Une sélection de 97 objets du trésor de la cathédrale d'Amiens sont désormais à découvrir via un site internet dédié. Les sept pièces maîtresses de la collection sont présentées en trois dimensions.
Un trésor se mérite. Pour découvrir celui de Notre-Dame d'Amiens, il faut se présenter à l'accueil à 11h ou 14h (sauf le mardi) pour une visite guidée de trente minutes.
Enfin ça, c'était avant. Un nouveau site internet, intitulé e.Trésor, donne accès en quelques clics et 24h/24 à 97 pièces d'orfèvrerie, reliquaires, ornements liturgiques, statues et peintures.
Pyxide, ciboires, calices et autres baisers de paix se voient chacun offrir une page dédiée avec photo (issue des archives de la Somme et de la base de donnée Regards du Centre des monuments nationaux) et notice détaillée.
Il a fallu près de deux ans à huit personnes (conservateurs, développeurs, graphistes) pour finaliser ce projet, fruit d'une coopération entre la direction régionale des affaires culturelles des Hauts-de-France, le Centre des monuments nationaux, le conseil départemental de la Somme et le diocèse d'Amiens.
Les nouvelles technologies au service de l'histoire l'art
Les sept pièces majeures de la collection bénéficient même d'un traitement de faveur grâce à l'imagerie 3D (voir ci-dessous) et la RTI (Reflectance Transformation Imaging). Cette technique fascinante, développée dans les années 2000, permet de révéler les reliefs des objets en jouant sur la source de lumière.
"Ce n'est pas un gadget. Cela permet de comprendre comment l'objet réagit à son environnement. Lors d'un constat d'état [ndlr : qui décrit tout changement lors du prêt d'une œuvre], la lumière rasante permet de voir si tout va bien", assure Juliette Guépratte de la DRAC Hauts-de-France.
Un trésor plusieurs fois fondu
Les auteurs des notices sont souvent partis de zéro. Ils ont pu aussi s'appuyer, pour certaines pièces, sur des textes écrits en 1987 et mis à jour à la lumière des nouvelles connaissances scientifiques, notamment des poinçons qui permettent d'identifier un orfèvre, un lieu de production et une date de réalisation.
En tout, cent-vingt textes présentent les objets de la collection, mais aussi des documents historiques retrouvés dans les archives départementales de la Somme et du diocèse d'Amiens. Il s'agit par exemple d'inventaires du trésor dressés en 1347 et en 1419 ou d'actes juridiques (testament, donation) qui contextualisent la collection : "J'ai retranscrit la lettre de Louis XIV de 1690 aux évêques dans laquelle il leur ordonne de fondre une partie de leurs trésors d’argenterie pour participer à l'effort de guerre lors de la guerre de la Ligue d'Augsbourg", explique Aurélien André, archiviste et bibliothécaire du diocèse d'Amiens. On apprend ainsi que la quasi-totalité de la vaisselle liturgique d’Ancien Régime a été volée ou fondue pour financer des campagnes militaires, mais "les évêques étaient toujours dédommagés, sauf après les fontes durant la Révolution", précise Aurélien André.
Un glossaire d'une soixantaine de termes techniques et religieux facilite la lecture des notices. Car le site e.Trésor s'adresse autant aux enseignants, qui y trouveront une ressource pédagogique, aux étudiants en histoire de l'art, qu'au grand public, curieux de se perdre dans un dédale de pages et de liens hypertextes.
Mais, l'objectif premier du projet est bien de donner envie de se rendre à Amiens et découvrir "en vrai" l'un des plus riches ensembles d'objets liturgiques de France, qui en compte près de 270.
Un trésor à l'origine de la cathédrale
La cathédrale d'Amiens et son trésor sont liés l'un à l'autre depuis toujours. En effet, la construction de l'édifice gothique à partir des années 1220 a été décidée pour répondre à l'afflux de pèlerins attirés par la relique de Saint-Jean-Baptiste rapportée de Constantinople deux décennies plus tôt par le chanoine de la collégiale Saint-Martin de Picquigny Wallon de Sarton.
Le reliquaire de la face de Saint-Jean-Baptiste, comme tous les objets de la collection, n'est pas une pièce de musée : ayant conservé son usage cultuel, il sort encore chaque 24 juin en procession dans la cathédrale.