C’est l’invité de dernière minute. Audric Alexandre, tête de liste du parti européen Pace, a réussi in extremis à trouver ses 180 candidats. Il s’associe à trois autres formations : Volt, Allons-Enfants et Nous-Citoyens. Leur seule ambition : ouvrir une tribune sur l’Europe.
On va être franc : on l'avait complétement oublié. On avait quitté Audric Alexandre le 25 mai 2019, au soir de l'élection européenne. Il faut dire que – noyé au milieu de 34 listes – il n'avait jamais réussi à se faire entendre. Du coup, il n’avait obtenu que des scores de misère : 462 voix dans le Nord, 227 dans le Pas de Calais, 140 dans la Somme, 115 dans l’Aisne et 98 dans l’Oise. À peine plus d'un millier de suffrages sur l’ensemble des Hauts-de-France. De quoi atteindre au mieux les 0,07%. Quasiment invisible.
N'importe qui se serait découragé. Pas Audric Alexandre. Le jeune professeur d'anglais et d'espagnol à la faculté de droit de Lille, juriste de formation, est depuis son adolescence un ardent défenseur de l'Europe. Un militant infatigable. Un passionné. Et pour ces élections régionales qu'il prépare depuis des années, il a donc réussi à rallier d'autres micro-partis, eux aussi pro-européens. Audric Alexandre est à la tête d'une liste qui comprend deux partis transnationaux : Pace (le Parti des citoyens européens) et Volt. Et deux partis franco-français : "Nous-Citoyens" et "Allons-Enfants".
"Face à l'inefficacité de l'État, une seule solution : une France fédérale !" C’est le nom de leur liste dans les Hauts-de-France. Liste qui a bien failli – comme en 2015 – ne jamais voir le jour et n'a été bouclée que le dimanche 16 mai, veille du dernier jour de dépôt des candidatures. "De justesse", reconnait Audric Alexandre. Le 7 mai, Pace avait lancé un ultime appel sur les réseaux sociaux pour notamment trouver des candidates femmes. Appel entendu. Ouf.
Le pouvoir aux régions
"Cette France fédérale que nous voulons, explique le candidat, c'est une France qui rend enfin plus efficace cette fameuse décentralisation dont on parle tant et qui fonctionne si mal. La France fédérale, c'est un état qui se concentre sur ses missions essentielles et les autres compétences qui sont déléguées aux régions. L'université publique – sujet que je connais bien – serait gérée correctement avec un pilotage de proximité, et non pas comme aujourd’hui, par un État lointain qui la néglige, la connait mal et prend des décisions absurdes."
Le Parti des citoyens européens défend ce qu’il appelle "une société internationale pacifique". "Pace, c'est le mot "paix" en italien, en roumain, en albanais, explique Audric Alexandre. On prononce "patché". Et on n'oublie pas que cette paix, même en Europe, est fragile. Regardez les regains de tensions, à cause du Brexit, en Irlande du Nord." Pace milite pour une République européenne, qui aurait à sa tête un Premier ministre européen. Il estime qu'il faut dépasser l'état-nation face à des enjeux aussi vastes que la crise des réfugiés ou le climat. Et de façon plus anecdotique, il défend également le développement des douches publiques, indispensables pour celles et ceux qui suent sur leur vélo en allant travailler...
Passionné par l'Europe et les langues régionales
Audric Alexandre aura 32 ans quelques semaines avant le premier tour des élections régionales. Ce jeune homme à l’air sérieux est né et a grandi à Arras. Milieu modeste. Une mère aide-soignante. Un père cadre dans une mutuelle sociale agricole. Bon élève et scolarité linéaire. Études de droit. Célibataire vivant à Lille. Pas d’enfant. Mais ce portrait un peu lisse prend du relief dès qu'on évoque les voyages. L’Europe, Audric Alexandre ne fait pas qu'en parler ; il la connait bien. Une année en Espagne, à Valence. Une année en Allemagne, à Berlin. Une année en Grande-Bretagne, à Londres. Il enseigne l'anglais et l'espagnol. Il parle l'allemand et l'italien. Il a quelques notions de portugais. Il apprend le néerlandais. Il s'intéresse aux langues régionales, comme le picard ou le valencien, une variante du catalan parlé à Valence.
Sa passion pour l'Europe, elle remonte très précisément à un cours d’histoire, alors que le jeune Audric est au collège Paul Verlaine à Saint-Nicolas-lez-Arras. "J’étais en 3ème juste avant le brevet. Notre professeure nous parlait de l'Union Européenne, en opposition frontale avec les autres cours. Elle nous parlait de paix. Pour la première fois, l'Europe n'était pas qu'une succession interminable de guerres. Pour la première fois, je prenais conscience qu'on pouvait construire autre chose. J’étais fasciné."
"Pas de ministre" sur la liste
En 2017, Audric Alexandre s'était présenté aux élections législatives dans la deuxième circonscription du Pas de Calais, celle d’Arras-Vimy. Une entrée fracassante en politique : 76 voix. Il avait alors été classé par la Préfecture comme "divers gauche". Cette fois, sa liste, présentée comme apolitique, est classée "divers" sur la grille des nuances des services préfectoraux. Elle compte des candidats de tous les âges, de tous les milieux sociaux. "Pas de ministre", ironise Audric Alexandre. Dans le département de la Somme, le chef de file est Philippe Mazuel, directeur de recherche, adjoint au maire d'Abbeville entre 1989 et 1995, fondateur de Pace en 2007 à l’occasion des cinquante ans du Traité de Rome.
Le tirage au sort a donné à Audric Alexandre le panneau électoral numéro 6, entre deux voisins très encombrants : Xavier Bertrand et Laurent Pietraszewski. Mais ce panneau restera vide. La liste européenne manque cruellement de moyens financiers. À peine a-t-elle pu réunir les 50 000 euros nécessaire à la fabrication des bulletins de vote. Il n'y aura donc pas d'affiche, pas de profession de foi, pas de propagande électorale, pas de tract. La campagne se fera sur les réseaux sociaux. Et dans la presse… si elle n'oublie pas.