Valérie M, poursuivie pour avoir qualifié Emmanuel Macron "d'ordure" sur Facebook, a choisi d'être représentée par l'avocat Juan Branco. Ce dernier voit en ces poursuites une tentative "d'intimidation". De son côté, l'avocat Didier Robiquet reste "dubitatif" face au dépôt de plainte du sous-préfet de Saint-Omer.
Après avoir posté un message Facebook traitant le président de la République, Emmanuel Macron, "d'ordure", Valérie M a eu la surprise d'être arrêtée et placée neuf heures en garde à vue.
Elle a ensuite été renvoyée devant le tribunal judiciaire pour outrage envers une personne dépositaire de l’autorité publique. Elle risque 12 000 euros d’amende. Quant à l'audience, elle est fixée au 20 juin prochain.
"Il s'agirait d'un acte d'intimidation"
Valérie M sera défendue par l'avocat Juan Branco qu'elle a contacté. "J'ai défendu beaucoup de gilets jaunes, des réseaux de solidarité se sont créés au sein de ce mouvement. L'une de ces personnes a donné mon numéro à Valérie qui cherchait à me contacter", explique-t-il. Elle lui a alors demandé s'il acceptait de prendre sa défense, ce qu'il a "bien évidemment" fait.
Pour lui, l'arrestation de Valérie M serait "visiblement un acte d'intimidation" de Guillaume Thirard, sous-préfet de l’arrondissement de Saint-Omer "contre une militante chevronnée qui manifeste un peu trop fort à son goût". Selon Juan Branco il s'agirait d'une "forme d'intimidation politique inacceptable dans un État de droit".
Cette arrestation serait "une instrumentalisation de la justice et des forces de l'ordre à cette fin". À travers Valérie M, il y aurait selon lui, "une volonté d'intimidation qui touche plus largement", analyse-t-il. En somme, ce serait "une procédure pour l'exemple".
"On ne peut pas placer quelqu'un en garde à vue pour une injure"
Interrogé vendredi 31 mars au JT 19/20 de France 3 Nord Pas-de-Calais, Didier Robiquet, avocat honoraire au barreau d'Arras, estime qu'en principe, ces poursuites - et notamment les neuf heures de garde à vue - ne seraient pas justifiées.
Selon lui, on ne pourrait pas placer quelqu'un "en garde à vue pour une injure, dans la mesure où ce n'est pas un crime, et ce n'est pas un délit puni d'une peine d'emprisonnement, ce qui est la condition nécessaire pour le placement en garde à vue", détaille-t-il.
En revanche, ce qui est possible, selon lui, c'est "de placer quelqu'un en garde à vue pour un autre délit qui aurait pu être, par exemple, un outrage à personne dépositaire de l'autorité publique et qu'on requalifie cette procédure en injure". Mais sur la base d'une injure au départ, "on ne peut pas normalement placer en garde à vue".
Autre point important : "si le texte visé - et cela semble être le cas - est celui de la loi de 1881, l’alinéa qui suit la qualification d’injure au président de la République précise que les poursuites ne peuvent être engagées que sur une plainte de la ou des personnes concernées". Dans ce cas, c'est Emmanuel Macron qui serait censé le faire.
Le sous-préfet est le représentant de l'Etat dans son arrondissement, donc il peut déposer plainte au nom de l’Etat. "Mais est-ce que ça suffit pour dire qu’il a pouvoir par ses prérogatives générales de déposer plainte pour le président de la République s’il n’a pas reçu un mandat spécifique pour le faire ? Je suis un peu dubitatif", avoue Didier Robiquet.
"On va obtenir la relaxe et l'annulation"
Juan Branco en est certain, "on va obtenir la relaxe et l'annulation de ma cliente, on a aucun doute à cet égard". Le grand enjeu est de savoir qui sera condamné pénalement pour avoir "privé arbitrairement une femme de sa liberté".
"On considère que la responsabilité pénale des personnes qui ont ordonné l'arrestation de ma cliente, qui ont obéit à des ordres manifestement illégaux, a été engagée par leur geste et sera recherchée", poursuit-il.
Dans une autre circonstance, "s'il n'y avait pas une solidarité et une cohésion parmi des personnes qui se sont engagées ces dernières années, elle aurait pu être traumatisée et seule face à une violence inacceptable", déplore-t-il.
L'audience fixée au 20 juin prochain va être "un moment important pour notre démocratie", conclut Juan Branco.