Sur petit et grand écran, la caennaise Nina Meurisse s'impose partout. À tel point que les créateurs de "Baron noir" lui ont confié le personnage principal de leur nouvelle série "la Fièvre", qui sort ce lundi 18 mars sur Canal Plus.
Ça tourne plutôt bien pour Nina Meurisse. À 36 ans, et déjà 25 ans de carrière, l'actrice caennaise voit son travail acharné, enfin récompensé.
En à peine six mois, vous avez pu la voir comme tireuse d'élite dans "Coeurs noirs", fille bling-bling du chef de la pègre dans "B.R.I", meilleure amie trompée dans "le Ravissement", film remarqué à la Semaine de la critique, à Cannes. Et cette, fois, elle incarne Sam Berger, LA spécialiste de la communication de crise, dans "La Fièvre", la série écrite et réalisée par le tandem de "Baron Noir", Eric Benzekri et Ziad Doueiri.
En ce moment, elle peut à peine assurer la promo, car elle tourne en Bretagne, la série "37 secondes", sur le naufrage du "Bugaled Breizh", pour Arte. Avant de s'envoler le mois prochain au Maroc pour reprendre son rôle de Sab, pour la saison 2 de "Coeurs noirs".
Entretien entre deux séquences, avec une actrice qu'on n'arrête plus.
Comment avez-vous abordé Sam Berger, personnage phare de la série "La Fièvre"?
Nina Meurisse : C'est un personnage, passionné depuis des années par les mouvements de société. Elle réalise beaucoup de sondages et d'études qualitatives pour sonder l'état d'esprit des Français, sur la politique notamment. Sam anticipe souvent, elle a des intuitions très fortes et un cerveau qui marche à toute allure.
L'histoire de la série commence par le coup de tête d'une star du foot à son entraîneur, puis l'insulte de "sale toubab". La scène, filmée, s'enflamme sur les réseaux sociaux. Alors que la tempête médiatique commence, elle est appelée pour calmer cette crise, qui devrait être gérée en 24 heures. Mais elle pressent que c'est l'élément déclencheur de la crise identitaire en France.
*"Toubab", cela signifie "blanc" en wolof.
Par ailleurs, elle va devoir affronter son ancienne sœur de cœur, Marie Kinsky, jouée par Ana Girardot. Elles se sont séparées, à un moment donné, parce que l'une a plutôt suivi son désir de pouvoir et l'autre ses valeurs. Sam va très vite comprendre que cette femme, reine du stand-up néo-conservatrice, va mettre de l'huile sur le feu. Le combat va s'avérer sanglant car l'enjeu est immense.
Vous qui travaillez beaucoup vos rôles, en amont, comment vous êtes-vous préparée pour endosser ce personnage, plus cérébrale et moins physique que Sab, la tireuse d'élite de "Coeurs noirs" ?
Nina Meurisse : Le véritable challenge, c'était les 250 pages de texte à apprendre, avec un vocabulaire très spécifique, que je ne comprenais pas toujours. Sam va se révéler complexe et il fallait aussi la rendre limpide pour le spectateur et çà, c'est hyper intéressant. Avec un tel personnage, c'est important aussi de ne pas s'essouffler sur la longueur. De ne pas jouer avec la même note.
J'ai rencontré des communicants professionnels pour bien comprendre et digérer le texte. Nous avons beaucoup répété avec mon partenaire de jeu, Xavier Robic, qui joue mon patron. J'ai également travaillé avec mon amie répétitrice et aussi une coach pour le sous-texte.
Quand on a des textes, aussi didactiques et compliqués, comment faire pour l'incarner ? C'est quoi réellement l'enjeu pour Sam ? Ce n'est pas juste de convaincre des clients. Quelles valeurs défend-elle ? L'idée, c'était de mettre de l'intime à quelque chose de très intellectuel.
Le scénario donne des clés pour comprendre les techniques de communication qui peuvent nous sembler compliquées et avec cette série, on arrive à saisir les rouages de la com. Ce n'est que de la manipulation sémantique. Et l'interpréter, le rendre audible, c'était pour moi génial.
Nina Meurisse, actrice de la série "La Fièvre"
D'un côté, vous avez l'écriture d'Eric Benzekri, qui s'avère à la fois brillante et d'une complexité sans nom. Et de l'autre, Ziad Doueiri, dont le génie est justement l'inverse. C'est quelqu'un d'organique et intuitif. Ces deux-là, ensemble, c'est tout simplement merveilleux.
Vous retrouvez votre réalisateur fétiche, Ziad Doueiri, qui signe également "Coeurs noirs". Racontez-nous comment vous travaillez ensemble ?
Nina Meurisse : Je lui dois ce rôle. Pendant 6 mois, nous avons tourné la série "Coeurs noirs" et il a réussi à convaincre Canal Plus et Eric Benzekri de me confier ce personnage. Au départ, le rôle avait été écrit pour une femme plus âgée.
Nous avons une relation très forte Ziad et moi, difficile à décrire d'ailleurs. J'ai beaucoup d'admiration pour lui. Sa joie est vraiment porteuse. Il m'a bien comprise. Il me challenge tout le temps, de manière positive, ce qui me pousse à donner le meilleur. Je commence à saisir comment il travaille. On a peu besoin de se parler.
Nina Meurisse, actrice dans "La Fièvre"
On a le même plaisir de la précision et de l'artisanat pour servir un projet. Nous avions pratiquement la même équipe technique que "Coeurs noirs" et il y avait une jouissance à travailler tous ensemble. Le collectif compte beaucoup.
Quel regard portez-vous sur cette année incroyable ?
J'aimerais des vacances (rires). On passe son temps à se projeter, dans ce métier, et je trouve que ça amène tellement de déception, donc j'évite.
C'est sûr, j'ai eu de la chance d'avoir participé à des projets extrêmement différents pour le cinéma d'auteur, les plateformes, la télé avec des hommes et des femmes, différents et j'espère juste que ça va continuer.
Et surtout ne pas être cantonnée à un rôle. J'ai envie de me surprendre, d'aller dans des endroits inattendus.
Est-ce que vous sentez que le regard des cinéastes change ?
Oui mais je ne veux absolument pas m'en occuper. Quand les choses s'installent, si j'y pense, ça peut me mettre une certaine pression et m'enlever la possibilité de me tromper.
J'ai envie sur un plateau d'avoir le droit à l'erreur, d'essayer, de faire quinze prises, et si je ne suis pas au bon endroit, ce n'est pas grave. Je n'ai vraiment pas envie qu'on me mette une pression supplémentaire, qu'on m'enlève ce plaisir de tourner.
Nina Meurisse, actrice dans "La Fièvre"
En mai, vous présentez votre court-métrage au Festival de Cannes. Comment vous sentez-vous derrière la caméra ?
J'avais déjà réalisé un documentaire sur la psychiatrie et un court-métrage, il y a quelques années. Là, il s'agit d'un projet qui sera présenté dans le cadre des "Talents Adami". C'est quelque chose que j'ai envie de faire et de plus en plus, mais ça demande du temps. J'en ai peu en ce moment et la page blanche m'effraie un peu.
J'aimerais trouver des gens avec qui écrire. À force de lire des scénarios, j'ai développé une vraie capacité à travailler sur les personnages, leur évolution, les dialogues. J'adore ça.
Je sais qu'il y a tellement de scénaristes brillants qui ne veulent pas réaliser. J’éprouverais énormément de joie à travailler avec l'un d'entre eux. Qu'on se rencontre sur une envie de raconter une histoire, un sentiment, une sensation et qu'ensemble, on affine.
Mais définitivement oui. La réalisation me fait tellement du bien. Pour une fois, ce n'est pas moi que l'on regarde. Mais c'est mon cerveau et mon désir qu'on écoute. C'est précieux, précieux, précieux. Et j'espère mille fois que j'aurais à nouveau cette opportunité-là.
Nina Meurisse, actrice dans "La Fièvre"