Mercredi 29 juillet 2020, Manon Fraser mourrait sous les coups de couteau de son ex petit-ami, Jordan, qui s'est suicidé en prison quelques semaines après. Deux ans plus tard, de nombreuses questions perdurent. Une marche blanche a été organisée en souvenir de la jeune fille à Vignacourt (Somme).
"C'était une fille en or". L'émotion reste vive à Vignacourt, où Manon Fraser, 19 ans, résidait avant de se faire poignarder plusieurs fois par son ex petit-ami, Jordan, durant l'été 2020. Ce samedi 30 juillet, une marche blanche s’est tenue pour se souvenir d’elle et des victimes de féminicides.
Elle a été organisée par sa mère, Isabelle Boulant, "pour qu’on n’oublie pas Manon parce que comme il y a eu un non-lieu de la justice, Manon reste un numéro de dossier dans les archives au tribunal", explique-t-elle.
Pour l’occasion, elle a inauguré un banc rouge dans le stade où sa fille et ses amis avaient l’habitude d’aller. Une façon de lui rendre l’hommage qu’elle mérite et qu'on n'oublie pas les autres femmes tuées par leur partenaire.
Une centaine de personnes sont venues marcher, se recueillir et effectuer un lancer de ballons aux côtés de la famille et des proches de la victime. Parmi eux, des amis d’enfance avec qui elle était au collège, des amis de la famille qui l’ont "connue tout bébé" et même des personnes qui ne la connaissaient que "de loin" ou qui ont été simplement touchées par sa disparition brutale.
Plusieurs coups de couteaux
Pour rappel, mercredi 29 juillet 2020, Jordan Bourbier, un gendarme de 26 ans, se présente à la gendarmerie d'Hallencourt. Il déclare qu'une jeune femme décédée se trouve sur la banquette arrière de sa voiture stationnée devant le bâtiment : c'est le corps de Manon Fraser, qui a reçu plusieurs coups de couteau la veille, dans un chemin isolé.
L'ex couple s'était retrouvé pour discuter de leur séparation survenue un an et demi plus tôt. Jordan voulait renouer, d'après un de ses derniers posts sur Instagram avant de commettre l'irréparable.
Il est mis en examen le 31 juillet 2020 mais se suicide par pendaison dans sa cellule de prison à Beauvais quelques semaines plus tard, en septembre, laissant derrière lui tout un tas de questions sans réponses.
Pourquoi il a fait ça ? Dans quelles circonstances ? Qu’est-ce qui s’est passé dans sa tête ?
Isabelle Boulant, mère de Manon Fraser
Face à cette situation, la justice a été amenée à prononcer un non-lieu. Jordan Bourbier était connu des services de police : il a été condamné pour avoir harcelé et incendié la voiture de son ex-petite amie en 2017.
"Je voudrais qu’il y ait des procès posthumes"
"Quand je voyais un féminicide à la télévision, je me disais qu’il y avait une justice, qu’elles vont être accompagnées", affirme Isabelle Boulant. Mais quand le drame se produit, elle tombe de haut. "On n’a personne. Si ça arrive pendant les vacances, il y a les vacances judiciaires et c’est extrêmement long". Il faut alors apprendre "vous-même à faire votre dossier, à vous défendre".
La mère déplore également la froideur et l’insensibilité du processus judiciaire. "Vous êtes interrogés sur les qualités et les défauts de votre fille alors que vous vous dites que c’est elle la victime là-dedans." A ce jour, elle se demande encore pourquoi elle et ses proches ont été auditionnés pendant des heures, mais "la famille de l’assassin n’ont pas été auditionnés", pareil pour "son entourage". Elle voudrait la mise en place d'un procès posthume.
Et quand je pose cette question, on me répond que ça aurait été fait un peu plus tard. Sauf qu'il n'y a rien aujourd'hui.
Isabelle Boulant, mère de Manon Fraser
Pour tenter d’y remédier à son échelle, Isabelle Boulant a créé une association pour lutter contre les féminicides et soutenir les familles de victimes. Elle aimerait pouvoir "les aider au premier jour, l'avant, l’après, le pendant" parce qu’elle n’estime ne pas "avoir eu ça".
Et quand on lui demande si elle arrive à se reconstruire, Isabelle affirme "qu’on ne se reconstruit pas". Mais la force qu’elle a en se levant le matin, c’est de se dire qu’il faut aider les autres victimes et les familles. "Je pense que Manon me donne cette force en me disant : ne laisse pas tomber, continue. Mais je ne vais jamais me reconstruire, ce n’est pas possible", conclut-elle.