La communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin (CAHC, Pas-de-Calais), sur le territoire de laquelle était implanté le site industriel de Metaleurop, fermé en 2003, va poursuivre l'Etat en justice pour "préjudice écologique", une procédure présentée comme une première en France.
Le président de l'agglomération, Christophe Pilch, également maire (PS) de Courrières, souhaite faire reconnaître le "préjudice environnemental immense" que la fonderie Metaleurop "a laissé derrière elle", et "obtenir réparation" de l'Etat, annonce la CAHC dans un communiqué diffusé ce vendredi. Il doit tenir une conférence de presse lundi pour exposer sa démarche.
Implantée depuis 1894 à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), l'usine métallurgique, classée Seveso, produisait jusqu'à 130 000 tonnes de plomb, 100 000 de zinc et 250 000 d'acide sulfurique par an. Située en bordure du canal de la Deûle, elle rejetait dans l'air, en 1985, 67 tonnes de plomb, 26 700 de dioxyde de souffre, entre autres.
Sur 600 hectares autour du site industriel présenté lors de sa fermeture comme le plus pollué de France, les sols demeurent fortement contaminés notamment en plomb et cadmium. Cette zone, qui s'étend sur cinq communes et sur laquelle vivent 24 000 personnes, est encadrée depuis 1999 par un projet d'intérêt général (PIG), élargi fin 2015, restreignant l'usage des sols. En son coeur, toute activité agricole demeure interdite.
La pollution "résulte d'une complicité de l'Etat, qui a mal contrôlé l'exploitant", affirme David Deharbe, avocat de l'agglomération. "On a la preuve que les seuils quantitatifs autorisant Metaleurop à polluer étaient délirants. Les rapports de la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, NDLR), dans les dernières années de Metaleurop, l'affirmaient clairement".
Une première en France
Selon l'avocat, c'est la "première fois qu'il y aura un recours contre l'Etat pour préjudice environnemental". L'action en justice s'appuie sur la "loi pour la reconquête de la biodiversité", entrée en vigueur en 2016. Elle stipule que "toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer", et reconnaît que les collectivités territoriales "dont le territoire est concerné" ont qualité à agir.
Christophe Pilch avait indiqué, le 26 septembre, avoir été "sensibilisé" à la notion de préjudice écologique par l'association PIGE, regroupant des habitants ayant eux-même saisi le tribunal administratif en 2018 pour obtenir réparation de la pollution des sols. "Le travail de l'association nous a permis d'étayer l'idée qu'on soupçonnait d'un rôle complice de l'Etat", souligne Me Deharbe, qui la représente également. "L'impulsion est venue d'en bas".
"Dimanche Politique" reviendra sur cette plainte déposée par la CAHC, ce dimanche à 11h25 sur France 3 Nord Pas-de-Calais, dans le cadre d'une émission consacrée aux suites de l'incendie de Lubrizol et aux préjudices subis par les communes touchées par la pollution industrielle.