Les Jeux olympiques 2016 arrivent à grand pas. À cette occasion, la rédaction web de France 3 Nord Pas-de-Calais vous présente les sportifs qui défendront les couleurs nordistes à Rio. Aujourd’hui Saoussen Boudiaf, puissante escrimeuse roubaisienne, « tigresse » à fleur de peau.
« Une injustice faite à un seul est une menace faite à tous », s’alarmait Montesquieu. La citation convient parfaitement à l’escrimeuse Saoussen Boudiaf qui ne supporte pas que les plus forts écrasent les plus faibles. La sabreuse au parcours scabreux, orpheline et désorientée, a retrouvé une heureuse plénitude dans la pratique de l’escrime. Volontaire et portée par une rage de vaincre inébranlable, elle emporte tout sur son passage en junior avant de triompher dans le collectif des grands. Vice-championne du monde par équipe en 2014, « Soussou » tirera en tant que remplaçante à Rio.Elle rêve de devenir championne olympique. « Elle se sent bien, prête à tenir son rang. C’est notre valeur ajoutée », s’enthousiasme Cyril Verbrackel, un des entraîneurs de l’équipe de France de Sabre. « On l’a prise en tant que remplaçante, mais elle rentrera dès que nous serons menés. Sûrement fatiguée physiquement, elle a fait une saison un peu moins bonne que d’habitude. » Saoussen avait confié à La Voix du Nord cet hiver flancher mentalement. Mais ça ne lui ressemble pas, et son entraîneur rassure : « elle ne nous décevra pas ».
L’escrime, pour l’empêcher de regarder la télé
L’année de son entrée au collège, La « zappette » dans les mains, Saoussen passe son temps à s’ennuyer devant la télévision. Sur le site de la fédération elle raconte que sa tante Nadia s’oppose à ce comportement léthargique. Elle lui demande de « chercher une activité physique à pratiquer » et suggère à sa nièce de se rendre au cercle d’escrime de Roubaix.Saoussen n’a pas d’excuse : le club se trouve à deux minutes de chez elle. Déjà initiée à l'escrime en CM2 grâce à un stage proposé par la ville, elle se prend au jeu. « On a tout de suite vu qu’elle avait plus de dispositions que les autres », raconte Jean-Jacques Verbrackel, ancien président du cercle d’escrime de Roubaix pendant 40 ans. « Elle avait un potentiel physique indéniable ». Rapidement, Saoussen réclame des heures supplémentaires d’entraînement à son maître d’arme Cédric Wallard.
« Elle sort des phases d’arme extraordinaires »
Sur la piste, la sabreuse au tempérament de feu ne lâche rien. Pour Cyril Verbrackel, « C’est une vraie morte de faim. Elle peut rentrer à n’importe quelle place, poumon pour commencer le combat ou finisseuse pour le terminer. Elle tient toujours son rang ». Son grand-père Jean-Jacques ajoute : « en compétition elle innove et s’adapte au jeu de son adversaire. Puissante et tacticienne, elle est capable de sortir des phases d’armes extraordinaires, jamais apprises et que l’on ne voit pas dans le jeu des autres. Elle a gagné en résistance et pris son envole au pôle espoir d’Orléans ». Cédric Wallard renchérit dans La Voix du Nord : « C'est une tireuse "sanguine", une tigresse ».Prise en charge par le club de Roubaix
Élevée par son « extraordinaire » grand-mère, sans aucun doute « la femme qu’elle admire le plus », Saoussen Boudiaf n’a jamais connu son père. Benjamine, elle confie à La Voix du Nord que ses proches lui permettent de garder son équilibre : « l’acclimatation à Orléans, loin de ma famille, a été difficile. J'ai eu de gros moments de doute, j'ai même pensé arrêter. À chaque moment de blues, je trouvais Cédric Wallard avec qui je pouvais échanger. Cela m'a fait un bien énorme. »Le cercle d’escrime a beaucoup fait pour elle et l’a toujours soutenu. « Elle venait souvent à la maison et je l’ai prise sous mon aile », rapporte Jean-Jacques Verbrackel des trémolos dans la voix. « Mon grand-père leur a énormément rendu de services. Il les a aidés à remplir des dossiers de demande de logement ou de démarches administratives. On s’entend très bien et nos familles sont proches », explique Cyril. Son entraîneur national, qui « la connaît depuis qu’elle est toute petite », doit néanmoins rester impartial en équipe de France.
Sportive reconnaissante
Franche et démonstrative, « Soussou » ne se laisse pas marcher sur les pieds. Cyril livre quelques secrets de vestiaires : « elle ne supporte pas que les plus forts prennent les plus faibles en grippe. Elle n’hésite pas à dire quand elle en a marre. Parfois cela génère des conflits mais elle n’est pas rancunière. Elle apporte un bon équilibre dans le groupe. »Jean-Jacques confirme : « elle a un fort caractère mais elle reste attentive à ce qu’on lui dit. Polie, elle respecte son environnement. » Par-dessus tout, Cyril souligne qu’elle se souvient d’où elle vient : « elle appelle mon grand-père après chaque compétition qu’elle dispute. Elle reste proche de son club. Très peu d’athlètes accordent autant de reconnaissance à leurs dirigeants. » Jean-Jacques en reste chaque fois flatté : « elle me remercie sur les réseaux sociaux avec un petit cœur, vous vous rendez compte ! »
Jocker de luxe, toujours décisive
Éliminée pour l’épreuve individuel, Saoussen a digéré et se concentre avec l’équipe de France, des filles qu’elle a déjà brillamment conduit à la victoire. « Cette année, Saoussen fait un mauvais championnat d’Europe. Elle est mauvaise et on la remplace rapidement. En demi-finale, on mène largement avant de se faire renverser par l’Italie. Charlotte Lembach se blesse et on est mené d’un point. On fait rentrer Saoussen qui met cinq touches presque de suite pour nous qualifier. » Avec d’excellentes références internationales, le 13 août à Rio, l’escrime a de bonnes chances de sabrer le champagne.Les dates clés
31 décembre 1993 : naissance à Roubaix2013 : championne d’Europe junior en individuelle
2014 : vice championne du monde par équipe
2016 : vice championne d’Europe par équipe