Au lycée agricole de Montmorillon (Vienne), on forme les agriculteurs de demain. Alors que la profession manifeste, et que la moitié des agriculteurs doivent partir à la retraite d'ici à 2030, c'est là que sont formés les futurs professionnels du secteur. Un enseignement toujours basé sur la pratique, mais qui tient compte aussi des questions climatiques et écologiques.
Au lycée agricole de Montmorillon (Vienne), c'est la relève du monde agricole qui est en train d'éclore. De la 3ᵉ au BTS, l'établissement forme 265 élèves, qui seront dans quelques années responsables d'exploitation, conseillers dans les chambres d'agriculture ou ouvrier agricole.
Chaque semaine, les heures dédiées aux travaux pratiques font partie de celles les plus attendues par les élèves. 16 élèves de première se forment en conduite et gestion d'entreprise agricole. Ils apprennent au plein air à réaliser l'entretien d’une haie sur une parcelle ovine. L’après-midi, ils feront le diagnostic d’une parcelle d’orge.
Parmi les élèves présents ce jour-là, il y a Esteban Pintureau-Rouseau. L'élève en bac professionnel conduite et gestion de l'entreprise agricole est "né dedans", et souhaite reprendre l'exploitation familiale. Le jeune homme se projette déjà dans ses débuts à la tête de son entreprise et se sent prêt à répondre aux critiques qui concernent le travail agricole.
Selon lui, "les gens écoutent beaucoup ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Sur les produits sanitaires, c’est très très réglementé, on ne peut pas mettre plus d’une certaine dose. Tout le monde ne peut pas épandre des produits dans les champs ou vacciner des bêtes."
C'est plutôt le contexte économique très compliqué pour la profession qui semble le questionner : "J'ai peur de ne pas réussir et de peut-être ne pas pouvoir m’installer un jour, parce que j’aimerais reprendre une exploitation."
Renouveler les générations
Parmi ces anciens élèves, Corentin Persillet, éleveur ovin à Lathus-Saint-Rémy (Vienne), fait partie de ceux qui ont réussi à lancer leur activité. Il a décroché trois diplômes au lycée de Montmorillon. "J'ai commencé avec rien, je ne viens pas d'une famille d'agriculteurs. J'ai remis une exploitation quand même, il faut juste être motivé", rappelle-t-il. "C'est une fierté de ne pas avoir baissé les bras et d'avoir dit, "je vais m'installer".
Depuis trois ans, il élève 500 brebis dans son exploitation. Ce type de profil est aujourd'hui courant parmi la nouvelle génération d'agriculteurs. Au lycée agricole, mais aussi auprès de ses maîtres d'apprentissage, il a "acquis surtout ce dont on a besoin aujourd’hui. Les travaux pratiques, ce sont les cours à ne pas rater, c’est vraiment un temps à y passer." Pour la profession, des parcours comme celui de Corentin Persillet sont presque vitaux. La moitié des agriculteurs devrait partir à la retraite d'ici à 2030.
Une pédagogie tournée vers la transition écologique
Pour moderniser la formation des futurs agriculteurs, le ministère de l'Agriculture a lancé en 2014 le programme "Enseigner à produire autrement". Il vise à développer l'enseignement de l'agro-écologie dans les établissements agricoles et orienter la pédagogie vers les différentes transitions. "On a effectivement des actions sur l’agro-écologie, des formations tournées vers la permaculture, la gestion des milieux naturels, qui vont permettre d’utiliser les plantes-compagnes, les haies", confirme Pascale Tesseyre, directrice de l'EPLEFPA de Montmorillon.
Ces choix pédagogiques concernent aussi le sujet des produits phytosanitaires, également abordé pendant la formation des élèves. "Nous sommes là pour expliquer et apporter aux jeunes la capacité d’être critique et de faire les bons choix pour son exploitation", détaille la directrice de l'établissement. "On passe des certificats de capacité pour limiter l’usage de produits phytosanitaires, on utilise des méthodes alternatives pour tenir compte des moyens que l’on a."
Les élèves savent et on leur dit qu’ils ont un rôle important à jouer.
Pascale TesseyreDirectrice de l'EPLEFPA de Montmorillon (Vienne)
Pascale Tessyre semble d'ailleurs remarquer une évolution parmi les élèves : "Ils se tournent vers le bio, l'agriculture raisonnée, des méthodes pour réhabiliter des haies, des bocages. Je pense qu’ils sont plus responsables, ils ont accès à l’information. Ils savent et on leur dit qu’ils ont un rôle important à jouer."
Mélinda Caillé, étudiante en première année BTS Analyse et conduite des systèmes d'exploitations, est bien de cet avis : "c'est à nous de montrer ce qu'on est capable de faire, c'est à nous d'améliorer les choses."
La jeune femme de 19 ans, originaire des Deux-Sèvres, souhaiterait reprendre l'exploitation de son grand-père, qui lui a transmis sa passion pour les animaux. Les sujets environnementaux se posent déjà dans sa formation, mais surtout plus tard, quand elle entrera dans le monde du travail. "Il faut aussi qu’on s’adapte à la demande de la population, au climat qui peut changer. On a vraiment un rôle important, parce qu'il faut qu’on puisse nourrir la France, mais pas la détruire comme cela a pu être fait pour de nombreuses années", déclare-t-elle, précisant trouver dans sa formation les outils pour répondre à tous ces défis.
À Montmorillon, toutes filières confondues, la réussite aux examens s'établit à 92 %. Pour faire connaître ses formations, l'établissement organise des portes ouvertes ce samedi 27 janvier 2024, uniquement sur rendez-vous.