À eux seuls, ils cumulent plus de 100 000 abonnés. Fanny Teste et Guillaume Dupont sont deux influenceurs picards. L'un utilise l'application Instagram comme loisir, l'autre en vit. Mais tous les deux ont le souci de garder les pieds sur terre et de partager à leurs abonnés du contenu ludique et positif.
"Un jeune qui est encore à l'école, je vais lui dire de finir ses études, comme j'ai pu finir les miennes". Guillaume Dupont a le mérite d'être clair. Car cet influenceur connu sous le nom de @papageekendebardeur sur Instagram sait de quoi il parle. Avant d'avoir une communauté de plus de 88 000 abonnés, il a longtemps arpenté le réseau social avant de se lancer.
La genèse de l'aventure Instagram
"Je suis sur Instagram depuis 2013 mais j'ai toujours eu une activité salariale dans des métiers autour de la communication, du digital, lance-t-il. J'avais énormément d'idée que j'avais du mal à faire passer, donc c'était frustrant pour moi". Après son mariage et la naissance de son petit garçon, il veut se consacrer à la création de contenu et passer plus de temps en famille. A ce moment-là, Instagram commence à décoller. Il fait donc le pari de plaquer sa vie de salarié pour travailler à son compte, près de son fils et de sa femme, médecin de profession.
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L'achat de sa maison et la décoration sur le thème de Harry Potter avec des touches "très geek, très pop culture" ont aussi joué sur le succès de son compte Instagram. "La maison est devenue une espèce de jouet, de quatrième membre de la famille" qui lui donne des milliers d'idées de contenus à la seconde. "C'est vraiment un petit terrain de jeu, une espèce de décor de cinéma dans lequel on vit, c'est très pratique d'avoir la maison comme décor et outil de travail", se réjouit-il.
Pour Fanny Teste, le pseudo "@madameteste vient du fait que je me suis mariée avec monsieur Teste et j'ai utilisé pour nom de famille pour créer mon compte". Au départ, elle se lance dans l'aventure Instagram pour partager ses bons plans et ses bonnes adresses à Amiens et Lille. "Je suis une fille du Nord, donc je voulais montrer tout ce que je pouvais faire". Et un jour, son fils, Tom, est arrivé. "Et là, mon compte a décollé", notamment grâce au "côté grossesse, bébé". Aujourd'hui, son compte est partagé entre style de vie, enfant et "les aventures qu'on vit avec Tom et son Papa", décrit-elle.
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L'un en vit, l'autre non
Dans le monde des influenceurs et des créateurs de contenu, il existe deux catégories. La première, c'est "la partie gifting, où une marque va t'envoyer un produit, tu n'as pas d'obligation de réaliser de contenu spécifique puisqu'il n'y a aucune rémunération en jeu". Parfois, il n'y a même pas de contrat, même si la marque souhaite, au fond, qu'il y ait une création derrière.
La seconde implique "la création de vidéo ou de photo" pour mettre en avant un produit ou un service. "Cela implique aussi une rémunération puisqu'il y a un contrat, il y a des exigences aussi, des briefs à respecter". Le prix ? "Ça se joue parfois à 2000, 3000 euros pour une création vidéo", note Guillaume Dupont. Si cette somme paraît importante, il faut se rappeler qu'il y a "aussi l'achat de matériel, de costumes" à prendre en compte. "Ça paraît rigolo d'un œil extérieur quand on regarde son téléphone mais ça engendre beaucoup de frais". De plus, "il y a des impôts à payer, l'URSSAF, ce genre de choses", en plus d'un temps de travail, de réflexion, de création, de montage et de diffusion.
Fanny Teste, de son côté, a pris la décision de ne pas en faire un travail à temps plein. Elle est psychothérapeute. Son organisation entre vie professionnelle et numérique "reste quelque chose d'assez carré comme dans un emploi du temps, explique-t-elle. De telle heure à telle heure, je suis focus consultation et au moment où je change cette casquette, ça va être le côté loisir et on va basculer sur le monde Instagram".
Elle se déplace souvent en boutique et conseille ses abonnés sur des produits qu'elle découvre et achète. "C'est toujours un moment plutôt sympa d'aller en boutique, de découvrir, de déguster et en général, j'ai un petit cadeau pour les abonnés".
"Je n'ai pas non plus envie de vendre quelque chose qui est faux"
Avoir les pieds sur terre et rester fidèle à la réalité, c'est le pari de Fanny et Guillaume. Ce dernier précise que derrière la création de contenus, il y a un travail conséquent. Il faut être prêt à porter plusieurs casquettes et à ne pas compter ses heures. "C'est hyper enrichissant, c'est très créatif, note-t-il. Il faut être photographe, directeur, réalisateur, monteur, modèle parfois aussi". Toujours dans cette exigence de transparence, il précise que "ce sont des métiers très souvent éphémères" car certaines applications peuvent prendre de l'ampleur et chuter du jour au lendemain, "et on en entend plus parler nulle part".
Il faut faire des études, avoir un vrai CV. Je sais que demain, tout peut s'arrêter.
Guillaume Dupont, @papageekendebardeur
Fanny Teste, elle, met Tom en avant mais est fait très attention aux attentes de son fils. "Ça va être en fonction de lui et de son envie. S'il est disponible, s'il a envie de faire quelque chose avec moi ou pas". Et lorsqu'il n'a plus envie de faire une activité filmée, elle arrête, tout simplement. "Des fois, on peut voir sur des comptes que l'enfant n'a pas envie et on peut être parfois mal à l'aise face à des vidéos comme ça". Le fait de mettre un enfant devant une caméra la "questionne beaucoup" car nous n'en sommes qu'au tout début. "On ne connaît pas les conséquences à long terme".
D'autant plus que certains comptes donnent l'impression d'appartenir à l'enfant et non pas aux parents. "Et c'est ça qui me fait peur et qui me questionne parce je me dis que l'enfant grandit, où est sa liberté et sa réflexion dans le fait qu'on ait utilisé son image ?" C'est pourquoi elle fait tout pour préserver son fils et ne va le montrer que "dans un moment agréable, plutôt dans quelque chose de fun" sans non plus édulcorer sa situation. Son but reste de montrer que la vie de mère de famille n'est pas non plus de tout repos. "Je n'ai pas non plus envie de vendre quelque chose qui est faux", insiste Fanny Teste.
Il y a des parents qui sont très bienveillants, qui font attention. Il y des droits du travail pour les enfants. Tom est protégé, il est dans une agence. Son image est protégée.
Fanny Teste, @madameteste
Autre point important : l'aspect papier glacé d'Instagram qu'elle essaie d'éviter pour rester la plus fidèle possible à la réalité. Dans le cadre de son travail, "des personnes vont me dire qu'ils ont l'impression que leur vie n'est pas assez bien parce qu'ils peuvent voir qu'il y a ça sur les réseaux sociaux", et que cette chose ne colle pas à leur vie. "Je leur dis que non, tout est une question de cadrage".
Fanny Teste utilise Instagram pour montrer qu'on "peut être juste aussi un être humain" et pour "déculpabiliser", j'utilise Instagram pour montrer que la maison n'est pas toujours parfaite et qu'il y a des moments avec Tom où ça peut être un peu compliqué aussi, et ce n'est pas grave, c'est normal".
Tout cela explique pourquoi les abonnés voient en Fanny Teste une femme authentique. "On va me dire qu'on se retrouve dans ce que je propose", rapporte-t-elle. Elle peut aussi compter sur son franc parler pour faire passer des messages importants. "Il y a des clashs, c'est vrai que des fois je mets les deux pieds dans le plat sur un sujet qui me semble gênant et ça ne me dérange pas de l'aborder, on me dit que ce côté authentique, ça plait".
Et si Fanny Teste a fait le choix de ne pas faire d'Instagram son métier à temps plein, Guillaume Dupont sait que si un jour ce réseau social venait à s'arrêter, il retournerait à la vie de salarié, avec "beaucoup de mal" certes, mais il avait une carrière avant, des diplômes également. D'où l'importance de rappeler que malgré les strass et les paillettes, il y a une vraie vie et de vrais enjeux. "Je pense qu'un influenceur a un pouvoir - peut-être - d'influence, mais les gens derrière aussi ont leur libre arbitre et doivent faire attention", conclut Guillaume Dupont.