La mairie de Calais n'est pas "compétente" pour prendre des arrêtés visant à interdire dans certains lieux les distributions de repas aux migrants, juge le tribunal administratif de Lille.
Les 2 et 6 mars 2017, quelques mois après la fermeture de la "Jungle" de Calais et alors que plusieurs centaines de migrants étaient revenus dans la commune, la maire Natacha Bouchart avait interdit, via deux arrêtés, les "occupations abusives, prolongées et répétées" de plusieurs lieux dont la zone industrielle des Dunes et le Bois Dubrulle.
Dans ces arrêtés, elle invoquait "présence régulière, persistante et massive de groupes d'individus (...) aux fins de distribution de repas aux migrants", faisant selon elle peser le risque de tensions inter-ethniques, violences, rixes ou dégradations, rappelle le tribunal dans cette décision rendue lundi.
Le 9 mars 2017, Mme Bouchart avait ensuite rejeté une demande des associations "tendant à ce que soit autorisée une distribution alimentaire" dans la zone industrielle des Dunes.
Une décision qui dépend du préfet
Plusieurs associations d'aide aux migrants avaient alors saisi le tribunal administratif d'une requête en référé-liberté et obtenu le 22 mars 2017 la "suspension" des arrêtés. Le juge avait considéré que la maire portait "une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir", et faisait obstacle "à la satisfaction par les migrants de besoins élémentaires vitaux".
Lundi, le tribunal administratif a cette fois "annulé" les arrêtés visés. "La police étant étatisée dans la commune de Calais, il n'appartenait qu'au préfet de prendre de telles décisions afin de prévenir la réitération" de telles "atteintes à la tranquillité publique", expliquent les juges dans cette décision.
"Le maire de Calais était incompétent pour prendre les arrêtés attaqués", tranchent-ils.
Rappel à l'ordre "opportun"
Cette décision "devrait mettre un coup d'arrêt à l'une des mesures les plus honteuses dans la panoplie des pratiques de harcèlement des personnes migrantes en vigueur" à Calais, se sont réjouies samedi huit associations, dont l'Auberge des migrants, Salam et le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti).
"Ce rappel à l'ordre est d'autant plus opportun" qu'un nouvel arrêté du même ordre a été pris le 18 octobre, ajoutent les associations, appelant la maire à "renoncer définitivement à se fourvoyer dans des initiatives aussi indignes qu'illégales".
Le tribunal a en revanche rejeté une autre demande des associations, visant l'annulation d'une décision par laquelle la maire avait refusé en 2017 la réouverture d'un lieu dédié à la distribution des repas.