Grâce à ses nombreux exploits sportifs, le nageur de 44 ans né à Abbeville (Somme) et installé à Wimereux (Pas-de-Calais) est nominé pour être "Homme de l'année 2021" par le site de la WOWSA, la fédération internationale de nage en eau libre.
"Choisissez un candidat qui incarne le mieux l'esprit de la natation en eau libre", annonce le site de la World Open Water Swimming Association, qui met en avant quinze nageurs pour le concours d'"Homme de l'année 2021", dont deux Français : Stéphane Lecat, directeur du développement et des équipes de France Eau libre et le nordiste Stève Stievenart, alias "Le phoque", spécialiste de la nage en eau froide, voire extrêmement froide.
Le site explique avoir sélectionné ce dernier parce qu'il a "parcouru le monde à tout moment et toujours réussi, dans certaines des nages les plus difficiles. Et pour avoir relevé la barre en nageant à travers le plan d’eau le plus emblématique du sport, si tard dans l’année, dans une eau aussi froide."
Une vraie fierté
La WOWSA fait référence à la Manche, que Stève a traversée le 11 novembre dernier, battant ainsi le record de la traversée la plus tardive dans l'année. "La Manche, c'est l'Everest de la natation, explique celui qui en août 2020 était le premier Français à la traverser à la nage, aller-retour, sans combinaison. 300 personnes tentent le coup chaque année, et 10% seulement réussissent."
"Je suis très heureux d'avoir été nominé, se félicite le nageur. Cette fédération, c'est la référence. Ce sont eux qui contrôlent toutes les traversées à travers la planète. C'est une vraie fierté, d'autant qu'on a fait une super saison."
Six traversées en 2021
Habituellement, Stève Stievenart fait une ou deux traversées par an ; en 2021, il en a fait six, dont deux parmi les plus difficiles du monde, en Sibérie et en Irlande.
- Le lac Baïkal en juillet, en Sibérie, dans le cadre du Baïkal Great Swim. Un relais de 120 kilomètres avec sept autres nageurs parmi les meilleurs du monde. "On a traversé le lac, se souvient Stève, dans une eau entre 5 et 9 degrés, puis à cause du brouillard et du froid, on a dû abandonner sur la deuxième étape, la descente d'une rivière." Il est déjà requalifié pour l'année prochaine, au mois d'août.
- Le double tour de Manhattan en août, qui compte pour deux traversées. Plus de 90 kilomètres en 21 heures 20.
- Le Loch Ness en août, en Ecosse, 37 kilomètres en 14 heures 50 minutes. Nouvelle fierté, Stève est le premier Français à accomplir ce challenge. Avant lui, depuis 1965, seuls 25 nageurs à travers le monde avaient réussi. "Il y a 90% d'abandons, précise le nordiste. La raison principale, c'est l'angoisse quand la nuit tombe, la tension palpable."
- Le North Channel en septembre, 35 kilomètres entre l'Irlande et l'Ecosse. "Les conditions étaient très changeantes, se souvient-il. Il y avait le froid bien sûr. Mais le pire, c'était les méduses, très nombreuses, avec des piqûres très violentes. Heureusement que je m'étais entraîné à nager dans des bancs de méduses…"
- La Manche, 33,5 kilomètres en 16 heures 47 dans une eau à 12 degrés. Le 11 novembre, Stève Stievenart bat un record en réalisant la dernière traversée la plus tardive de la Manche depuis 1875.
Un entraînement ultra-intensif
"La clé, affirme le sportif, c'est l'entraînement. Je vous parlais des méduses, mais je passe aussi énormément de temps à m'habituer au froid, je prends des douches glacées, je me baigne toute l'année, je dors la fenêtre ouverte."
"Avant ma première traversée de la Manche, j'ai dormi six mois avec des lunettes de piscine collées aux yeux, pour m'habituer et j'ai mimé la nage pendant des heures sur le sol de ma terrasse."
Et puis il y a la nourriture. Celui que les Anglais ont appelé "Seal", "le phoque" – un surnom prédestiné, lui qui s'engageait déjà à l'âge de 13 ans pour Picardie Nature – se nourrit de poissons gras.
On m'appelle "Le phoque" parce que comme lui, je me nourris de poissons gras.
Stève Stievenart
"Je m'entraîne toujours en Angleterre, raconte-t-il. A un moment, je nageais 20 heures chaque week-end, 10 heures le samedi et 10 le dimanche. Je ne supportais plus leur nourriture, trop sucrée, alors avec mon thé, je mangeais des poissons gras, crus et froids."
"J'aime bien qu'on m'appelle comme ça, ajoute-t-il. C'est un animal toujours présent dans ma vie. A chaque traversée, c'est comme si un phoque veillait sur moi, de la Sibérie à Hawaï en passant par le nord de la France."
Toujours plus loin
Stève Stievenart a eu mille vies avant de trouver sa passion pour l'eau et de s'y tenir. "J'ai été photographe animalier, liste-t-il, éditeur de magazines, réparateur de voitures, artiste, champion de pilotage sur glace 2004, champion du monde de jetski en 2005, j'ai traversé l'Atlantique à la voile en 2009, j'ai fait plusieurs IronMan…"
"Aujourd'hui, ce qui me passionne, c'est l'environnement, sourit le créateur de la fondation Stop Plastic Pollution, et l'adaptation de mon corps à l'environnement."
"Ce qui m'intéresse par-dessus tout, c'est la recherche scientifique, poursuit-il. Je travaille avec des professeurs à Lille et à New York et je suis ambassadeur de Digest science, fondation de recherche sur les maladies de l'appareil digestif basée à Lille. Ils étudient ma flore intestinale, les effets que peuvent avoir les bonnes bactéries de l'eau de mer."
Prochain défi ?
Il prépare une expédition au Chili pour février-mars, qu'il a baptisée "A l'écoute de soi" et qui combinera natation et marche en haute montagne. "Je partirai justement avec des scientifiques, qui surveilleront mon état au jour le jour. Pour l'heure, je m'entraîne en marchant 30 kilomètres par jour."
En attendant, le sportif croise les doigts et espère que les votes feront de lui l'homme de l'année. "J'ai déjà tout gagné avec la nomination, se réjouit-il. Parce que le plus beau, c'est que plusieurs jeunes m'ont déjà contacté. Ça crée des vocations. Ils sont nombreux à avoir envie de sortir de leurs piscines. Or, en France, il n'y a pas d'infrastructures pour les prendre en charge !" Bonne nouvelle, Stève Stievenart travaille justement à la création d'une structure d'entraînement... Mais chut, c'est une autre aventure.
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En 2020, c'est le Tunisien Nejib Belhedi, 68 ans, qui avait été élu "Homme de l'année" pour avoir effectué un tour à la nage de l'île de Djerba, soit 155 kilomètres en 47 heures et 50 minutes.
Pour faire gagner Stève Stievenart, il vous suffit de vous rendre sur le site de la WOWSA et de voter après avoir créé un compte. Vous avez jusqu'au 31 janvier. A noter qu'il existe en parallèle le concours "Femme de l'année 2021", pour lequel aucune Française n'a été nominée.