Après la tempête des retraites, les députés en vacances retrouvent le terrain

Les vacances parlementaires ont débuté jeudi dernier. Après des semaines de débats houleux autour de la réforme des retraites, les députés sont de retour pour quelques jours dans leurs circonscription. L'occasion de prendre la température au lendemain de la promulgation de la loi et à la veille d'une allocution présidentielle.

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Ce dimanche midi à Baron-sur-Odon, c'est le repas des seniors. Parmi les tables où sont assis les dizaines de convives, Freddy Sertin fait quelque peu baisser la moyenne d'âge. Seuls les jeunes de la commune, venus prêter main forte au service, lui donnent un petit coup de vieux dans son costume cravate. La cocarde épinglée à la boutonnière ne l'exonère pas de quelques présentations auprès de quelques un de ses concitoyens pas toujours au fait des dernières actualités de la circonscription.

"Dès que je ne suis pas à Paris je suis sur le terrain à votre rencontre. Revenir sur le territoire, c'est très important pour moi", explique le député Renaissance de la 6e circonscription du Calvados à une dame derrière son déambulateur, "Ça permet d'échanger sur les problématiques du quotidien et de voir comment on peut l'améliorer (....) Depuis que je suis élu, j'en suis à 25 000 kilomètres. La circonscription est étendue."

Soupe de champagne

Pour l'heure, les préoccupations concernent plutôt le projet de tiers-lieu dans la commune, "l'autre chemin qu'on a du mal à refaire avec la communauté de communes", ou la recette de la soupe de champagne proposée en apéritif. Aux uns, le député promet tout son soutien auprès des services de l'Etat, aux autres il liste précisément les ingrédients et dosages du fameux breuvage. "Je continue un peu sinon je ne vais pas voir tout le monde", s'excuse dans un grand sourire Freddy Sertin en s'éclipsant.

"Ma seule préoccupation c'est de pouvoir prendre la température et de pouvoir prendre le poul au regard de l'actualité actuelle", nous assure le suppléant d'Elisabeth Borne. Au repas des seniors de Baron-sur-Odon, la température est loin d'être glaciale à l'égard du député. Beaucoup s'enquièrent de ses nouvelles après ces dernières semaines plutôt mouvementées. "Vous avez dû dégager de l'énergie là-bas à l'assemblée ! Vu l'actualité, on va vous souhaiter bon courage !"

"L'petiot, il les a baisés !"

La veille, le président de la République a promulgue dans la nuit la loi sur la réforme des retraites. "Ah ben l'petiot, il les a baisés, il a bien fait. Il a fait ça dans la nuit. Terminé ! Il a eu raison !", se réjouit un convive auprès du député, lequel tente, un peu gêné, de tempérer l'ardeur de son interlocuteur : "Mais non. C'était la fin d'un cheminement institutionnel et démocratique. C'était normal." Pas de quoi calmer le bouillonnant convive : "Heureusement qu'il en dans le cerveau plus qu'Hollande !"

Dans la salle des fêtes de Baron-sur-Odon où le député de la majorité présidentielle a convié notre équipe, les rares critiques se font sur un ton feutré, presque en s'excusant. "Ce n'est pas contre vous", commence ainsi un retraité, "mais vous êtes d'accord avec la façon dont on s'y est pris pour aller expliquer tout cela aux gens ?" Freddy Sertin convient d'un "souci de communication" avant de dénoncer "l'obstruction qui a été mise en place par la Nupes : plus de 20 000 amendements pour bloquer le système parlementaire. Et après, on nous accuse d'avoir utilisé le 49.3". Son interlocuteur approuve : "C'est honteux. Ça ne pouvait se terminer que comme ça."

Le député l'assure : "l'objectif de ce type de repas, ce n'est pas de venir en campagne politique mais réellement d'avoir des échanges directs, libres et sans filtre." Mais moins musclés qu'à l'Assemblée nationale. "Maintenant que la loi est promulguée, l'objectif c'est de retrouver de l'apaisement, de la sérénité et de pouvoir travailler à d'autres textes de loi relativement importants pour notre territoire". Comme cette "proposition de loi sur le bien vieillir pour mieux accompagner nos aînés sur le territoire", glisse Freddy Sertin aux convives entre deux plats, "c'est un projet que je porte à titre personnel."

Un sondage qualitatif grandeur nature

A quelques kilomètres de là, sur le marché de Caen, Arthur Delaporte, lui, n'en a pas fini avec la réforme des retraites. Le député de la deuxième circonscription du Calvados tracte avec ses camarades socialistes sur la place Courtonne. "Je suis très très en colère, (la promulgation de la loi au milieu de la nuit) ça m'a mis hors de moi", lui confie une de ses connaissance." Hier, je suis descendue dans la rue. On était une petite poignée. Mais je ne suis pas restée. Je ne voulais pas me retrouver impliquée dans des incidents majeurs. Mineurs, oui. Majeurs, non", plaisante la retraitée. "Tu seras là le 1er mai ?", lui demande le jeune élu. "Bien sûr !"

Promis, il prendra d'ici quelques jours une petite semaine de vacances : "de la lecture, de l'écriture et un peu de repos". Mais au lendemain de la promulgation de la loi sur la réforme des retraites et à la veille de l'allocution présidentielle, pas question de délaisser le terrain. Le marché, "je le fais régulièrement, une fois par mois, on va à la rencontre des citoyens et c'est important aussi de prendre le poul quand il ya des épisodes assez violents. Là, par exemple, on est sur la promulgation d'une loi qui a fait débat pendant plusieurs mois, qui a déchiré les Françaises et les Français. Il faut se rendre compte de ce que ressentent les gens. C'est un peu un sondage qualitatif grandeur nature."

Garder le sourire en toutes circonstances

"La réforme, c'est sûr, fallait faire quelque chose. Mais pas comme ça." "Il a ouvert la porte à Marine Le Pen." "Cette promulgation, ça m'énerve, je n'en reviens pas, c'est invraisemblable." Dans les allées du marché dominical, Arthur Delaporte écoute, compréhensif, la colère des opposants la réforme. Et argumente, sans jamais se départir de son sourire et de son calme, des électeurs aux couleurs politiques différentes de la sienne. "Vous êtes favorables vous ?", demande le député à un homme d'un certain âge. "Oui, j'ai 70 ans et je travaille encore. Je fais du conseil", lui répond son interlocuteur. "Vous n'êtes pas carreleur ou maçon." Et le client du marché de se défendre : "Mais je suis d'accord sur le fait qu'il faut aménager !"

Un peu plus loin, c'est un couple de retraités, particulièrement remontés contre la Nupes, qui l'interpelle. "Pourquoi vous n'avez pas rejoint Cazeneuve, tous ces gars-là, les socialistes modérés? Qu'est ce qu'a apporté la Nupes dans le débat à part bordéliser ?". Un petit revers, toujours avec le sourire, pour commencer - "C'est ce que me disent en général les électeurs de droite" - avant d'embrayer sur l'argumentaire : "Je ne peux pas vous laisser dire qu'on n'a pas fait de propositions. Vous ne les avez pas entendues parce qu'elles n'étaient pas relayées. Nous avons fait des propositions de financement alternatif. Vous savez pourquoi on fait travailler les gens plus longtemps ? Parce qu'il faut équilibrer le régime. On a besoin de 10 à 12 milliards. Finalement, avec les économies qu'on a faites, on a fait beaucoup moins." Et d'inviter ce couple d'électeurs de sa circonscription à visiter son site internet : "Vous verrez toutes mes propositions. On peut être dans l'opposition tout en étant respectueux du débat."

Faire le marché, ce n'est pas que prendre la température. "Moi aussi, je l'ai mauvaise", confie Arthur Delaporte à un opposant à la réforme des retraites. "La question c'est comment on arrive à rester mobilisé. Le 1er mai sera important. Ça doit être une mobilisation festive, populaire et aussi vindicative parce qu'il faut que le président de la République entende enfin que l'ensemble de la population est heurté par ce qu'il a fait. Maintenant, l'opposition c'est aussi au parlement. On a déposé une loi d'abrogation, ça veut dire qu'on veut faire abroger la réforme et ses conséquences." En campagne donc, avec les promesses de lendemains qui chantent. "On a vu dans le passé des présidents qui reculaient parce qu'ils se rendaient compte qu'il avaient trop heurté le pays", veut croire le jeune député socialiste.

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