À Aure-sur-Mer, dans le Calvados, un conflit oppose le maire et les élus du conseil municipal, ces derniers refusant de voter une extension du budget déjà épuisé. Le blocage des salaires en décembre inquiète les employés municipaux à quelques jours de Noël.
La gestion financière de la commune d’Aure-sur-Mer (Calvados) connaît de sérieux remous. À la fin de ce mois de décembre, les cinq employés municipaux de cette commune de 720 habitants pourraient ne pas percevoir leur salaire.
En cause : l'absence d'un vote du conseil municipal pour débloquer les fonds suffisants afin de régler les dernières charges du personnel de mairie de l'année. Le versement des salaires serait alors reporté au mois de janvier 2025. Ce blocage intervient sur fond de tensions croissantes entre le maire Alain Bauda et les élus du conseil municipal.
Chez les agents municipaux, la situation agace et inquiète. "Ça nous met en insécurité financière, ça met nos familles en insécurité", témoigne Alix Montesson, la secrétaire de mairie d'Aure-sur-Mer. "En période de Noël, c'est inhumain, irrespectueux, lance-t-elle. On demande de la reconnaissance et notre salaire, c'est-à-dire juste le béaba".
Ça nous met en insécurité financière, ça met nos familles en insécurité.
Alix Montesson, secrétaire de mairie
Un budget 2024 arrêté par le préfet
Selon Alain Bauda, les fonds nécessaires au règlement des salaires sont disponibles, la mairie disposant d'une trésorerie équivalente à trois ans de fonctionnement. Mais les élus du conseil municipal, dont la quasi-totalité est entrée dans l'opposition au maire, ont refusé le 9 décembre de voter des ajustements qui, selon eux, masqueraient des erreurs antérieures.
Le conseil municipal ayant voté en 2021 pour retirer à Alain Bauda sa délégation pour la gestion du budget municipal, l'édile n'a pourtant d'autre choix que de passer par le vote du conseil municipal pour acter les dépenses.
D'après Jean-Marie Groult, premier adjoint du maire et opposant à ce dernier, le blocage des salaires trouve son origine dans la préparation du budget 2024. Alain Bauda n’aurait pas soumis le budget 2024 dans les délais légaux au vote du conseil municipal, affirme son premier adjoint. Selon le maire, ce sont plutôt les élus du conseil qui ont refusé le vote, créant l'obstruction. Comme le veut la procédure dans ce cas de figure, c'est donc la préfecture qui a arrêté le budget d'Aure-sur-Mer le 29 août dernier. Le budget arrêté par le préfet prévoyait 152 670 euros pour les charges de personnel.
"Ces crédits étaient suffisants pour payer les salaires de 2024", assure Jean-Marie Groult. Mais, selon lui, deux mandats de paiement controversés réclamés par Alain Bauda ont épuisé les crédits budgétaires avant la fin de l’année. L'édile aurait ainsi mandaté 8 249,10 euros entre février et novembre 2024 pour régler des arriérés de 2023, indique Jean-Marie Groult, soit peu ou prou la somme qui manquera en fin de mois pour payer les employés municipaux. "Les salaires mensuels à payer sont d’environ 6 000 euros", informe le premier adjoint.
Le maire pointe une erreur préfectorale
Le 9 décembre dernier, Alain Bauda a proposé une décision modificative budgétaire pour augmenter les crédits alloués aux salaires du personnel municipal, justifiant cette demande par des besoins non couverts pour les versements de décembre. Cette proposition a toutefois été rejetée par le conseil municipal. "Le rôle des élus municipaux n’est pas de régulariser et de masquer les erreurs commises par le maire", avance Jean-Marie Groult.
Il précise en outre que les élus du conseil municipal avaient déposé en 2023 deux amendements pour augmenter les crédits de l'année et éviter des arriérés de paiement. "Le maire a refusé de procéder au vote de ces amendements", affirme l'élu d'opposition.
Le rôle des élus municipaux n’est pas de régulariser et de masquer les erreurs commises par le maire.
Jean-Marie Groult, élu d'opposition
Mais selon Alain Bauda, "l'origine du problème provient d'une erreur commise par les autorités préfectorales qui ont arrêté le budget". "La communication avec le maire n'a jamais été faite par la préfecture. On a pris connaissance fin août du budget, qui ne permet pas de payer les salaires de décembre", explique-t-il. Le maire déplore en outre le refus des élus municipaux d'adopter la modification budgétaire qu'il a soumise au vote, qualifiant leur démarche de "décision inepte".
"Un des premiers droits du fonctionnaire, c'est la rémunération contre mission effectuée", s'agace Stépane Sochon, secrétaire général de la CFDT Interco du Calvados. "Si ça se passe très mal entre le maire et son conseil municipal, il n'est pas normal que de ces problèmes finissent par impacter les agents", commente-t-il. Son syndicat a adressé un courrier au préfet du Calvados, lui demandant d'intervenir pour "prendre les mesures nécessaires pour faire respecter les droits des agents".
Vers une saisine de la Chambre régionale des comptes ?
"Nous dénonçons avec la plus grande fermeté le refus par le conseil municipal (...) de voter favorablement la délibération (...) par laquelle était proposée une décision modificative budgétaire visant à abonder le chapitre (...) du budget communal insuffisamment pourvu lors de sa mise en place par arrêté de Monsieur le Préfet", communique la CFDT Interco.
Une réunion est prévue en préfecture, lundi 16 décembre, pour débloquer la situation. Faute d'une inflexion du conseil municipal, les agents municipaux pourraient saisir la Chambre régionale des comptes afin de réclamer que le préfet arrête un nouveau budget comprenant la modification budgétaire. "J'accompagnerai toute saisine de la Chambre régionale des comptes", annonce Alain Bauda.