Un mois après notre reportage à Bernaville (Somme), la gérante du supermarché menacé de fermeture par les factures électriques bénéficie d'une forme de moratoire. Des décrets d'application des aides gouvernementales, attendus en mars, pourraient sceller son sort.
Florence Maréchal est avec son comptable lorsque nous la contactons. Le 21 janvier, la gérante du supermarché de Bernaville, commerce de la ruralité samarienne à la fois hétéroclite (alimentation, carburant, presse, livraison) et essentiel (le seul dans un rayon de 10 kilomètres), disait sa peur de devoir fermer boutique. Aujourd'hui pourtant, "l'entreprise va très bien", se réjouit la commerçante.
Fin 2022, en pleine crise énergétique, l'entreprise signait un nouveau contrat avec EDF, synonyme d'un quadruplement de ses factures électriques. Mais à la fin du mois de janvier, après notre venue, surprise : la note n'a pas augmenté, toujours entre 4 000 et 5 000 euros.
Pour moi, ça devait augmenter. On n'a pas compris. Mais EDF a dit qu'il fallait attendre le 1er mars, parce que ça pouvait être régularisé.
Florence Maréchal, gérante du supermarché
La facture de février approche, mais elle ne devrait pas évoluer non plus. En effet, l'entreprise bénéficie actuellement d'une forme de moratoire.
Des décrets d'application attendus en mars
Sénateur (LR) de la Somme et ancien maire de Bernaville, Laurent Somon a obtenu des explications auprès du représentant territorial d'EDF.
Le fournisseur d'électricité aurait suspendu ses nouveaux contrats, dans l'attente des modalités d'application des aides gouvernementales, notamment sur l'amortisseur électricité, la prise en charge par l'État d'une partie de la facture directement auprès du fournisseur.
EDF a décidé de ne pas appliquer les hausses tant que tous les décrets d'application ne seront pas passés. Même la préfecture m'a dit qu'elle en attendait encore.
Laurent Somon, sénateur (LR) de la Somme
Les entreprises éligibles au dispositif sont censées en profiter pour les 12 mois de l'année 2023. Dans un flou habile, le gouvernement s'était fixé "l'objectif (...) qu’il soit perçu par les consommateurs dès les premières factures pour 2023".
Un rattrapage fatal dès le printemps ?
Florence Maréchal sait que son supermarché, qui brasse beaucoup d'argent avec sa station service, n'a pas droit au bouclier tarifaire. Mais elle espère bien bénéficier du fameux amortisseur : "On a envoyé les attestations à EDF, mais personne n'est capable de me dire si je rentre dedans."
Le moratoire ressemble donc à un sursis. En mars, EDF pourrait appliquer ses nouveaux contrats et le faire "de manière rétroactive", selon le sénateur Somon : le geste accordé ces trois premiers mois de l'année serait à rembourser, "étalé sur les 9 mois restants".
La gérante en est consciente. "J'ai une cliente qui payait 60 euros par mois et ils lui ont fait un redressement de 1 000 euros", rapporte-t-elle. Pour son entreprise, la facture passerait "de 4 000 à 8 000 euros" en cas d'amortisseur, sinon à environ 16 000 euros.