Certains détenus profitent des doutes que laisse planer le Brexit pour saisir la justice en cas d'extradition.
Comment faire, lorsqu'un détenu s'empare du Brexit et de ses incertitudes pour s'opposer à son extradition au Royaume-Uni ? C'est le cas sur lequel a récemment dû se pencher la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), basée à Luxembourg.
En cause, un suspect irlandais connu sous les initiales "RO" et détenu depuis deux ans et demi dans son pays d'origine. Il était réclamé depuis 2016 par le Royaume-Uni pour des faits d'assassinat et de viol.
Doutes sur le respect des droits fondamentaux
Ce dernier s'est opposé à sa remise au Royaume-Uni en faisant valoir que la perspective du Brexit laissait planer des incertitudes en matière de respect des droits fondamentaux. La Haute Cour irlandaise s'était alors tourné vers la CJUE.
Dans un communiqué publié hier, la CJUE a donné la conclusion de son avocat général, qui estime que la sortie du Royaume-Uni prévue en mars 2019 n'empêchait pas l'exécution jusqu'à cette date, par les 27 pays restants, d'un mandat d'arrêt européen (MAE) émis par la justice britannique.
On y lit que l'avocat général "rejette l'argument de RO selon lequel la notification du retrait du Royaume-Uni constituerait une circonstance exceptionnelle appelant la non-exécution du MAE".
"Tant qu'un État est membre de l'Union, le droit de l'Union s'applique, en ce compris les dispositions de la décision-cadre sur le MAE et l'obligation de procéder à la remise", est-il ajouté.
L'avocat relève également que "le Royaume-Uni a décidé de se retirer de l'Union et non de s'affranchir de l'État de droit ou de la protection des droits fondamentaux". "Par conséquent (...), il n'y a pas lieu de douter de la persistance des engagements du Royaume-Uni en matière de droits fondamentaux".
D'autres motifs de refus
Même si l'argument a été balayé, il reste des motifs pouvant justifier qu'un Etat refuse de remettre une personne à un autre Etat. Un pays peut notamment refuser de remettre la personne visée si l'infraction pénale qui lui est reprochée n'en est pas une dans son droit national.
C'était notamment le cas de l'Espagne pendant la crise politique catalane. Ses difficultés à faire reconnaître par les justices d'autres Etats membres de l'UE son chef d'accusation de "rébellion" a conduit le mois dernier au retrait des MAE visant le président destitué de la Catalogne Carles Puigdemont et cinq autres responsables indépendantistes exilés en Belgique, en Suisse et en Ecosse.