Un an après le début de la crise, le quotidien difficile des associations caritatives dans les Hauts-de-France

Devant faire face à des besoins accrus et fragilisées par les restrictions sanitaires en vigueur, les associations caritatives ont dû se réinventer pour faire face à la crise de la Covid-19. Elles espèrent aujourd'hui beaucoup des mesures liées au déconfinement.

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Leur mission première est de porter assistance et secours aux personnes qui en ont besoin, de venir en aide aux plus démunis. Si leur raison d'être est restée la même, les associations caritatives ont néanmoins été bousculées par la crise sanitaire. Depuis plus d'un an, elles ont dû apprendre à travailler malgré l'épidémie, suspendre certaines de leurs activités, faire face à des besoins accrus et surtout, ne pas baisser les bras.

Franck Esnée, coordinateur régional de la délégation Hauts-de-France à Médecins du Monde se souvient encore de l'effet "choc" du premier confinement, en mars 2020. "Dans cette période de psychose, il a été difficile de savoir ce que l'on maintenait. On a connu de vraies difficultés à remettre en place notre activité de clinique mobile, le temps d'avoir les moyens techniques de désinfecter correctement l'ambulance après chaque consultation par exemple", explique-t-il.

Plus d'un an plus tard, les associations ont eu le temps de s'approvisionner en gel hydroalcoolique et en masques et de revoir leur organisation. Mais certaines activités n'ont pas résisté à la crise.

Des dizaines d'activités en suspens

Joints par téléphone, Michel Cadet et Paul Garbe, respectivement président et trésorier de la délégation de la Somme de la Croix-Rouge Française dressent le bilan de ces nombreuses activités interrompues temporairement.

Finies les formations grand public aux gestes qui sauvent. En l'absence d'événement public, finis aussi les dispositifs prévisionnels de secours. L'activité vestiaire (collecte, tri et redistribution de vêtements), les petits-déjeuners, l'atelier halte répit détente Alzheimer à Montdidier ou encore les cours de français - langue étrangère dispensés à environ 400 personnes à Amiens : tout cela a également été suspendu.

Les conséquences ne peuvent pas se traduire en chiffres, mais on peut facilement les imaginer selon les deux hommes : "Il est évident que quelqu'un qui arrive, qui ne parle pas notre langue, ne peut pas s'intégrer si on ne lui donne pas cette possibilité. L'incidence est difficile à estimer, mais elle est forcément extrêmement importante", explique Michel Cadet.

Même constat au Secours populaire du Nord : "Malheureusement, avec la crise, on a dû délaisser tout ce qui est accès à la culture, précise Laura Mottin, chargée de communication. Les sorties culturelles, les musées pendant les vacances, tout ça, ça a manqué". L'association a même dû renoncer à son opération phare l'été dernier, la "journée des oubliés des vacances". Dans le Nord, 10 000 parents et enfants n'ont pas eu la chance de bénéficier de cette journée de détente.

Des consultations en baisse

Quand cela était possible, les associations caritatives ont tout fait pour maintenir leurs activités sur le terrain. Les bénévoles de Médecins du monde par exemple ont continué leurs maraudes médicales à la rencontre des migrants. Malgré tout, sur le programme Nord /littoral, les consultations ont diminué. "On est passé de 5000 soins et consultations en 2019 à 3000 en 2020, détaille Franck Esnée. On a beaucoup plus orienté vers l'hôpital."

L'association a aussi eu davantage de difficultés à interagir avec les habitants selon le coordinateur régional de la délégation Hauts-de-France. Même dans le cadre du programme de prévention et promotion de la santé dans le bassin minier par exemple, il était difficile d'intervenir dans des salles, dans des écoles ou d'organiser des dépistages.

"Le lien n'est pas rompu"

Mais "le lien n'est pas rompu, précise Franck Esnée. Nous ne voulons pas nous substituer à l'État donc nous n'avons pas développé d'activité en plus, hormis la sensibilisation aux gestes barrières. Nous avons un peu réorienté vers de la maraude d'information donc nous avons gardé une proximité avec les habitants".

Dans toutes les associations, on s'est adapté du mieux possible. Dans la Somme, la Croix-Rouge Française a ouvert des centres d'hébergement d'urgence, s'est impliquée dans la vaccination, a organisé des maraudes aussi pour aller au devant des personnes dans la rue. Aux Restos du cœur, dans l'Oise, on a continué l'activité de conseil budgétaire et le micro-crédit par téléphone. Les bénévoles ont aussi eu à cœur de reprendre l'aide aux devoirs dès que possible. Et puis, au Secours Populaire, des "journée du bonheur" - des activités à plus petite échelle - sont venues compenser, un peu, l'annulation des "journées des oubliés des vacances".

Les bénévoles de l'association Les petits frères des pauvres, eux, ont remplacé les visites par les visios et distribué des tablettes avec pour objectif de réduire la fracture numérique. Tous ont été confrontés aux conséquences de l'isolement lié au confinement."Malgré une grande mobilisation, des phénomènes de glissement ont été observés, notamment dans les hébergements collectifs, remarque Jérôme Lejeune, chargé de communication dans les Hauts-de-France. Cet isolement a tué". Pour la seule année 2020, 224 accompagnements supplémentaires ont été mis en place. "Le lien social est un lien vital. Son manque, à 20 ans, comme à 90 ans, est douloureux", constatait l'association dans son dernier rapport.

Aide alimentaire : une très forte demande

L'aide alimentaire fait aussi partie de ces besoins qui ont augmenté avec la crise sanitaire. Si certaines activités ont été organisées de façon épisodique, au gré des annonces gouvernementales, en revanche, les actions liées à la distribution alimentaire ont été les premières maintenues. "On a essayé d'éviter que les personnes ne se croisent, explique Laura Mottin, chargée de communication au Secours Populaire du Nord. On a donné des rendez-vous ou fixé des plages horaires pour éviter le brassage de population".

Dans ce département, l'association a constaté une hausse de 40% en termes de nouveaux inscrits et une précarité accrue des bénéficiaires. Une hausse constatée aussi dans la Somme. "À Amiens,concernant la distribution alimentaire, on est passé de 1500 personnes tous les 15 jours à 2200/2300 personnes il y a quelques semaines", note Michel Cadet.

Dans l'Oise, aux Restos du Coeur, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 5 à 6 % . "Il n'y a pas eu de déferlante, mais on est tout de même à un niveau très élevé, explique Bruno Cauchy, le président de l'association dans le département. Lors de la campagne d'hiver, on nourrissait près de 9100 personnes. Et on a vu arriver beaucoup de personnes seules qui vivaient de petits boulots et des familles monoparentales".

Des bénévoles souvent âgés contraints de se mettre en retrait

Dans le même temps, les associations, ont, pour la plupart, dû faire face à une diminution du nombre de leurs bénévoles, notamment les retraités qui font partie des personnes vulnérables. "On est médecin, on a 70 ans et on doit considérer que, peut-être, on se met en danger en allant soigner les exilés", explique Franck Esnée.

D'autres bénévoles ont été mobilisés dans le cadre de la réserve sanitaire, mais malgré tout, le coordinateur régional estime que les activités n'ont pas peiné par manque de bénévoles. Dans la Somme, la Croix-Rouge Française est aussi parvenue à s'organiser, mais les membres de l'association s'interrogent. Les bénévoles seront-ils au rendez-vous lorsque toutes les activités pourront reprendre ?

"Nous avons interdit à toute personne de plus de 70 ans d'avoir une activité bénévole et nous en avons quand même un certain nombre, explique Michel Cadet. Ces gens-là, nous ne les avons pas vus depuis un an. Rien ne dit qu'ils n'auront pas de nouvelles habitudes. Le risque existe vraiment. C'est aussi vrai pour nos équipes de secouristes."

Néanmoins, avec la crise, plusieurs associations ont dans le même temps constaté l'arrivée d'autres bénévoles. "Nous avons vu de nouveaux jeunes s'investir énormément, des 18-30 ans", explique Laura Mottin, du Secours Populaire. Chez les Petits frères des pauvres, dans la région, la hausse a même atteint 22%.

Répondre à l'urgence, ça n'a pas de prix

Michel Cadet, président de la Croix-Rouge Française de la Somme

Pour beaucoup d'associations, cette perte d'activités et de bénévoles a été accompagnée d'une perte de moyens. Même si des entreprises se sont manifestées en faisant des dons, les braderies et autres ventes solidaires n'ont pas pu avoir lieu. Dans l'Oise, les Restos du Cœur peuvent habituellement compter sur une enveloppe de 50 000 euros grâce aux différentes manifestations organisées. Ce manque à gagner est conséquent, alors même que 100 000 repas supplémentaires, coûtant chacun environ 1 euro, ont été distribués l'été dernier.

Mais devant cette crise sociale d'envergure, l'aspect financier est vite balayé. "Nous avons réussi à maintenir nos activités, lance le président de la Croix-Rouge Française dans la Somme. L'important, c'était pour nous de répondre à la problématique en situation d'urgence et ça, ça n'a pas de valeur. Maintenant, nous espérons beaucoup de cette reprise maintes fois annoncée".

Car le moral des bénévoles et des salariés n'a pas toujours été au beau fixe. "Le premier impact de la Covid-19, ça a été d'abord une perte d'énergie, une vraie difficulté à continuer à nous rassembler, estime Franck Esnée. Moi le premier, je trouve que c'est difficile. On arrive à un an de distanciel. On a tous les outils pour travailler, mais le cœur de ce qui nous anime, c'est d'aller vers les gens..."

Les bénévoles aiment le contact et de ne plus avoir ce lien, d'être une machine à distribuer des colis, ils se sont sentis frustrés.

Bruno Cauchy, président des Restos du Cœur de l'Oise

Sans compter les personnes fauchées par la maladie, et toutes celles qui ont basculé dans la précarité. Mais la motivation est toujours là. À la Croix-Rouge Française, dans la Somme, on explique que les bénévoles se sont rendus compte que la précarité avait augmenté et que leur action n'en avait que plus de valeur. Mais partout, on pense également à l'avenir. "On a hâte d'organiser autre chose que ce qui se passe depuis un an", confie Laura Mottin, du Secours populaire.

L'optimisme malgré tout

Malgré la fatigue, les équipes de Médecins du Monde dans la région ont noté davantage d'initiatives à l'échelle des communes notamment. Et le coordinateur régional pense que cette période "va générer beaucoup d'entraide. On va rebondir sur quelque chose de riche", estime-t-il.

Cet espoir n'enlève pas la crainte. La crainte de voir, comme après la crise de 2008, de nouveaux publics arriver. "La crise économique et la crise sociale se sont faites en décalé, se souvient Bruno Cauchy. Les vraies conséquences vont arriver cet hiver et l'année prochaine."

Alors les associations se préparent, en constituant des stocks pour les uns, en optimisant leur organisation pour les autres, en imaginant de nouveaux projets et surtout en restant optimistes. Car la motivation de tous ces bénévoles et salariés reste la satisfaction d'avoir pu aider du mieux qu'ils le pouvaient ces personnes démunies, de plus en plus nombreuses.

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