Le Conseil des prud'hommes de Caen faisait sa rentrée ce mardi 15 janvier avec son audience solennelle. Au programme, la prise de fonction de son nouveau président et le plafonnement, contesté, des indemnités de licenciement institué par les ordonnances "Macron".
Comme les voeux, l'audience solennelle est une tradition dans les juridictions en ce mois ce janvier. A Caen, le conseil des prud'hommes tenait la sienne ce mardi 15 janvier, une audience au cours de laquelle son nouveau président général est entré en fonction. Mario Aïello, salarié d'une entreprise privée et issu du collège employé, succède, pour un an, à Paul Hoyer (issu du collège employeur). L'audience est aussi l'occasion pour une juridicition de dresser le bilan de son activité (la baisse des saisines constatées ces dernières années semble se stabiliser) et d'évoquer les sujets d'actualité.
Et dans le domaine prud'hommal, l'actualité c'est le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif établi par les ordonnances dites "Macron" réformant le code du travail. Depuis la fin 2017, les dommages et intérêts sont plafonnés entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l'ancienneté du salarié. Cette mesure va avoir, selon le nouveau président général du Conseil des prud'hommes de Caen "un effet de découragement surtout sur les salariés qui ont peu d'ancienneté car le barême est encore plus sensiblementd défavorable sur les courtes période d'ancienneté."
Des stratégies de contournement
Mario Aïello évoque une deuxième conséquence: "On commence à voir arriver des stratégies de contournement, qui visent à multiplier les chefs de demande pour aller au-delà des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse et des remises en cause de ce barême par rapport au droit international". Le droit international, plusieurs Conseils prud'hommaux l'ont justement invoqué ces dernières semaines.A Troyes, Amiens et Lyon, des employeurs ont été condamnés à verser des dommages et intérêts supérieurs au barême récemment institué. Ces décisions se sont appuyées notamment sur l'article 10 de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) de 1982, ratifié par la France. Ce dernier stipule que si les juges "arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié (...), ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée".
"Que dire à un justiciable ?"
Au Mans, le Conseil des prud'hommes a choisi quant à lui d'appliquer ce barême. Ce mardi, à Caen, le représentant du barreau a pointé le problème de "l'insécurité juridique" découlant de ces jurisprudences divergentes. "Que dire à un justiciable qui vient vous consulter des indemnités qu'il est susceptible d'obtenir devant le Conseil des prud'hommes ?", s'est interrogé publiquement à l'audience Maître Xavier Morice. "Actuellement, nous n'en savons rien", a-t-il déploré.Autre inquiétude selon l'avocat, l'allongement de la procédure au regard de cette incertitude. "Compte-tenu des recours devant les Cours d'appel, qui auront elles-mêmes des jurisprudences différentes, puis enfin devant la Cour de cassation, c'est un délai compris entre deux à trois ans qu'il faudra attendre (...) un délai inadmissible au regard des enjeux pour le justiciable."
Le représentant du Barreau de Caen a donc appelé le Conseil des prud'hommes à se saisir du "dossier". "Une solution pourrait être rapidement trouvée si le conseil des prud'hommes de Caen s'emparait du débat et acceptait, comme la loi le permet, de saisir la Cour de cassation pour avis, ce qui permettrait d'avoir une idée claire de l'évolution de la jurisprudence en la matière." Mario Aïello, fraîchement désigné, reste prudent. "C'est une option qui pourrait être envisagée."