Malgré son centenaire, Janine Hardy a laissé derrière elle l'image d'une jeune fille pleine de courage. On retiendra l'exemple d'une vie dévouée. Elle a aidé à évacuer sur des civières les victimes des bombardements, au milieu des décombres. "A 23 ans, on ne réfléchit pas", affirmait-elle.
Le préfet et le maire de Caen lui ont rendu hommage, à l'annonce de son décès, ce 12 mars 2021. Elle avait fêté ses cent ans, le 1er septembre dernier. Jeune fille élevée dans le quartier du Vaugueux, elle n'en partira qu'après le 6 juin alors que tout est bombardé.
"Pendant l’Occupation, elle travaille comme vendeuse chez des amis dans son quartier. Elle n’appartient pas à un réseau de résistance mais rend des services en servant d’intermédiaire pour trouver des cartes d’identité à des réfractaires au STO entre autres", raconte la préfecture du Calvados dans un hommage qui raconte sa vie.
Deux ou trois jours avant le Jour J, Janine Hardy sait par son frère que le débarquement va avoir lieu mais elle n’image pas l’ampleur de l’événement. Le 6 juin alors qu’elle est réfugiée au lycée Malherbe dans l’abri n°5, un déluge de bombes tombe sur Caen pour la deuxième fois de la journée, il est 13h30. Son frère, Pierre, vient la chercher pour aider à dégager les personnes de son quartier prises sous les décombres. C’est le début de son engagement au sein des équipes d’urgence : « A 23 ans, on ne réfléchit pas ».
Le 6 juin un déluge de bombes tombe sur #Caen. Elle aide à dégager les victimes prises sous les décombres. C’est le début de son engagement au sein des équipes d’urgence : « A 23 ans, on ne réfléchit pas ».
— Préfet du Calvados (@Prefet14) March 12, 2021
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Brancardière en 1944
Janine Hardy expliquait souvent comment ils ont évacué les blessés sur des brancards, malgré tout. Des "équipes d'urgence", avec qui elle travailla de longues semaines après les bombes du 6 juin 44. Leur mission était aussi de trouver de l'eau ou de la nourriture pour les survivants alors que le centre de Caen n'est plus qu'un énorme tas de pierre éboulé avec ses morts et ses survivants.
"Un de ses souvenirs les plus marquant est celui d’une femme prise dans les décombres qui s’inquiète du sort de son enfant pensant l’avoir sauvé. Lorsque Janine lui retire l’enfant, la fillette est morte étouffée. Janine préfère lui dire que l’enfant a été évacué en lieu sûr."
Marquée, elle vivra chichement pendant la reconstruction
Janine n'a plus rien, elle a perdu son appartement sous les bombes. "Jusqu’en novembre 1944, elle vit dans les abris du lycée Malherbe. Elle fait un séjour à Paris chez une tante pour récupérer des affaires et une couverture. Elle a tout perdu dans les bombardements et n’a que des vêtements d’été", poursuit la Préfecture du Calvados dans sa biographie. Elle repart de Paris encore plus seule qu'elle n'est arrivée : désarmée par une capitale qui ne se soucit pas de ce que vit la Normandie, détruite.
"De retour à Caen, elle vit dans les ruines avec un matelas de fortune trouvé dans les décombres. Elle n’a plus ni eau, ni chauffage, ni électricité, elle s’éclaire à la bougie. Cette situation va durer des années. Elle emménage dans son appartement actuel en 1956 seulement, à quelques dizaines de mètres de son ancien quartier.
Malgré un caractère « bien trempé », ces événements ont profondément marqué Janine Hardy. Ils l’ont marqué dans sa chair, les années de privation à 20 ans ont des conséquences irrémédiables sur sa santé. Ils l’ont marqué dans son inconscient : difficultés à dormir, cauchemars réguliers, l’usure de 10 années à ne pas vivre « chez soi », dans des conditions très précaires."
Aujourd’hui, une grande Caennaise nous a quittés.
Publiée par Joël Bruneau sur Vendredi 12 mars 2021
"Une grande caennaise nous a quitté" soulignait, Joel Bruneau à l'annonce du décès de la grande dame, centenaire. "Je rends hommage à une femme à la volonté de fer et à la détermination sans faille qui a toujours oeuvré au service des autres. Son engagement et sa tenacité restent un exemple pour les jeunes générations."