En Dordogne, Christophe Chassaint réalise des sculptures dans des os de bovin. La matière, inhabituelle, permet de créer des œuvres inédites et surprenantes, souvent d'une grande finesse.
Newton avait trouvé l'inspiration sous un pommier. Christophe Chassaint l'a trouvée au fond d'une marmite de pot-au-feu. Sous la forme d'un os. Un os de bœuf qu'il avait sculpté, pour s'amuser, après le repas, à l'aide d'une petite perceuse de précision. L'œuvre de débutant, brouillon tiré du bouillon, avait été oubliée une dizaine d'années sur une étagère. Jusqu'à ce qu'en 2022, un accident l'immobilise pendant plusieurs mois. Il reprend son ébauche avec un matériel plus adapté, et en tire quelque chose de bien plus satisfaisant.
La substantifique moelle
Et depuis, il ne s'est jamais arrêté. Dans son atelier, ce dessinateur en bâtiment à la mairie de Périgueux, sculpte inlassablement, en faisant appel à son imagination. Des formes très organiques, souvent d'une étonnante légèreté, diaphanes.
J'essaye en général de suivre la forme de l'os, et pas à aller contre la forme. J'essaie vraiment d'utiliser la forme naturelle que nous donne la nature.
Christophe Chassaint,sculpteur sur os (Dordogne)
Histoire d'os
"Quand je le récupère chez le boucher, ça arrive comme ça !", montre Christophe. "C'est un fémur de vache ou de bœuf, je ne sais pas précisément".
La matière première est peu ragoûtante à première vue. Un gros os de bovin, dans les trois kilos, qui ferait plus envie à un molosse qu'à un amateur d'art. Mais après avoir été dégraissé, aseptisé et blanchi, le "nonosse" prend déjà un aspect plus acceptable.
Et en étant dégrossi, taillé, ciselé, poli pendant plusieurs dizaines d'heures entre ses mains, il devient carrément fascinant. "C'est un ersatz de l'ivoire", explique l'artiste. Décorations, pendentifs, lampes, la matière se métamorphose tant et si bien qu'on en oublie son origine pour être fasciné par sa forme.
On arrive, avec de l'os, à avoir des effets bluffants.
Christophe Chassaint,sculpteur sur os (Dordogne)
Os des cavernes
Et si l'idée vous choque, c'est que vous avez oublié un peu vite vos racines. L'os a en effet été le premier matériau sculpté par l'homme, en même temps que le bois et la pierre. Et il continue à être façonné partout dans le monde, remplaçant avantageusement l'ivoire dans les manches de couteau, les bijoux et autres objets précieux.
Pas plus choquant (ni moins, selon certains) qu'une paire de chaussures en cuir. "C'est une juste continuité de ce que faisaient nos ancêtres. On est quand même dans le pays de l'Homme", rappelle le sculpteur. "Il y a eu des sculptures en os, en ivoire de mammouth et en bois de cerfs.", en faisant référence aux nombreux vestiges préhistoriques trouvés dans la région.
Faire bouillir la marmite
Pour l'instant, Christophe présente ses réalisations sur les marchés et lors de petites expositions locales. À raison d'une trentaine d'euros pour un pendentif jusqu'à deux à trois cents euros pour ses plus belles pièces, cette passion ne lui permet pas encore d'en faire une activité à temps complet. Mais le succès ne devrait pas tarder, car indéniablement, ces pièces ont un sacré chien !