Hier "palais social", aujourd'hui "musée habité", demain en partie "hôtel multi-standard": loin de sa vocation d'origine du XIXe siècle mais fidèle à la philosophie de son créateur, l'industriel Jean-Baptiste André Godin, le Familistère de Guise se réinvente au fil de sa lente réhabilitation.
"Nous avons accueilli 65.000 visiteurs en 2016, dont 7% d'étrangers, ce qui fait du Familistère le musée le plus visité de l'Aisne", souligne Amélie Godbert, chargée de promotion du site, implanté dans une ville de 5.000 habitants de ce département essentiellement rural.Le lieu célébrera le bicentenaire de la naissance de Godin (1817-1888) dimanche lors d'une soirée de concerts suivie le lendemain par des animations à l'occasion de la Fête du travail, une journée fêtée depuis 150 ans dans ce symbole du progrès social.
Erigé en "Versailles ouvrier" capable d'héberger "jusqu'à 1.800 personnes dans 500 logements", le Familistère a été conçu entre 1859 et 1884 par Godin, "patron atypique parti de rien" et adepte des théories du philosophe Charles Fourier (1772-1837), pour loger ses ouvriers à deux pas de son usine qui fut "leader mondial des appareils de chauffage", rappelle Mme Godbert.
L'imposant bâtiment en brique rouge en forme de U est défini par ses guides comme "le seul musée habité de France", même s'il ne reste plus qu'une vingtaine de familles au sein du pavillon central, des descendants des ouvriers de l'usine ou des personnes venues s'y installer après l'épopée familistérienne. Une seule famille réside ici depuis cinq générations.
Depuis 2000, 70 millions d'euros d'investissement public ont été alloués au programme de réhabilitation baptisé "Utopia", permettant de restaurer la bâtisse qui tombait lentement en décrépitude depuis le rachat de la coopérative ouvrière en 1968.
"Mauvais état"
Le pavillon central et sa verrière, l'aile droite où se trouve l'appartement de Godin, la buanderie piscine, le théâtre qui revit depuis 2011, les jardins et les économats, anciens commerces transformés en accueil et restauration pour les visiteurs, composent le parcours muséal du Familistère.
Deux nouveaux projets sont à l'étude: "dans l'aile droite 70 logements à loyer modéré qui seront proposés à la location et dans l'aile gauche un projet d'hôtel multi-standard qui ira de l'auberge de jeunesse à la suite", précise Mme Godbert, sans pouvoir donner de détails sur le calendrier. Les travaux ont été amorcés dans l'aile gauche, avec le remplacement de la verrière, mais sont loin d'être achevés tant les lieux sont "en très mauvais état", admet-elle.
Les couloirs à la peinture effritée gardent quelques traces de vie : "Merci de ne plus mettre de publicité dans cette boîte", peut-on lire au numéro 32, qui héberge encore de vieux meubles abandonnés. Plongés dans cette atmosphère étrange, les greniers ont séduit le groupe de rock français Indochine "pour les besoins d'un clip", glisse la guide.
Cette partie du Familistère sera exceptionnellement ouverte au public le 1er mai, de même que l'usine, dont le showroom aux allures de cabinet de curiosités dévoile les objets en fonte qui ont fait la renommée de Godin: poêles, réchauds à gaz, cuisinières, porte-parapluies, jardinières...
Plus de 2.000 ouvriers ont travaillé au plus fort de la production dans cette usine aujourd'hui propriété du groupe Cheminées Philippe, qui y emploie entre 300 et 400 personnes.