Alertés par les gendarmes de violences faites à leur mère, ils avaient roué de coups leur beau-père qui en est mort : six ans après, deux frères vont comparaître devant les assises de Beauvais (Oise) du mardi 26 mai au jeudi 28 mai.
"Dossier exceptionnel", situation "ahurissante", "procès où tout est renversé"... les superlatifs s'accumulaient dans la bouche de plusieurs des avocats s'apprêtant à plaider la semaine prochaine aux assises de Beauvais (Oise) pour décrire la complexité de la décision que devront prendre les jurés.Les faits
Le 30 juin 2009 au soir à Orgeval (Yvelines), Patricia P. compose le 17 pour faire cesser les violences dont elle dit être victime de la part de son compagnon, Michel H. Arrivés sur place, les deux gendarmes évacuent la dame de son propre domicile et téléphonent à ses deux fils, d'une vingtaine d'années, qui accourent. La discussion entre les quatre hommes, sur le parking d'un restaurant Buffalo Grill, sera l'un des axes majeurs de l'instruction: les gendarmes ont-ils bel et bien recommandé aux frères "une petite correction nécessaire" du beau-père, en frappant dans le ventre pour ne pas laisser de marques ?
Les deux jeunes hommes vont en tout cas chercher Michel H., complètement saoul, le ligotent et le chargent à l'arrière de leur utilitaire. Ils parcourent une petite cinquantaine de kilomètres avant de se garer, à proximité d'Amblainville (Oise), dans un chemin agricole, où ils portent plusieurs coups violents à leur beau-père, qui est retrouvé mort le lendemain.
6 ans de procédure
La procédure zigzague pendant six ans, les frères étant d'abord mis en examen pour meurtre, puis accusés de séquestration suivie de mort, avant d'enfin obtenir d'être jugés pour "coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Les deux gendarmes, initialement mis en examen pour mise en danger d'autrui, ne sont finalement pas renvoyés devant les assises.
"C'est un dossier exceptionnel, parce qu'il pose la question de ce que peut faire un très jeune homme dans une situation où sa mère est en grave danger, régulièrement battue par son compagnon, et alors que non seulement il se trouve devant l'inaction des forces de gendarmerie mais face à une réquisition de celle-ci qui lui demande d'intervenir", argumente l'avocat d'un des accusés, Me Alexandre M. Braun.
"Si la gendarmerie avait placé Michel H. en garde à vue, il serait toujours vivant", souffle Me Maxime Cessieux, conseil de la famille de la victime, constituée partie civile. Difficile en revanche de deviner si le profil de Michel H. - alcoolique chronique quasiment SDF à l'époque, connu des services de gendarmerie pour des faits de violences conjugales - incitera les jurés à la clémence envers les accusés.
Ce que les accusés "ont fait ce n'est pas passer une correction à Michel H. : ils ont sauté sur sa cage thoracique à pieds joints, ils lui ont mis des coups de pied à la nuque, ils se sont acharnés", rappelle Me Cessieux. "C'est le Far West: Michel H. s'est fait abattre dans un champ".
Les accusés abordent, eux, le procès avec l'intention d'assumer leur responsabilité, comme ils l'ont fait pendant toute la procédure, selon leurs avocats. Me Patrick Klugman résume le tourment intérieur de son client : "Il assume ce qu'il a fait mais ne le tolère pas".