A Caen, la détresse des infirmiers en psychiatrie : "notre métier perd tout son sens"

Ils travaillent à l'EPSM, l'Etablissement Public de Santé Mentale que les Caennais continuent d'appeler "le Bon-Sauveur". Des infirmiers en psychiatrie occupent une chambre de soins intensifs pour dire leur "honte". Ils déplorent de ne pas avoir plus de temps à consacrer à leurs patients.

Jérôme vide son sac. Il pourrait sans doute parler des heures. "J'ai 20 ans d'expérience. J'ai vu l'évolution. C'est incroyable. On vit aujourd'hui sur une autre planète". Il est infirmier en psychiatrie, un métier d'écoute, et de dialogue. Mais depuis quelques années, le travail est devenu plus difficile, "parce que nous avons un afflux de patients. Nous sommes en difficulté".

"Aujourd'hui, je vais moyennement bien. J'ai le sentiment d'être pris dans une machine à laver quand je prends mon poste. Et le soir je n'ai pas l'impression d'avoir fait du bon travail. Parce que je n'ai pas répondu à la détresse d'un patient. Je n'ai pas pu prendre le temps de m'asseoir cinq minutes sur le lit d'un patient angoissé par exemple. On va se contenter de la médication en suivant la prescription médicale, mais le relationnel passe au second plan. Notre métier perd son sens".
 


"Des patients sont isolés dans des conditions lamentables"


"Nous sommes fatigués" soupire Nathalie. Par quoi commencer... "On n'est pas assez nombreux pour surveiller les patients. On a des gens qui sont isolés dans des conditions lamentables. On ne peut pas surveiller tout le monde. On a des tentatives de suicide".
 

Les Chambres de Soins Intensifs sont aujourd'hui pointées du doigt par les infirmiers. "Ce sont des chambres d'apaisement vers lesquelles sont dirigés des patients dont l'état d'agitation peut être un danger pour eux-mêmes. Normalement, on intervient régulièrement pour donner un traitement, pour parler, pour donner un repas.  Mais ce n'est pas toujours possible parce nous ne sommes pas assez nombreux ou parce qu'il faut intervenir avec une équipe de sécurité et qu'elle n'est pas disponible. Parfois, on n'entre pas dans la chambre avant 10h30 ou 11h. Cela renforce l'isolement du patient".
 

Occupation d'une Chambre de Soins Intensifs


"Sans suffisamment de personnel, on ne peut pas répondre correctement aux demandes d'aide des patients. On diffère les réponses, on allonge les délais. Ce manque de disponibilité engendre la frustration et parfois de la violence", écrivent la Cgt et Sud dans un communiqué. Et lorsqu'un patient est orienté en CSI (Chambre de Soins Intensifs, ndlr), les agents affirment qu'il ne leur est pas possible d'intensifier les soins auprès du patient "isolé"

"Un patient en CSI,  c'est une augmentation de la charge de travail, donc moins de disponibilité pour les autres patients, donc une augmentation de la tension dans le service." Afin de dénoncer ce "cercle vicieux", des agents ont décidé d'occuper nuit et jour une de ces chambres. Sur une vidéo amateur que nous nous sommes procuré, on aperçoit des agents, le visage recouvert d'un foulard, réunis autour d'un café dans une petite pièce. Au mur, un écriteau proclame : "Je suis isolé".

 





 
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