Des caennais s'opposent à l'abattage imminent des 50 arbres de la place de la République prévu dans le cadre du réaménagement du centre-ville. Le maire a pour projet une gigantesque surface commerciale. Les élus de l'opposition lancent une pétition pour lui demander une consultation locale.
Il ne s'agit pas d'arbres remarquables, classés. Non, il y a, là, plutôt de simples tilleuls plantés dans les années 50, après-guerre, à une époque où l'ancienne place royale de Caen, devenu place de la République, a quitté sa fonction de petit parc d'agréement au pied de l'hotel de ville tombé sous les bombardements. A l'endroit même où sont plantés les arbres, on a sondé récemment les caves de l'ancien Musée des Beaux-Arts, lui aussi détruit en 44.
Bref, c'est un coin chargé d'histoire, où les caennais se sont toujours promenés. Le parking aérien de 120 places (condamné depuis un an) ne sera regretté par personne. Ce qui inquiète les riverains aujourd'hui, c'est de perdre ce petit poumon vert pour laisser place à un gros bâtiment ultra moderne, sans charme.
Le 6 novembre 2017, dans la salle du conseil de municipal, une dizaine de caennais sont là pour dire au maire d'arrêter tout. Ils veulent garder ces arbres. Et pour lui prouver qu'ils sont loin d'être les seuls à espérer un changement de cap, ils lui demandent d'organiser un référendum sur la question.Aussi, un vent de contestation souffle sur Caen depuis le dernier conseil municipal qui a voté la décision d'abattre ces arbres
« Référendum, référendum » scande le public tandis que la délibération sur l’abattage des arbres à #République est adoptée #CMCaen pic.twitter.com/3qpTY4fWUt
— Marie Mangane (@MMangane) 6 novembre 2017
Mais ces arbres ne sont qu'un élément du vent de la colère qui est en train de naître à Caen contre ce projet de centre commercial, place de la République. Et les élus de l'opposition municpale (PCF, PS, PRG et écologistes réunis) ont largement été sollicités sur le sujet.
" J'ai lancé il y a plus d'un an une première pétition sur internet, juste pour voir qui elle rassemblait, et elle a réuni près de 4000 signatures. Il y a depuis quelques semaines un sentiment de colère plus profonde qui se développe avec des gens qui se disent qu'une fois que ce sera fait, il sera trop tard pour dire stop !", explique Gilles Déterville, élu départemental PS, ancien adjoint de Philippe Duron dans l'ancienne mandature.
A ses côtés, Xavier Lecoutour, lui-aussi ancien adjoint. Il avait sous Philippe Duron la charge de l'urbanisme. Autant dire que c'est un dossier qu'il connait bien. Il vient d'ailleurs de déposer en son nom 2 recours au tribunal pour contester la construction du centre commercial.
"Tous les candidats en 2014 , à droite comme à gauche avaient un projet de halles alimentaires à construire à Caen. Mais là, les halles ne représentent que 10 % de la surface commerciale. Le reste ne sera que des restaurants supplémentaires et des enseignes de vêtements qui sont déjà en difficulté dans les rues voisines. On trompe les Caennais. Joel Bruneau n'avait pas promis ça en 2014 !" ( Xavier Lecoutour, conseiller municipal d'opposition PS)
Aussi dans les jours qui viennent ils seront sur les marchés, et dans les rues de Caen pour faire signer une nouvelle pétition. Celle-ci est destinée à demander une consultation locale, comme le permet la loi du 13 août 2004.
S'ils obtiennent la signature de 20% des inscrits sur les listes électorales, ils sont légitimes pour demander au conseil municpal l'organisation de cette sorte de référendum auprès des caennais. Il leur faut donc 11500 signatures de caennais.
Joël Bruneau, le maire de Caen, pour le moment, reste opposé à toute consultation locale. Et n'envisage pas une seconde de revenir sur ce projet déjà avancé.
"Des propos électoralistes ! il faut remuscler le centre-ville c'est ma priorité !"
La Drac a besoin d'abattres les arbres pour aller fouiller les anciennes caves du Musée des Beaux-Arts . "Il reste peut-être des vestiges et ces fouilles sont obligatoires avant de pouvoir accepter le permis de construire", explique le maire. Ensuite , le dossier devra être examiné par une commission départementale pour l'aménagment commerciale, qui doit donner son avis.
Tout cela conduira peut-être, par la suite, à un recours, vu la contestation ambiante.
Autant d'obstacles qui reculent la date de livraison. Et reste fort à parier que ce dossier ne sera pas conclu avant la prochaine campagne des municipales en 2021.
Les arbres eux, peuvent tomber bien avant. La décision d'abattage étant valide puis déjà une quizaine de jours.
Le reportage d'Alexandra Huctin et Franck Bodereau :
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