Les moineaux domestiques, les hirondelles de fenêtre, les martinets semblent être des oiseaux communs de notre environnement. Pas tant que ça. Les propriétaires ont l’obligation de mettre en place des mesures en cas de travaux. Comme dans les immeubles gérés par Clésence à Amiens.
En septembre, 500 logements doivent être rénovés dans les immeubles du quartier Pierre-Rollin à Amiens par Clesence.
Mais soumis à la loi de 2009 qui recense toutes les espèces d’oiseaux à protéger, le bailleur social est dans l'obligation de recenser la population des oiseaux protégés qui nichent sur son parc de logements dès que des travaux sont engagés. "C'est la loi. Tous les propriétaires sont soumis aux mêmes exigences, explique Aurélien Bataille, chargé d'études Faune protégée & Bâtiments à l’association Picardie Nature qui a réalisé le diagnostic. Ils doivent mettre en place eux-mêmes les mesures de protection ou faire appel sur recommandation des associations comme la nôtre pour faire le point et obtenir des conseils."
"Nous sommes habitués, indique Pierre Dion, directeur territorial de Clésence, il y a quelques années, c'est un sujet qui était moins pris en compte, aujourd'hui nos collaborateurs sont bien informés".
Souvent ce sont les nids d’hirondelles qui posent problème. Dans le quartier Pierre Rollin, ce sont des nids de moineaux qui ont été trouvés et pour lesquels des mesures devront être mises en place. "Comme les moineaux font leurs nids dans des interstices, on les voit moins bien que les nids d’hirondelles", précise Aurélien Bataille.
"Tous les propriétaires sont soumis aux mêmes exigences"
Au total, 19 nids de moineaux communs ont ainsi été trouvés. Mais il est interdit de les détruire. Clesence a donc dû faire une demande de dérogation auprès de la Préfecture pour faire les travaux et détruire ces nids. Dans son dossier, le bailleur s’est engagé à mettre en place des mesures conseillées par Picardie Nature : "j’ai préconisé de faire des travaux hors des périodes de nidification, donc entre septembre et mars, explique Aurélien Bataille, et de mettre en place des actions de compensation de l’impact, comme des nids artificiels." Des nids qui devront être, par ailleurs, inaccessibles au grand public. Et les travaux de rénovation ne commenceront pas avant le mois de septembre, en dehors de la période de nidification.
C'est une opération qui a, par ailleurs, peu d'incidence pour le bailleur social "le coût est extrèmement marginal sur une opération comme celle-ci qui représente plus de 30 millions d'euros. (...) Ce serait dommage de ne pas s'en préoccuper", avoue Pierre Dion. "Et si ça n'est pas fait dans les temps, ajoute-t-il, ça peut fortement retarder le chantier quand on découvre une colonie d'oiseaux protégés. On prend les devants".
Des mesures variées pour compenser l’impact sur les oiseaux
"Les nichoirs sont une compensation a minima, ajoute le naturaliste. Les autres mesures compensatoires que l’on propose, c’est par exemple un liseré de reconstruction pour les hirondelles (un tasseau de bois sur lequel elles peuvent bâtir un nouveau nid)". C’est ce que l’association Picardie Nature a fait à l’école de Berneuil-sur-Aisne. La mairie souhaitait changer les huisseries et les fenêtres mais aussi conserver les hirondelles. "On est content, raconte Aurélien Bataille, on a mis les liserés il y a 6 mois et déjà on voit que les hirondelles refont des nids." L’association a aussi installé des bacs à boue. "Les hirondelles font leurs nids avec 1.000 à 1.200 petits bouts de boue. Si on leur met à disposition à proximité, elles font ainsi des rotations plus courtes, c’est moins fatiguant pour elles".
Quant à la mairie, elle est, elle aussi, très satisfaite de cette opération " Ce sont des hirondelles qui viennent d'Afrique et qui auraient dû reconstruire leurs nid", explique le maire. La pose de ces lisérés et de nids artificiels a même été un événement : "on se demandait ai ça allait marcher. Dès le mois d'avril, tous les enfants de l'école étaient là pendant la récréation et regardaient et comptaient les hirondelles".
Pour les chauves-souris, parfois il faut protéger tout le site (la grotte ou la caverne) pour éviter que des personnes ne s’y introduisent et ne dérangent les chauves-souris, "particulièrement vulnérables en période d’hibernation".
Pourquoi protéger ces espèces communes ?
Si elles font partie de notre environnement, beaucoup d’espèces d’oiseaux sont fragilisées aujourd’hui et leur population décline. "La faute notamment aux problèmes d’habitat, explique Aurélien Bataille, particulièrement les moineaux domestiques, les martinets noirs, les hirondelles et certaines de chauves-souris affiliées au bâti".
Les oiseaux communs sont suivis au niveau national depuis 1989. C’est le Muséum d’histoire naturel de Paris qui l’a mis en place. Cela s’appelle le Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc). Il est réalisé grâce à des bénévoles, présents sur tout le territoire, qui notent les oiseaux qu’ils voient et entendent au petit matin dans des aires de 4 kilomètres carrés situés en ville, en forêt ou à la campagne. Selon les chiffres issus de ce Stoc, le moineau domestique a une tendance au déclin en France métropolitaine de -4,6 % de 2001 à 2019. La LPO estime quant à elle, dans une étude de 2018, que 3 moineaux sur 4 ont disparu en 13 ans à Paris et presque autant dans les campagnes depuis les années 80. Là, l’utilisation des pesticides pourrait être, en partie, en cause.
Depuis 2009, dans le cadre de la préservation de la biodiversité, l’Etat français a établi une liste d’espèces d’oiseaux à protéger. Plus de 700 espèces sont inscrites dans cette liste, des espèces qui semblent très communes comme le moineau domestiques, le héron ou la buse mais aussi des espèces beaucoup plus rares comme la cigogne noire. Pour ces espèces, il est interdit de détruire les nids ou les œufs, des détruire ou blesser les individus, les perturber lors de périodes clés pour les cycles biologiques, comme les périodes de reproduction. La détention, le transport, la naturalisation, l’utilisation commerciale de ces oiseaux sont également interdits.
Des règles de mieux en mieux connues, estime Aurélien Bataille : "les dossiers sur lesquels on travaille le plus, ce sont les hirondelles de fenêtres, parce que les gens connaissent de mieux en mieux la loi sur la protection de ces espèces. On a des particuliers qui font des dénonciations quand des nids sont détruits."