Les agents du Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale lancent un appel à la vigilance : le marais audomarois est envahi par la Jussie. Une plante exotique invasive qui menace la biodiversité locale. Les inondations auraient facilité sa prolifération.
À première vue, elle semble inoffensive avec sa délicate fleur jaune et ses petites feuilles flottantes comme celles des nénuphars. Mais la Jussie rampante est un vrai fléau. Elle recouvre les masses d’eau, créant un tapis épais qui piège la lumière et asphyxie la végétation. Elle engendre ainsi la disparition de la flore et de la faune aquatique. Un désastre environnemental, dans ce parc reconnu réserve de biosphère par l’Unesco.
Et la situation s’aggrave. En effet, avec le réchauffement climatique, la Jussie s’adapte de plus en plus au milieu audomarois. Initialement aquatique, elle colonise désormais les berges et les surfaces herbeuses du marais. Mais elle sait aussi se reproduire. “Depuis deux ans, nous nous sommes rendu compte que l’espèce s’est mise à germer alors qu’elle ne le faisait que dans les conditions climatiques du sud de la France. 1m² de Jussie peut produire 10 000 graines.” explique Mathieu Lorthiois, chargé de mission au Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale. C’est effectivement dans le sud de la France, précisément dans un jardin botanique de Montpellier, que la Jussie fut découverte en 1820. Elle aurait été initialement importée d’Amérique du Sud.
Deux siècles plus tard, en 2018, les agents du Parc naturel de l’Audomarois la repère dans le marais. Prévenus de son expansion massive et de son impact nuisible sur les habitats naturels et les espèces locales, les agents du parc se forment à mieux l’identifier et entament des arrachages ponctuels et ciblés. “C’est une plante très envahissante et qui se développe rapidement. Elle double de volume en 15 jours. En une année, on peut ramasser plus de 500 kg de Jussie” estime Mathieu Lorthiois.
Prolifération dûe aux inondations
Les quelques arrachages systématiques, avaient permis une maîtrise du développement de la Jussie. Mais cette année, les équipes du marais ont remarqué une progression inquiétante. “En 2023, nous avions repéré des stations de Jussie uniquement sur la partie Est du marais. Mais en 2024, nous avons localisé plusieurs nouvelles stations, notamment dans l’Ouest du marais. On pense que les inondations ont été un facteur facilitant la propagation de cette plante”, analyse Mathieu Lorthiois. Et ironie du sort, la Jussie pourrait elle-même causer des inondations en paralysant les flux du marais. Car, avec sa colonisation massive, elle empêche l’eau de circuler normalement et de s’évacuer vers la mer. Elle stoppe également les activités humaines et touristiques en bloquant la navigation des bateaux.
Depuis juin, une campagne d’arrachage massif s’organise donc dans les marais. “Nous travaillons déjà en réseau avec les agents du parc naturel, ceux de la Communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer et d’Eden 62. Cela a facilité notre réaction en urgence pour faire face à cette prolifération très rapide.” Sophie Warot, présidente du Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale.
Propriété privée
Problème : une grande partie du marais appartient au domaine privé. Une campagne de sensibilisation est donc en cours auprès des habitants et exploitants du parc. “Sur 700 km de marais, 500 km sont sur des propriétés privées sur lesquelles la Jussie peut se développer de manière inaperçue et ensuite se disperser dans les eaux du Parc Naturel.” alerte Bruno Cossement, chargé de mission EDEN 62.
La Jussie peut se développer de manière inaperçue et ensuite se disperser dans les eaux du Parc Naturel.
Bruno Cossement, chargé de mission EDEN 62
Les agents appellent les particuliers à la vigilance et au signalement mais pas à l’arrachage individuel. En effet, ils préfèrent se charger de cette tâche qui doit être réalisée avec précautions. “S’ils pensent identifier la plante, les particuliers doivent nous contacter au plus vite. D’abord parce que la Jussie n’est pas toujours facile à reconnaitre, mais aussi parce que l’arrachage demande la mise en place d’un dispositif spécifique, comme des barrages flottants, pour éviter sa propagation. De plus, il s’agit aussi de maîtriser la destruction de la plante par incinération. Il ne faut absolument pas la laisser sur une berge ou dans un compost, une fois arrachée” prévient Bruno Cossement.
Pour lutter contre ce fléau, la direction a mobilisé le fond vert, un dispositif de l’état qui aide à financer des projets environnementaux. Grâce à lui, un salarié a été recruté en renfort pour la saison. Mais les acteurs techniques et politiques du Parc Naturel espèrent un soutien renforcé de l’état pour faire face à l’expansion rapide et inquiétante de la Jussie, dans un des éléments du patrimoine naturel remarquable de la région Nord-Pas-de-Calais.
Contact pour signaler la présence de Jussie : 03 21 11 07 26