Témoignage. Violences conjugales : victime de son ex-conjointe, il alerte sur les pervers narcissiques, "on finit par croire qu’on n’a aucune valeur"

Publié le Écrit par Elise Ramirez

C’est par les mots et la musique que Laurent* a réussi à s’en sortir. Cible des violences psychologiques et physiques de son ex-compagne pendant deux ans, il écrit des slams pour faire connaître ce fléau et aider les autres victimes.

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*Le prénom a été modifié

Laurent revient de loin. L’isolement et les violences, dont il a été victime, ont laissé des traces dans sa chair et son esprit. Pendant deux ans, sa vie est émaillée de coups et de brimades. Tout commence avec la rencontre d’une femme. Très vite, leur relation s’installe. "On a rapidement fait des voyages ensemble, on s’est engagés, on a travaillé ensemble. C’était tout feu tout flamme. Mais très vite aussi, j’ai commencé à être rabaissé. C'étaient des : "Sans moi, tu n’es rien, tu n’avanceras jamais". Elle était très jalouse et a tout fait pour m’isoler de ma famille, de mes amis. Elle les critiquait beaucoup pour que j’instaure une distance avec eux."

Des violences qui s'accentuent au fil des mois

Le mécanisme de dévalorisation commence alors. "Jamais rien n’était assez bien pour elle. Mes cadeaux ne lui convenaient pas. Un jour, je lui ai demandé pourquoi elle ne portait jamais le bracelet que je lui avais offert. Elle m’a reproché de ne pas prévoir assez de restaurants chics pour pouvoir le porter", raconte Laurent, se souvenant des menaces qu’elle exerçait sur lui. "Elle est partie plusieurs fois avec un homme et quand elle revenait, je devais l’accepter parce qu’elle faisait des chantages au suicide, très souvent et faisait semblant de se faire du mal. C’est d’une perversion extrême !", ajoute-t-il.

J’avais des hématomes partout, mais je mentais à ma famille.

Laurent*, victime de violences conjugales

Les violences physiques s’installent peu à peu et il les cache à son entourage. "La violence s’est accentuée la deuxième année de notre relation. Elle avait des crises d’hystérie très violentes. Elle m’insultait et me frappait. Je me suis retrouvé deux fois aux urgences. La seconde fois, elle m’avait envoyé un objet au visage. J’ai eu plusieurs points de suture. Un jour, tout à coup, alors que j’étais en train de démonter une plinthe à cause d’une fuite d’eau du lave-linge, elle m’a accusé d’en être responsable et m’a frappé derrière la tête avec le bout de bois. Un simple « Non » ou une critique sur son comportement suffisaient pour la faire entrer en crise. J’avais des hématomes partout, mais je mentais à ma famille parce que psychologiquement, je ne me voyais pas sortir de cette relation", confie-t-il.

Le couple vit alors sous le même toit et travaille ensemble. Il décrit une vie dédiée à sa compagne. Lui est passionné de musique depuis le plus jeune âge. Laurent parcourt les clubs du nord de la France, la Belgique. Mais, plus tard, les activités avec sa compagne ne lui laissent plus de temps pour lui. "Il fallait travailler avec elle, consacrer tout mon temps pour elle", explique le musicien.

Des relations toxiques qui laissent des cicatrices

Après deux ans de violences et d’épuisement psychologique, sa compagne le quitte pour un autre homme, puis revient. Lui en profite pour s’éclipser et trouve le courage de ne plus céder à ses demandes. Laurent la quitte définitivement. "Au début, c’est un coup de massue, mais c’est aussi une bouffée d’oxygène. Je me suis fait suivre par une psychologue qui a mis un nom sur ma situation. « Vous êtes sous l’emprise de cette femme », m’a-t-elle dit", raconte-t-il.

Même après la relation, je me suis demandé longtemps qui j’étais et si ce n’était pas moi le problème. J’étais démoli.

Laurent*, victime de violences conjugales

Il met du temps à se relever. Les violences psychologiques qu’il a subies laissent des cicatrices. Par hasard, il tombe sur un groupe d’entraide sur Facebook. "Les mots étaient très violents. J’entendais « Tu n’es qu’un clochard », au moins dix fois par jour. À force, on finit par croire qu’on n’a aucune valeur. Même après la relation, je me suis demandé longtemps qui j’étais et si ce n’était pas moi le problème. J’étais démoli. Je n’arrivais pas à croire à la réalité."

Une réalité que sa famille, son psychologue et le groupe de soutien lui laissent entrevoir. "Je savais qu’elle était narcissique, car tout tournait autour d’elle, mais les gens autour de moi m’ont ouvert les yeux sur ses traits pervers. Quand j’ai raconté mon histoire sur le groupe, d’autres personnes m’ont aussi parlé de leur expérience de relation toxique et j’ai fait le lien", explique-t-il.

À chaque fois qu’on parle de violence, ce sont des violences exercées par des hommes sur des femmes, mais l’inverse existe aussi et il y a des violences dans les couples homosexuels.

Laurent*, victime de violences conjugales

Laurent n’a jamais porté plainte contre son ex-conjointe, par honte, par peur de ne pas être entendu. "À l’époque, j’avais discuté avec une gendarme qui avait subi la même chose que moi. Elle m’avait mis en garde en m’expliquant que si je dénonçais les agressions, il fallait que je m’accroche, parce que tout pouvait facilement se retourner contre moi et quand j’ai dévoilé mon histoire sur les réseaux sociaux, j’ai reçu des messages de menaces. Certaines personnes ne m’ont pas cru. Elles m'ont traité de menteur. À chaque fois qu’on parle de violence, ce sont des violences exercées par des hommes sur des femmes, mais l’inverse existe aussi et il y a des violences dans les couples homosexuels", précise-t-il.

Le mécanisme de la perversion narcissique

La perversion narcissique touche tous les milieux sociaux, les hommes et les femmes. Le concept de pervers narcissique a fait son apparition dans les années 80 avec les travaux du psychiatre et psychanalyste Paul-Claude Racamier qui le définit comme "le besoin et le plaisir prévalent de se faire valoir soi-même aux dépens d’autrui". Plus tard, Alberto Eiguer s’intéresse à la relation d’emprise et de destruction qui se noue entre le pervers et sa victime. Il dépeint le pervers narcissique comme un être déconcertant, séduisant, mégalomane et calculateur dont le souhait est d’assujettir, d’humilier et de corrompre l’autre afin d’asseoir sa supériorité.

D’après le psychanalyste Jean-Charles Bouchoux, auteur du livre Les pervers narcissiques, sorti en 2009, "la personnalité antisociale ou psychopathe était considérée comme plutôt masculine, mais il semble que, comme pour l'hystérie qui a longtemps été attribuée aux femmes, ces personnalités tendent vers la parité." Il n’existe pas de statistiques dans la population française du nombre de pervers narcissiques. Mais le chiffre de 3 % est souvent avancé.

D’autres statistiques sont plus parlantes. L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, produite chaque année par le ministère de l’Intérieur rapporte qu’en 2021, 122 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints et 21 hommes ont été victimes. En 2018, 12 % des violences intrafamiliales, enregistrées par les services de police ou de gendarmerie, étaient des hommes. Les violences conjugales subies par les hommes restent un sujet tabou.

Laurent observe ce phénomène lors des témoignages qu’il recueille dans son groupe de soutien. qui rassemble des hommes et femmes, victimes de ces violences subies. "J’entends de nombreux témoignages d’hommes en privé, mais ils ne s’expriment jamais en public. Ce sont souvent leur mère ou leur sœur qui me parlent. Les hommes ont honte de leur situation et, il faut le dire, leur plainte est rarement prise en compte".

Mettre des mots sur les maux

Pour s’en sortir, il a trouvé de l’aide et il peut désormais soutenir les victimes. "Mon but est d’écouter et d’accompagner les personnes qui s’adressent à nous. On leur conseille des psychologues, des orientations juridiques. Il y a des cas de détresse aussi et là, il faut se mettre rapidement à l’abri." Mais il alerte aussi sur le "phénomène PN", un terme, selon lui, galvaudé, qui pourrait nuire aux victimes et "attirer les charlatans qui tournent autour de la souffrance psychique et des influenceurs qui profitent de la situation pour s’enrichir et gagner en notoriété", insiste-t-il.

De sa relation toxique, Laurent en a tiré un combat. Il souhaite alerter l’opinion publique sur le fléau des violences conjugales et il a choisi la musique comme expression. En 2020, pendant le confinement, il écrit des slams, enregistrés de chez lui.

Dans ses textes, il se met dans la peau d’un pervers narcissique. "Mettre les maux en musique, c’était mon projet pour évacuer et donner un autre point de vue, rarement entendu. Je raconte à haute-voix ce que j’ai vécu", explique-t-il, "je conseille à toutes les victimes de reprendre une activité à soi, une passion pour lâcher prise."

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