Malgré une baisse drastique de leur activité et une pénurie d’équipements de protection, les ambulanciers privés continuent de travailler en première ligne aux côtés des soignants pour endiguer l’épidémie de Covid-19.
Quarante minutes. C’est le temps que met Stanislas Dumoulin pour désinfecter son ambulance après avoir transporté un malade infecté par le Covid-19. Vingt minutes pour nettoyer et vingt autres pour laisser agir les produits.
Après chaque transport "Covid", cet ambulancier de 24 ans doit se rendre au SMUR du CHU d’Amiens (Service Mobile d'Urgence et de Réanimation) pour procéder à cette désinfection. C’est aussi à ce moment-là qu’on lui donne quelques équipements de protection pour qu’il puisse continuer à prendre en charge les malades sans risquer d’être contaminé. "On nous donne des masques chirurgicaux et non des masques FFP2 qui sont pourtant plus efficaces contre le virus. Vu qu’il n’y a pas beaucoup de masques, on est obligés de les porter une journée au lieu des 4 heures recommandées".
Mais depuis le 13 avril, le service du CHU d’Amiens n’a plus rien à distribuer. Pour les masques, les ambulanciers dépendant désormais de l’Agence Régionale de Santé, qui leur en fournit environ 3000 chaque semaine.
Tous les mercredis depuis un mois, Bruno Villalpando, président de l’association des transports sanitaires urgents de la Somme, assure la distribution. "Je me mets sur le parking du CHU et tous les ambulanciers du département viennent récupérer leurs masques pour la semaine, précise-t-il. Ce n’est pas un stock énorme, mais ça suffit".
Ce qui l’inquiète plus, en revanche, c’est la pénurie de combinaisons de protection. "Si on n’arrive pas à en trouver rapidement, les ambulanciers ne pourront plus intervenir sur les missions Covid-19" prévient-t-il.
On est le premier maillon de la chaîne
Ces combinaisons sont indispensables car les ambulanciers ont des contacts très rapprochés avec les malades. Missionnés par le Samu, ils viennent les chercher à domicile, restent avec eux pendant le transport jusqu’aux urgences ou encore les transfèrent d’un hôpital à un autre. "Certains malades sont âgés, ils toussent très forts et enlèvent leur masque car ils sont gênés. Sans équipement total, il y a un fort risque de contamination" alerte Bruno Villalpando. "Sur la chaine de secours aux personnes, on est le premier maillon, les premiers à être en contact avec les malades, ajoute Stanislas. Pourtant, on ne parle jamais de nous, on se sent exclus et oubliés".
80% d’activité en moins
La particularité des ambulanciers, c’est qu’ils sont à la fois victimes de la crise sanitaire et de la crise économique. Ambulancier à Rainneville, près d’Amiens, Stanislas ne fait que trois transports par jour environ contre une quinzaine avant la crise.La perte financière est abyssale
Pour soulager les services hospitaliers, toutes les opérations non urgentes ont été repoussées. Les ambulanciers ont donc vu disparaître de leur planning tous les transports concernant les consultations à l’hôpital ou chez des spécialistes. Seules demeurent les prises en charge indispensables comme les dialyses ou les chimiothérapies.
Même s’ils restent à la disposition totale du 15 pour les transports de malades atteints du Covid-19, cette mission est loin de compenser la perte d’activité. "La perte financière est abyssale, reconnaît Bruno, également gérant d’une entreprise de transports sanitaires comptant 46 salariés. Le peu de missions Covid ne permettront pas de sauver ce mois d’avril catastrophique. J’ai perdu 70% de mon chiffre d’affaire par rapport à l’année dernière. Certaines petites entreprises risquent d’avoir du mal à se relever".
Solidaires avec les soignants
Malgré la situation, les ambulanciers de la Somme restent mobilisés pour endiguer la crise du coronavirus. Mardi 14 avril, une vingtaine de sociétés d’ambulances ont traversé la ville d'Amiens sous forme de cortège pour rendre hommage aux soignants. "On voulait montrer aux gens qu’on est toujours là pour eux et qu’on soutient les soignants" raconte Stanislas, qui a filmé la scène (voir vidéo ci-dessous).Sirènes hurlantes, les ambulanciers ont fait le tour des principaux établissements de santé d’Amiens, avant de se retrouver sur le parking du CHU à 20 heures. "Les soignants sont sortis, on s’est applaudis mutuellement et on a fait une photo, conclut Stanislas. Après tout, on est dans la même galère".