Une centaine de communes de Oye-plage (près de Calais) sont touchées par le phénomène.
"Un jour, la maison s'écroulera", souffle Renée Cornet en inspectant, impuissante, le carrelage fissuré qui déforme son salon. Comme elle, plus d'une centaine de foyers de Oye-Plage (Pas-de-Calais) voient leur domicile se dégrader. Beaucoup soupçonnent une carrière de sable à proximité et une prochaine étude pourrait lever le doute.
"En 2005, c'était minime mais ça s'est aggravé au fil du temps", confie cette femme de 59 ans. Désormais, les murs sont affaissés, les dalles ont rompu sous le gonflement du terrain et l'humidité a investi les murs. "Le bois est pourri, tout est déformé. On essaye de boucher les fissures pour empêcher l'air de passer, mais en hiver, on chauffe pour rien", déplore-t-elle.
Pendant 14 ans, Mme Cornet et son mari ont "tapé à toutes les portes". Après de multiples procédures, un échec judiciaire qui leur a coûté 20 000 euros, ils se retrouvent "sans solution". Au-delà du danger permanent, "la maison ne vaut plus rien. C'est injuste. On a travaillé, payé nos impôts... Et nous ne pouvons pas partir car nous n'en avons pas les moyens."
Si le cas de Mme Cornet est le plus grave à ce stade, il n'est pas isolé : à ce jour, 127 maisons de cette commune balnéaire de 5.500 habitants située sur la Côte d'Opale ont été officiellement recensées comme fissurées. "On le vit très mal. Du matin au soir, on ne voit que ça", soupire Jacques Baillie, 60 ans, qui "n'en peut plus" de voir s'élargir ces fissures.
Agacés par ce statu quo persistant, les sinistrés ont créé un collectif, l'Avapi, qui dénombre "plus de 150 maisons, sur une zone allant jusqu'à trois kilomètres", selon son vice-président Jean-Marie Butez. Malgré l'ampleur des dégâts, les riverains n'ont toujours pas obtenu réparation.
"Les assurances ne peuvent jouer qu'à la condition qu'on soit sûr de l'origine du problème. Or ce n'est pas le cas", explique le maire (divers gauche) Olivier Majewicz.
Etude des sols à venir
Les habitants, eux, sont persuadés que les problèmes viennent d'une carrière de sable à proximité qui a commencé ses travaux d'extraction dans les années 1990. "Du jour où ils ont creusé, ça a été la débandade", tranche Mme Cornet, dont la maison centenaire n'avait "jamais connu de problème". "On savait que cela ferait bouger les sols. Aujourd'hui, c'est nous qui payons les conséquences", lâche-t-elle.
Car "de Calais jusqu'aux Pays-Bas, c'est du sable pissart", caractérisé par une grande instabilité. "Les Hollandais ont le même problème mais
sont plus prudents dans la manière de l'exploiter", affirme M. Butez. "Quand on tape sur les dalles, ça sonne creux. En dessous, c'est le vide", constate M. Baillie.
La société en charge de l'extraction, Sables et Matériaux, n'a pas souhaité réagir. La municipalité elle, reconnaît "un dysfonctionnement étrangement observé depuis l'exploitation de la sablière". "Il y a une concomitance des choses qui instaure forcément un doute qu'on veut lever", précise M. Majewicz.
Après des mois de mobilisation, l'Avapi a obtenu un premier résultat: une étude scientifique des sols sera lancée en décembre, a annoncé la mairie. Financée par l'Etat, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et la mairie, elle doit aboutir à des résultats fermes à l'été 2020.
"On est sur un sol sableux, tourbeux. Soit l'origine est naturelle et on se tournera vers l'Etat, soit elle est industrielle et on se tournera vers les exploitants, soit c'est la conjonction des deux et il faudra alors déterminer la part de responsabilité" de chacun, résume M. Majewicz.
Il s'agit d'"une première étape vers l'indemnisation des victimes", se satisfait l'Avapi. L'extraction du sable, elle, prendra fin en novembre. Mais pour M. Butez, le mal est fait. "Si il y a une fuite de sable, ça va encore continuer pendant des années", redoute-t-il. "Il faudra du temps pour que le terrain retrouve sa stabilité. Et on ne sait pas encore quelles seront les conséquences."