En marge du sommet européen des ministres de l'environnement à Amiens, les agriculteurs cultivent leurs différences

Alors que les ministres européens de l’environnement et de l’énergie étaient conviés à se retrouver en sommet informel à Amiens pendant trois jours, des représentants du monde agricole avaient décidé d’occuper eux aussi le terrain médiatique et politique pour ne pas laisser "le champs libre" à ces ministres et faire entendre leur voix au même moment à Amiens dans la Somme.

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En effet, pour eux, le monde paysan a déjà fait beaucoup d’efforts et le durcissement prévu des politiques environnementales aura forcément des effets négatifs sur l’agriculture française. Leurs espoirs résident dans la science car ils pensent que les progrès permettront de concilier une politique environnementale efficace et une agriculture de qualité et surtout rentable.

"Des efforts on en a fait, on en fait et on en fera encore", clame Guillaume Clop, président des jeunes agriculteurs de la Somme. "Nous sommes capables de nous adapter aux contraintes des politiques environnementales mais il y a une condition : il faut qu’elles soient réalisables et surtout qu’il y ait une rémunération correcte de nos productions."

32 centimes pour un litre de lait

Le jeune céréalier de 35 ans installé à Vergies dans la Somme constate que les pouvoirs publics imposent toujours plus de critères de qualité et environnementaux mais que la rémunération des agriculteurs ne suit pas. Par exemple un litre de lait vendu 90 centimes dans le commerce ne rapporte que 32 centimes à l’éleveur, auxquels il faut retrancher le coût alimentaire du bétail, les salaires, les infrastructures. "Bref, le consommateur veut manger français mais l’agriculteur français peine à s’y retrouver", estime Guillaume Clop qui considère aussi que les industriels et les distributeurs ne jouent pas le jeu.

"De plus l’Europe nous impose des normes que nous respectons mais le gouvernement français veut aller au-delà de ce que demande la PAC". Résultat, selon cette organisation syndicale, une paupérisation croissante des agriculteurs et une désaffection pour les métiers agricoles. La Somme compte actuellement 4 500 agriculteurs dont près de la moitié partira en retraite dans les 5 ans. Environ 70 agriculteurs s’installent par an dans le département. "C’est insuffisant et cela va s'aggraver, s’inquiète le responsable des JA, car les contraintes, les contrôles et les sanctions toujours plus nombreuses démotivent le milieu agricole."

Ce vendredi 21 janvier, à Amiens les agriculteurs ont  donc voulu exposer aux habitants leurs problèmes et les évolutions de leurs métiers. Ils ont également rencontré des élus parmi lesquels le sénateur Laurent Somon, le député François Ruffin ou le président du conseil départemental Stephane Haussoulier.

Non à l’ agribashing

Pour La FDSEA et les jeunes agriculteurs de la Somme la trajectoire suivie par le gouvernement est "désastreuse et doit être modifiée en urgence. La France importe de plus en plus de denrées agricoles et la tendance va s’accélérer. Nos agriculteurs en ont aussi marre des dénigrements ; ils en ont marre de l’agribashing."

Du côté de la coordination rurale, le constat est presque identique. L’organisation syndicale déplore la paupérisation des agriculteurs. "La solution passe aussi par le progrès scientifique", pour Damien Brunelle, agriculteur à Montbrehain dans l’Aisne et vice-président de la coordination rurale.

"Nous faisons confiance à la science à la différence des dogmatiques. Nous pensons que de nombreuses solutions écologiques seront permises grâce à la recherche (résistance aux ravageurs, aux maladies). Il est regrettable de se priver de méthodes modernes, quand elles ont été bien validées."

Plus écolos que les écolos

Le céréalier axonais déplore ce qu’il considère comme du militantisme de la part de certains et tient à faire une mise au point : "les agriculteurs se sentent davantage écologistes que de nombreux "activistes" qui se réclament de cette mouvance car nous sommes depuis toujours soucieux de transmettre des exploitations agricoles durables (pour ceux qui viendront après nous, qu'il s'agisse de nos enfants ou pas). Nous gérons les "déchets" en ramassant tout ce qui est jeté par certains dans nos champs : bouteilles, déchets plastiques, encombrants. Pas plus tard que ce matin j'ai passé 2 heures avec 2 employés de ma commune et un gendarme bénévole à ramasser une centaine de pneumatiques usagés déposés sur mon champ !"

Les bienfaits du glyphosate bien utilisé

Comme ses collègues de la FDSEA il estime que des efforts doivent être faits et qu’il faudra continuer à en faire à condition que ceux-ci ne soient pas vains.

Plus étonnant sans doute, pour Damien Brunelle"la suppression du glyphosate est un non-sens environnemental."

"Le glyphosate, bien utilisé, permet de développer une agriculture sans aucun travail du sol qui économise des émissions de gaz à effet de serre (économie de carburant en utilisant moins le tracteur) et enrichi le sol en vers de terre et en matières organiques grâce au carbone. C'est un véritable cercle vertueux qui est tellement méconnu par nos concitoyens (meilleure résilience aux aléas climatiques, absence d'érosion, diversité des cultures)." affirme-t-il.

Élection présidentielle 

Les agriculteurs Français, céréaliers ou éleveurs ne sont donc pas rassurés par l’évolution de leur situation et par celle de leur secteur. Si l’avenir les inquiète, ils gardent espoir que la science pourra les aider à concilier leur bien-être et celui des populations dans le cadre d’une cohabitation harmonieuse entre les normes environnementales et les productions agricoles. Ils attendent aussi que des décisions politiques soient prises par les dirigeants français afin de les protéger de la mise en concurrence qu’ils estiment déloyale avec les agriculteurs étrangers. Un thème qu’ils souhaitent voir aborder lors de la campagne électorale qui s’ouvre dans la perspective de l’élection présidentielle de ce printemps 2022.

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