Depuis près d'un siècle, chaque année, un homme d'Eglise bénit les voitures et deux roues à Villers-Saint-Christophe (Aisne), une commune qui a pris le nom du saint patron des voyageurs.
Faire bénir sa voiture par un abbé pour éviter les accidents. C’est (encore) possible et ça se passe à Villers-Saint-Christophe (Aisne), la commune qui a pris le nom du Saint-Patron des voyageurs.
Dimanche 26 juillet, après une messe donnée en l’Eglise de Villers à 16h00, un balai de véhicules passera devant l’abbé de Ham. En voiture, à moto ou à vélo, les conducteurs rouleront devant le curé, sur le côté de l’Eglise, près d’une statue en bois de Saint Christophe, pour être bénis.
"Ce n’est pas parce qu’on a fait bénir sa voiture qu’il faut rouler n’importe comment", prévient Monique Boulet, adjointe au maire. "Ce qui compte, c’est la façon dont on conduit, l’esprit, que l’on formule par ces mots sur les banderoles qui décorent la cérémonie depuis des années : ‘Je ne prends pas la route, je la partage avec les autres’".
Une tradition quasi-centenaire
Dans les années 1920, la bénédiction des véhicules était un très grand événement dans la commune. Une procession partait du château de Villers et rejoignait la place du village, où l’Eglise et son hôtel étaient reconstitués en plein air. Les participants roulaient sous une arche fleurie, après avoir défilé sous une voûte naturelle de tilleuls.
A l’origine de cette manifestation, il y aurait eu un drame. "Il semblerait que le pèlerinage ait été initié par la dame qui habitait le château de Villers et qui aurait perdu son fils dans un accident de la route", raconte Monique Boulet. "Elle se serait arrangée avec l’évêque et les ouvriers cultivateurs du couple de châtelains se seraient occupés de la reconstitution de l’Eglise."
Le saint patron des voyageurs
La légende chrétienne dit que Christophe porta un enfant pour traverser un cours d’eau et que l’enfant fut si lourd qu’il découvrit qu’il s’agissait de Jésus. Christophe signifie "porte-Christ". Christophe devint le saint patron des Hommes qui utilisent des moyens de transport.
Le village de Villers-les-Ham pris un jour le nom de Villers-Saint-Christophe. Dans l'Eglise, une vitrine protège un morceau d'os ; un os de Saint Christophe lui-même, dit-on.
Quoi qu'il en soit, la tradition des années 1920 s’enracina et se perpétua jusqu'à la seconde guerre mondiale, puis fut relancée dans les années 1980, de façon plus modeste.
"Tant qu’on pourra, on assumera cette tradition"
Si le XXIe siècle est parfois considéré comme le siècle du retour des religions, les villages constatent encore la déchristianisation de la population. Pour attirer un maximum de monde, la bénédiction des voitures aurait pu se folkloriser, se laïciser, comme certains feux de la Saint Jean. Mais à Villers-Saint-Christophe, on a préféré conserver une dimension purement religieuse. On y croit vraiment. Mais il y a vraiment de moins en moins de monde pour y croire.
"On manque de bénévoles", constate le maire, Denis Liesse. La cérémonie est devenue beaucoup plus modeste : la messe se déroule dans l’Eglise, qui n’est plus reconstituée en plein air ; en moyenne 20 à 30 véhicules sont bénis ces dernières années. Mais le maire assure que "tant qu’on pourra, on assumera cette tradition".