Les cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement promettent d'attirer des touristes du monde entier. Les hôtels et les campings affichent complets. Des particuliers n'hésitent donc pas à mettre leur maison en location à des tarifs exorbitants. Tout est légal...
Il est resté sans voix. "On m'a proposé une maison avec deux chambres pour 2 600 euros la semaine", raconte Patrick*. Comme tous les ans, il s'active en coulisses pour organiser les cérémonies dans une ville de la Manche. "Je cherche encore quelques logements pour accueillir des Américains. Je me suis tourné vers des gens à qui j'avais déjà loué cette maison. Quand on m'a parlé de 2 600 euros, je suis resté sans voix. Les autres années, elle coûtait entre 700 et 800 euros".
L'appât du gain
Depuis quelques semaines, des annonces fleurissent sur les plateformes de type AirBnB, Abritel ou Le Bon Coin à des prix jamais vus encore. Un petit pavillon avec deux chambres, surplombant Omaha Beach, est par exemple proposé au prix de 1 700 euros la nuit pendant la période du 6 juin. À Asnelles, près de l'ancien port artificiel d'Arromanches, une jolie petite maison avec quatre chambres coûte 13 483 euros pour la semaine du 6 juin.
Les festivités liées au 80ᵉ anniversaire du Débarquement vont attirer beaucoup de monde. À la fin du mois de février, le taux de réservation des hébergements s'établissait déjà à 93% entre le 5 et le 7 juin dans les secteurs les plus demandés, estime Normandie Tourisme.
Aujourd'hui, on peut considérer que les hôtels et les campings sont complets dans une bande de 20 kilomètres le long des cinq plages du Débarquement
Alice Lebas-HellinResponsable du pôle observatoire à Normandie Tourisme
Quelques propriétaires de logements ont flairé l'opportunité. "On le constate. On le déplore", s'étrangle Didier Llorca, le directeur de Bayeux Bessin Tourisme. "C'est navrant de voir que tout le travail que l'on fait depuis des années, pour donner une bonne image de notre territoire, soit écornée par des hébergeurs indélicats. Heureusement, c'est un phénomène minoritaire".
Hébergeurs opportunistes
Sur les plateformes de réservation, les quelques biens encore disponibles n'affichent pas tous de tarifs extravagants. Tout le monde n'a pas (encore) perdu la raison.
Près de Bayeux, Pascal gère deux gîtes. "Ils sont réservés depuis un an. Je les loue au même prix que les années précédentes. Je ne me voyais pas demander plus d'argent parce que c'est le 80ᵉ anniversaire !" Ses deux logements affichent complet tout l'été. "Nous allons accueillir des Américains, des Néerlandais, des Allemands. Franchement, je ne me voyais pas faire de l'argent sur la mémoire du Débarquement."
En ville, les hôtels ont revu leurs tarifs à la hausse. "Mais c'est normal, tempère Didier Llorca. C'est ce que l'on appelle, dans le métier, les tarifs congrès. Il y a toujours une hausse des prix lors des grands événements et ça fait partie de leur business. Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Les dérapages sont plutôt le fait de particuliers. C'est purement opportuniste et le monde du meublé de tourisme est une zone de non-droit."
Les prix sont libres
Depuis quelques semaines, les offices de tourisme du Bessin auraient reçu des dizaines de visites de propriétaires proposant leur maison ou leur appartement à louer. La direction a tranché : "On ne fournit que la liste de nos hébergeurs habituels. Si tout est complet, je préfère envoyer les gens à 50 kilomètres. On n'ouvrira pas de liste d'hébergements opportunistes", cingle Didier Llorca.
Les tarifs extravagants interrogent toutefois. Qui est prêt à débourser 575 euros pour une nuit dans un petit appartement en loggia près de Juno Beach ? Se trouvera-t-il quelqu'un pour louer "un appartement de standing" de 40 m² doté d'une chambre avec vue à Arromanches, proposé à... 1 310 euros la nuit ?
"Le problème, c'est qu'à la dernière minute, vous aurez toujours une chaine de télé américaine qui aura besoin de loger des présentateurs vedette à proximité. Ils paieront..." déplore Loïck Jamin, l'élu en charge du tourisme dans le Bessin. "Vous vous rendez compte, à Arromanches, on a vu une maison à 14 000 euros la semaine ! "
"Nous sommes en France et les prix sont libres", ajoute Loïck Jamin. . Louer un logement et proposer des petits-déjeuners ou des plats chauds suppose de respecter un certain nombre de règles de sécurité et d'hygiène. "Nous avons alerté la préfecture en espérant que la répression des fraudes s'y intéresse..."
*Le prénom a été changé