militants. Atlas est notamment à l’origine de l’ouverture du squat de la rue Frédéric Sauvage, à Calais. Une maison abandonnée, retapée et transformée en lieu de vie et de mise à l’abri à destination des personnes en exil. “Ils m’ont expulsé parce qu’ils ne sont pas d'accord avec mes idées et engagements politiques”, croit-il. Pierre Roques, coordinateur de l’Auberge des migrants, est du même avis : “il est évident que c’est lié.” “Les bénévoles sont harcelés régulièrement et cette OQTF est un nouvel outil d’un arsenal répressif qui ne cesse de s’élargir.”
Des procédures en cours contre les autorités françaises
Depuis l’Angleterre, Atlas continue à se battre. Il a entamé plusieurs procédures avec son avocat ; contre son OQTF et le retrait de son titre de séjour, contre son interdiction de retourner sur le territoire français ainsi que pour dénoncer son assignation à résidence. Il sait que le temps judiciaire sera long mais il est prêt à revenir à Calais s’il remporte ses combats judiciaires.
Je ne lâcherai pas l’affaire, je suis prêt à aller jusqu’au bout. Jusqu’au Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme si il le faut.
Atlas, militant britannique engagé auprès des migrants
“J’ai mille fois plus envie de défendre ma cause désormais, affirme-t-il aujourd’hui. Mon seul délit est d’avoir voulu aider des gens et d’avoir rénover une maison abandonnée pour y loger des personnes à la rue. Je ne lâcherai pas l’affaire, je suis prêt à aller jusqu’au bout. Jusqu’au Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme si il le faut.” Atlas explique qu’il se bat aussi pour les autres militants britanniques présents à Calais. ”Si on m’a fait ça à moi, on le fera aux autres. Je n’ai pas le droit de lâcher.” D’ailleurs, un de ses amis anglais avec qui il a ouvert le squat fait également l’objet d’une OQTF.