C'est l'un des épisodes les plus tragiques de la guerre en Ukraine : le siège de Marioupol, entre février et mai 2022. Le Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre présente les images exclusives des deux seuls journalistes présents dans la ville, au cœur de la bataille.

Le photographe Evgeniy Maloletka et le photographe et vidéaste Mstyslav Chernov (Associated Press) sont arrivés à Marioupol quelques heures avant l’assaut russe sur la ville. Les deux Ukrainiens y sont restés près de 20 jours pour documenter une ville en plein chaos. Pour Jérôme Delay, commissaire de l'exposition, le Prix Bayeux des correspondants de guerre est le meilleur endroit, hors diffusion presse et télévision, pour montrer et raconter ce siège. Marioupol, ville industrielle jusqu'alors peu connue au bord de la mer d'Azov s'est retrouvée sous le feu des bombes et des projecteurs, quelques jours seulement après le début de l'offensive russe en Ukraine.

Marioupol : l’enfer, comme si vous y étiez.

Pendant un mois, la chapelle de la tapisserie de Bayeux expose le quotidien de la population ukrainienne sous les bombardements à Marioupol. Avec comme toile de fond l’escalier monumental du théâtre, pilonné le 16 mars dernier, alors qu’il abritait essentiellement des femmes et des enfants. La toile tendue entre les deux balcons s'inscrit dans la continuité des boiseries de la chapelle. Une bande sonore diffuse les bruits sourds de bombardements lointains, puis d'explosions. Vous êtes au cœur du siège de Marioupol. Le but était de recréer l’hôpital de Marioupol à l’intérieur de la chapelle et d'être au plus près du quotidien des civils, comme l'ont été Evgeniy Maloletka et Mstyslav Chernov.

Il y a une beauté dans cette horreur. On n'arrive pas à enlever nos yeux de cette image. Elle est pleine de fantômes.

Jérôme Delay, commissaire de l'exposition "Marioupol"

Marioupol : une ville détruite à 90 % en seulement un mois

  • Le 2 mars, l'artillerie russe pilonne Marioupol, ville russophone de 441 000 habitants située à environ 55 kilomètres de la frontière russe et à 85 kilomètres du fief des séparatistes de Donetsk.
  • Le 9 mars, une frappe russe vise la maternité et le 16 mars, l'aviation russe détruit le théâtre de la ville, où près d'un millier de personnes s'étaient réfugiées, selon les autorités ukrainiennes.
  • Le 30 mars, Moscou annonce un cessez-le-feu local, à partir du lendemain matin, pour ouvrir un couloir humanitaire.
  • Le 4 avril, le maire de Marioupol, Vadim Boïtchenko, déclare lors d'une visioconférence devant la presse internationale que la ville est détruite «à 90%».
  • Le 21 avril, le ministre russe de la Défense déclare que Marioupol est sous contrôle russe, à l'exception du site d'Azovstal .
  • Le 20 mai, c'est la prise de l'usine Azovstal par les russes.

Les images de Marioupol au cœur d'une bataille médiatique

Evgeniy Maloletka et Mstyslav Chernov ont décidé de rester à Marioupol, au moment où le reste de la presse internationale se concentrait sur Kiev. Coupés du reste de l'Ukraine, ils ont vécu au milieu de la population, au rythme des bombardements. Dans une ville privée d'électricité, ils ont dû trouver des solutions pour recharger leurs batteries, en utilisant les groupes électrogènes disponibles. Quand le réseau GSM ne fonctionnait plus, ils ont eu recours à une petite valise satellite . Les images de Evgeniy Maloletka et Mstyslav Chernov ont fait le tour du monde, montrant l’horreur en photo et en vidéo, choquant l’opinion internationale. Ces images ont été vivement démenties par le gouvernement russe, arguant qu'il s'agissait d'acteurs et que les bombardements n'avaient jamais eu lieu.

Cette femme, en bas à droite, a même été accusée par la Russie de propagande ukrainienne. Il s'agit de Marianna Podgurskaïa, une blogueuse ukrainienne, dont les Russes ont prétendu qu'elle s'était mise en scène après le bombardement de la maternité de Marioupol. Elle a pourtant accouché dans cette ville en ruine.

En diffusant ces clichés, les deux journalistes sont devenus la cible des combattants russes.

Les Russes voulaient les faire taire, raconte Jérôme Delay, le commissaire de l'exposition et lui-même photographe pour AP (Associated Press). Ils avaient une liste de noms de personnes à abattre et ils en faisaient partie. 

Le but de l'armée russe était de les rattraper et de les forcer à dire au monde entier que leurs photos et vidéos n'étaient que des mises en scène.

Jérôme Delay, commissaire de l'exposition "Marioupol"

Pour leur sécurité, ces deux journalistes ont dû être exfiltrés de Marioupol, laissant une ville où "le massacre peut se poursuivre à huis clos", comme le disait Stéphanie Pérez, envoyée spéciale à Odessa pour France télévisions, le 22 mars 2022.

Pour l'instant, toutes les communications restent coupées et le martyre de Marioupol risque bien de se prolonger loin des caméras. Un trou noir de l'information, puisque les deux derniers journalistes occidentaux qui étaient sur place pour une agence américaine ont été obligés de s'enfuir. Ils étaient poursuivis, traqués par les forces russes.

Stéphanie Perez, envoyée spéciale à Odessa (Ukraine) pour France Télévisions, le 22/03/2022

Des images pour preuve

Aujourd'hui exposées, ces photos et vidéos d'actualité documentent un pan de notre histoire. Elles ont été largement diffusées, mais c'est la première fois qu'elles sont exposées aussi nombreuses, en même temps. L'exposition "Marioupol" est visible à la chapelle de la Tapisserie de Bayeux jusqu'au 30 octobre.

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