Qualité de l'air : des résidus de pesticides interdits depuis 22 ans, toujours présents dans les Hauts-de-France

Insecticides, herbicides, fongicides... L'air que nous respirons est chargé de résidus. Pour la première fois, l'Agence de sécurité sanitaire rend publique une véritable photographie nationale des pesticides présents dans l'air ambiant. Rien d'alarmant, mais des substances interdites subsistent.

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C'est la première fois qu'une campagne est menée à cette échelle. Son enjeu : évaluer l'exposition des populations aux résidus de pesticides présents dans l'air. Pendant un an, de juin 2018 à juin 2019, des échantillons ont été prélevés dans des zones proches des habitations pour évaluer l'exposition globale de la population, et pas uniquement celle qui voisine les zones agricoles. Dans la région Hauts-de-France, 4 sites ont fait l'objet de cette étude : Lille (Nord) et Saint-Quentin (Aisne) en secteur urbain, West-Cappel (Nord) et Thézy-Glimont (Somme en secteur rural. 

Premier constat : les pesticides imprègnent l'ensemble de l'air que nous respirons bien au-delà des exploitations agricoles, à des concentrations toutefois très nettement inférieures au seuil toxicologique de référence. Les 4 sites étudiés semblent être influencés par les grandes cultures puisqu'on y retrouve des traces d'herbicides liés aux cultures les plus caractéristiques de la région, notamment la pomme de terre ou les céréales. Atmo note dans son rapport une différence entre communes urbaines et communes rurales où les concentrations sont plus élevées, avec des pics à l'automne, au moment des traitements des sols, et au printemps pendant la période de croissance des végétaux.

Un insecticide interdit depuis 22 ans

Deuxième constat : même des dizaines d'années après l'arrêt de leur utilisation, certains pesticides persistent. Parmi les substances retrouvées dans l'air, 10 sont interdites en France, et notamment le lindane, présent dans 80% des prélèvements effectués sur l'ensemble du territoire. Dans les Hauts-de-France, il est partout. "Le lindane a été détecté dans 100% de nos 176 échantillons, explique Céline Derosiaux, responsable communication chez Atmo Hauts-de-France. Cela peut paraître inquiétant, mais pas étonnant car c'est une substance rémanante qui a une durée de vie très longue et dès que les sols sont travaillés, il y a un effet dispersion dans l'air. Ce qui pose problème, c'est la rémanence de ces substances."
Puissant insecticide utilisé pendant 50 ans en agriculture, il a été interdit en 1998 dans les exploitations agricoles en raison du risque d'effets graves sur l'organisme en cas d'exposition prolongée. Il a été classé cancérogène par l'OMS en 2015.

Le lindane est très lent à se décomposer

Giovanni Caria

C'est ce que confirme Giovanni Caria, ingénieur de recherche au laboratoire d'analyse des sols à l'INRAE d'Arras. " Le lindane est très lent à se décomposer. C'est une molécule organo-chlorée, et dès qu'il y a du chlore dans une matière organique, ça lui donne une grande résistance dans le temps. Il est très stable et se fixe sur la matière organique. C'est comme ça qu'ils peut être véhiculé dans l'air, dans l'eau, dans les sédiments de lacs ou de rivières. La quantité mesurée, 0,06 ng/m3, c'est un état de traces. Au même titre que certaines dioxines, on pourra en retrouver certainement encore pendant des années, d'autant qu'il était aussi utilisé en usage domestique pour traiter les bois de charpentes".

En 2012, Atmo avait mené une étude inédite de mesures de la qualité de l'air ambiant dans 20 habitations agricoles du Nord-Pas-de-Calais, qui avait déjà mis en évidence la présence de lindane. Mais le lien avec les traitements agricoles n'a pas pu être clairement mis en évidence : la substance a en effet longtemps été utilisée pour le traitement des bois de construction ou comme répulsif à insectes, traitement contre la gale ou les poux, avant d'être interdite en 2006.

Evaluer la toxicité

"A ce stade, nous ne pouvons pas dire si les quantités retrouvées de ces substances -on parle de milliardièmes de grammes !- ont des effets toxiques sur l'homme ou l'environnement. Ce sera l'objet des investigations de l'Anses", précise Céline Derosiaux.

Des investigations complémentaires vont être menées pour affiner une évaluation du risque sur la santé, et sur l'environnement. L'Anses a déterminé une liste de 32 substances à étudier de plus près, en tenant compte de tous les modes d'exposition aux pesticides (respiratoire, alimentaire ou cutané), des différents milieux (air intérieur ou extérieur). Le lindane sera sa priorité.

(*) Etude menée de juin 2018 à juin 2019 par l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l’Ineris (l’Institut national de l’environnement industriel et des risques) et le réseau des AASQA, les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air.
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