Une quarantaine d'avocats du barreau de Coutances et Avranches ont manifesté ce jeudi matin pour protester contre le projet de loi sur les professions juridiques. Selon eux, l'introduction de la concurrence va se faire au détriment des plus démunis.
Pharmaciens, taxis, depuis plusieurs mois, le gouvernement tente de s'attaquer aux professions réglementées. Le 13 octobre dernier, un projet de loi relatif au secteur juridique a été présenté en conseil des ministres. Les propositions relatives au métier d'avocat ont rapidement été condamnées par le Conseil national des barreaux.
Celui de Coutances-Avranches a décidé de lancer ce mercredi midi une grève illimitée: plus d'avocats commis d'office et des d'importantes perturbations à prévoir lors de prochaine session de la Cour d'assises de la Manche. Ce jeudi, une quarantaine d'avocats se sont rassemblés ce jeudi matin devant le palais de justice de Coutances avant de manifester dans le centre-ville.
Le texte incriminé, qui n'est, selon le ministre de l'économie, qu'"un document intermédiaire" sans "aucun statut", fait trois grandes propositions. Il ouvre le capital des cabinets à des capitaux extérieurs. Il crée également un statut d'avocat salarié en entreprise. "Les entreprises pourront avoir leur propre avocat dans les murs de l'entreprise ce qui leur permettra de bénéficier du privilège du secret professionnel pour les besoins de l'entreprise et pas forcément dans l'intérêt général", explique Emmanuel Le Mière, bâtonnier de l'ordre des avocats de Coutances. "On voit tout de suite à quoi ça peut faire référence en termes d'entente illicite ou de fraude fiscale. C'est plus compliqué d'aller fouiller le coffre d'un avocat dans une entreprise que d'aller fouiller le coffre du chef d'entreprise lui-même".
La proposition la plus décriée (et la plus mise en avant par la profession) est la suppression du système territorial de représentation devant le Tribunal de Grande Instance. Actuellement, pour représenter un client dans certains actes, un avocat doit être inscrit au barreau du tribunal correspondant. Le projet de loi voudrait élargir cette condition à la cour d'appel.
Les avocats voient dans cette mesure une menace sur la justice de proximité. Selon eux, les cabinets "locaux" vont subir de plein fouet une concurrence "sur le versant le plus rentable de l'activité des cabinets d'avocats". Cette partie lucrative de l'activité, soumise aux honoraires libres, permet, selon la profession, d'assurer la défense des plus démunis. "Selon un rapport du barreau de Nantes, l'aide juridictionnelle en matière pénale ne couvre que 20% du coût de l'intervention", explique Emmanuel Le Mière, "C'est peut-être aussi pour ça que les gens trouvent que nous sommes un peu chers, car il faut aussi que nous arrivions à vivre tout en assurant à perte l'accès aux droits des plus démunis. Le jour où les cabinets du secteur ne pourront plus se maintenir, il n'y aura plus personne pour défendre les gens".