La carte scolaire se dessine petit à petit en Picardie. Parmi les 99 fermetures de classes envisagées pour la rentrée 2023, celle de l'école d'Origny-en-Thiérache dans l'Aisne. Parents, instituteurs et élus se battent pour maintenir leurs six classes.
"Non aux classes surchargées", "une classe en moins, c'est le début de la fin", sur les pancartes des parents d'élèves, le message est clair. Le 2 février sonnait le troisième jour de l'opération "école morte" à Origny-en-Thiérache (Aisne). À l'instar des instituteurs et des élus, les parents sont vent debout contre le projet de fermeture de la classe de grande section à la rentrée 2023. Ailleurs en Picardie, d'autres classes sont également sur la sellette, 99 au total.
Si l'une des six classes de l'école ferme à la rentrée de septembre, le nombre d'élèves par classe passerait de 20 à 25, voire 28 selon les niveaux. Un scénario impensable pour l'équipe éducative. Pour faire entendre leurs voix, les représentants des parents d'élèves ont lancé une pétition en ligne et sur papier.
Une maîtresse, trois niveaux
En cas de fermeture, trois niveaux, de la petite à la grande section, seraient pris en charge par une seule maîtresse. Selon les premiers concernés, le départ en retraite anticipée de la maîtresse de grande section a facilité le projet de l'Education nationale. "Ce qui m’inquiète, c’est que ma fille ait du retard dans son travail, parce qu’on ne peut pas travailler de la même façon avec les petits, les moyens et les grands", estime Alexandra Page, vice-trésorière de l’association Les amis de l’école et mère de deux enfants scolarisés à Origny-en-Thiérache.
Pour d'autres parents, la gestion de l'emploi du temps deviendrait beaucoup plus complexe. Maxime Mouflard, père de deux enfants de 5 et 2 ans, s'imagine déjà courir le matin. "Nous travaillons tous les deux alors c'est impossible de mettre un enfant à une école et l'autre à une seconde. Entre la gestion des trajets le matin et la possibilité ou non de les récupérer, c’est compliqué." Au-delà des soucis purement techniques, le père de famille craint une qualité de l'enseignement amoindrie. "Quand on voit le taux d’illettrisme de la région, on se demande ce que les pouvoirs publics ont dans la tête et quels moyens ils cherchent réellement à mettre en place pour pallier ces situations."
Quand on voit le taux d’illettrisme de la région, on se demande ce que les pouvoirs publics ont dans la tête.
Maxime Mouflard, père de deux enfants
Pour la commune également, une fermeture de classe est tout sauf une bonne nouvelle. Le risque est de voir les familles délaisser à la fois l'école et la vie locale. "Les fratries suivent forcément. Ce n’est pas évident pour les parents. On a déjà du mal à survivre en milieu rural...On s’aperçoit qu’on est de plus en plus abandonné par les services publics", explique Christiane Pinckers, la maire d’Origny-en-Thiérache.
Car de plus grandes communes, celles d'Hirson (9.158 habitants) et de Vervins (2.500), se trouvent à proximité et pourraient bien happer les élèves. C'est aussi le cas à Watigny (Aisne), petit village de 374 habitants, où l'une des deux classes pourrait fermer. Dans ce cas, huit enfants seraient déplacés sur la commune de Saint-Michel où il y a dix fois plus d'habitants, et l'unique classe se retrouverait avec six niveaux différents.
On risque de ne pas trouver d’enseignant qui veuille prendre une classe avec autant de niveaux.
Jean Mathis, maire de Watigny
"On risque de ne pas trouver d’enseignant qui veuille prendre une classe avec autant de niveaux. La fermeture de l’école serait une catastrophe. Ce que je ne comprends pas c’est qu’on nous dit depuis des années que des classes à plusieurs niveaux ne peuvent plus exister. J’ai le sentiment que nous sommes les dindons de la farce", lance Jean Mathis, le maire de Watigny.
Chaque année, l'éducation nationale dessine la carte scolaire en vue de la rentrée prochaine. Etablie dès le mois d’octobre par les élus et les directeurs d’école, elle est ensuite remodelée par les syndicats et les parents au mois de janvier. En Picardie, les chiffres des fermetures et ouvertures de classes pour 2023 ne sont pas encore officiels mais les syndicats communiquent sur des estimations. Au total, on dénombrerait 59 ouvertures pour 99 fermetures.
Fermetures et ouvertures de classe envisagées :
Dans l'Aisne :
- 26 ouvertures
- 34 fermetures
- + 1,5 poste d’enseignant
Dans l'Oise :
- 11 ouvertures
- 24 fermetures
- + 2 postes d’enseignant
Dans la Somme :
- 22 ouvertures
- 41 fermetures
- + 1,5 poste d’enseignant
Dans la majeure partie des cas, les fermetures s'expliquent en raison d'une baisse démographique. La Somme devrait compter par exemple 1.172 élèves en moins à la rentrée de septembre 2023. Mais pour les syndicats, cette carte scolaire n’est pas à la hauteur des enjeux éducatifs ni de l’ampleur de la crise sanitaire.
Les établissements scolaires axonais seront fixés le vendredi 4 février, date d'une réunion départementale de l'éducation nationale pour acter la carte scolaire 2023.