La mission des parcs zoologiques ne se limite pas à la conservation et la reproduction des espèces. Il est fréquent qu'ils soient sollicités pour recueillir des animaux saisis par la justice car issus de trafics et/ou détenus illégalement.
Il est un peu plus grand qu'un chat. Il a de grandes oreilles, un pelage jaune beige et des taches noires. Prince Harry est le dernier arrivé à la ménagerie du zoo d'Amiens. C'est un serval, un petit félin vivant en Afrique subsaharienne. Mais c'est surtout l'espèce sauvage nouvellement à la mode et donc objet d'élevages illégaux et de trafics.
Récemment, on a été sollicités pour des caïmans, des grands herbivores, des primates, des serpents et des félins bien sûr.
Laure Garrigues, responsable scientifique au zoo d'Amiens
Ces dernières années, le trafic de servals a explosé pour deux raisons. La première, c'est pour en faire un animal de compagnie, de ceux que l'on voit dans des vidéos sur les réseaux sociaux tenus en laisse ou allongés sur un canapé. La seconde raison, c'est parce que le félin est capturé dans son environnement naturel pour être ensuite croisé avec des chats domestiques. L'animal issu de ce croisement est ensuite reconnu comme un chat Savannah, une nouvelle race de chat également à la mode.
Prince Harry est l'un de ces servals, détenus illégalement. Il a été saisi par les autorités et placé sur décision de justice. C'est l'association spécialisée Tonga, terre d'accueil qui a demandé au zoo d'Amiens de l'accueillir. Ses équipes sont sollicitées une dizaine de fois chaque année pour prendre en charge des animaux sauvages issus de trafics. Le trafic d'animaux sauvage est en effet le troisième trafic mondial après le trafic de drogue et le trafic d'armes.
Une solution d'urgence
"Tous les zoos français sont envahis par ces animaux issus de placements. Il y en a énormément tout au long de l’année. Trop, déplore Laure Garrigues, responsable scientifique du zoo d'Amiens. On est très souvent sollicités et avec des animaux très variés. Récemment, on a été sollicités pour des caïmans, des grands herbivores, des primates, des serpents et des félins bien sûr. Il y a quelques années, on a recueilli une hyène et un addax. Ou un oryx, je ne me souviens plus. Mais en tout cas, c’était ce genre d’antilope avec de grandes cornes."
On refuse certains animaux quand on n’a pas la place, les infrastructures ou tout simplement les compétences pour les élever.
Laure Garrigues, responsable scientifique du zoo d'Amiens
Prince Harry n'est ainsi pas le seul individu placé en "hébergement d'urgence" au zoo d'Amiens : un des hiboux grand-duc, des serpents, des araignées, des tortues et certains canards viennent d'un placement judiciaire. Les deux alligators de Chine et les deux pythons birmans du parc zoologique ont été accueillis après une saisie à l'étranger. Une fois la décision judiciaire rendue, ils ont été envoyés à Amiens par le zoo belge qui les avait initialement recueillis.
"On prend les animaux en fonction de notre capacité, explique Laure Garrigues. On a accepté Prince Harry parce qu’on n’a pas d’autre serval et qu’on a de la place. Mais souvent, on dit non. Il y a deux jours, on nous a demandé d’héberger des caïmans. On a été obligés de refuser parce qu’on ne pouvait pas les prendre. On refuse certains animaux quand on n’a pas la place, les infrastructures ou tout simplement les compétences pour les élever. Et la plupart du temps, quand on sait qu’on ne pourra pas garder un animal, on le refuse".
C'est notamment le cas des animaux rares qui sont confiés par la justice à des parcs zoologiques qui possèdent déjà un individu pour qu'un couple soit constitué et ainsi permettre une reproduction. "S’il nous arrive d’accueillir des animaux dont on sait qu’ils ne vont pas rester, c’est parce qu’on a déjà une solution définitive après. C’est arrivé il y a quelques mois avec un autre serval dont on a fait que la quarantaine".
Réadapter le comportement
Car l'arrivée d'un animal issu d'un trafic ne se fait pas n'importe comment. Il doit en premier lieu subir une période de quarantaine sanitaire très réglementée et passer des tests médicaux. Souvent stressé par la situation, l'animal peut par ailleurs se montrer agressif et avoir besoin d'être isolé.
Vient ensuite le travail de réadaptation. Pas facile quand on est face à un animal sauvage qui a été tout ou partie domestiqué et qui être sevré du contact humain pour son bien-être. "On est un centre de conservation et on conserve aussi les comportements sauvages, met au clair Laure Garrigues. Donc dès qu’ils arrivent chez nous, ils n’ont plus de contact physique avec l’humain. Évidemment, ça dépend de leur âge, de leur caractère de base et de ce qu’ils ont vécu dans leur passé. C’est compliqué de faire passer à des choses plus naturelles un vieil animal qui n’a jamais connu que les caresses et la pâtée pour chat."
L’animal va finir sa vie en captivité. Parce que, ne connaissant pas leurs origines, il n’est pas question d’en relâcher dans la nature.
Laure Garrigues, responsable scientifique au zoo d'Amiens
Car souvent, ces animaux sauvages, ne sont pas nourris comme ils devraient l'être. La réadaptation alimentaire peut prendre énormément de temps, d'autant que les équipes zoologiques ont rarement connaissance du passif de l'individu en la matière. "Dans le cas des félins, ça va assez vite parce qu’ils sont toujours nourris avec de la viande sous toutes ses formes. Parfois, pour les primates, c’est plus compliqué : dans le passé, on a récupéré des primates qui étaient nourris aux frites et là, c’est plus compliqué de revenir à un régime alimentaire normal. Donc on s'adapte à l'animal".
La folie des NAC
Une fois que l'animal a retrouvé un comportement plus proche de celui qu'il aurait eu dans son environnement naturel, son avenir est assez restreint : "l’animal va finir sa vie en captivité, ça, c’est sûr, affirme Laure Garrigues. Parce que, ne connaissant pas leurs origines, il n’est pas question d’en relâcher dans la nature."
Cette mission d'accueil d'urgence en figure pas les statuts des parcs zoologiques et n'a donc de financement propre. Au zoo d'Amiens, elle est supportée par le budget annuel du parc. "Ce sont des coûts importants : ce sont des animaux qui mangent. Pour les alligators par exemple, ce sont des animaux qui nécessitent des lampes spécifiques, du chauffage, des UV, un traitement de l’eau, de la nourriture."
Et comme si accueillir les rescapés de trafics ne suffisait pas, le zoo d'Amiens récupère très régulièrement des NAC, les nouveaux animaux de compagnie que sont les lézards, les tortues, les araignées ou encore les serpents. "À 75%, ce sont les particuliers qui viennent vers nous pour que l’on prenne en charge leur animal. Pour les autres, ils sont placés par les autorités parce qu’ils ne sont détenus pas dans les règles", conclut Laure Garrigues.