Les filières du numériques attirent encore trop peu de femmes. C'est le constat qu'a fait l'université de Caen. Dans ses filières, seulement 20 % des étudiants sont des étudiantes. Les chercheuses et doctorantes ont alors lancé un appel aux lycéennes à ne plus se censurer.
"56% des lycéennes se disent intéressées par l'informatique et le numérique, elles ne sont plus que 35% à se voir travailler dans ces domaines et seulement 5% des filles finissent par faire le choix de l'informatique", écrivent le laboratoire GREYC, l’Ensicaen, le CNRS et l’Université de Caen Normandie, dans un communiqué commun.
#OsezLesMétiersDuNumérique | Elles ont osé les métiers du numérique et osent aujourd’hui casser un stéréotype encore trop répandu dans l’imaginaire collectif !
— ENSICAEN (@ENSICAEN) December 10, 2021
Rendez-vous cet après-midi pour découvrir leur #LinstantStéréotype @orange @OrangeNormandie @GreycLab @CNRS pic.twitter.com/cVKfGnJgTZ
C’est à partir du constat que les jeunes filles se censurent lorsqu’il s’agit de faire le choix d’une formation, que les filières du numérique et de l'informatique ont décidé de se mobiliser. "Les femmes restent largement sous-représentées dans les métiers de l'informatique mais aussi dans la recherche dans ce domaine, ce qui constitue d'une part une énorme perte de talents et de l'autre un biais dans la conception des systèmes informatiques du fait de la non-mixité des équipes et de l'unicité de point de vue", explique Laurence Méchin, chercheuse du CNRS en charge du groupe de travail parité du laboratoire GREYC (laboratoire en sciences du numérique). L’une des doctorantes de Laurence Méchin, Laryssa Carvalho de Araujo fait le même constat.
Sur 120 étudiants seulement 15 femmes
La jeune Brésilienne de 27 ans a commencé ses études à Campina Grande dans le nord-est du Brésil. Au début de son cursus elle raconte s’être d’abord orientée vers le domaine de la santé. "J’adorais les mathématiques et pourtant, parce que je ne voyais pas de modèle féminin dans ce domaine, je suis allée vers la pharmacie. C’est un secteur beaucoup plus féminisé".
Elle réalise alors que sa formation ne lui convient pas et décide de se lancer dans le génie électronique, ce qui la passionnait depuis le début. "On était 120 étudiants et on devait être seulement 15 filles", se souvient Laryssa. Et d’ajouter : "quand il fallait faire des groupes de travail, les hommes préféraient rester entre eux, ils ne choisissaient pas les femmes".
"Toujours montrer le meilleur pour me légitimer"
Malgré ça, elle décide de continuer dans ce domaine. Elle postule alors dans un master, le même que celui de son petit-ami. "Je suis rentrée dans le bureau pour l’entretien et le responsable de la formation m’a regardée et a dit : "ah mais vous êtes une femme’". Il regardait mon dossier mais ne semblait pas très convaincu. L’entretien s’est conclu par un : ‘il faut que je voie’".
C’est une pression dont on a pas besoin
Laryssa Carvalho de Araujo
Son petit-ami passe l’entretien après elle. Alors qu’elle avait des notes un peu meilleures que lui, les retours de cet enseignant sont beaucoup plus élogieux à l’égard de son copain. "J’avais le besoin de toujours montrer le meilleur pour me légitimer en tant que femme", regrette Laryssa.
Laryssa Carvalho de Araujo est arrivée en France il y a trois ans pour intégrer le GREYC. Dans son équipe électronique, elles sont deux femmes sur 20 permanents. Le laboratoire compte seulement 11 chercheuses pour 81 scientifiques. En France, la moyenne nationale est de 20% de femmes dans les laboratoires informatiques.
"C'est une des meilleures chercheuse"
Laryssa donne des cours de travaux pratiques en parallèle de ses recherches. Elle estime qu'environ un tiers de ses élèves sont des femmes. "Ici aussi, quand il faut faire des groupes de travail il n'y a pas beaucoup de mixité", constate-t-elle. Selon Laryssa, "il y a trop d'idées types, où on se dit 'non ce n'est pas une formation pour moi'. C'est ce que la société nous vend, c'est trop présent dans notre tête. Souvent j'entends des filles me dire que ce sont des formations difficiles. Je leur réponds que de toute façon si on veut être bon dans un domaine peu importe la formation, ce sera difficile", lance la scientifique.
Pour elle, il manque des modèles féminins, à l'instar de Laurence Méchin, qui l'a beaucoup inspirée. "C'est une des meilleures chercheuses, reprend Laryssa. Et elle a aussi une vie de famille. Souvent on imagine qu'une femme qui fait carrière n'a pas de vie de famille. C'est faux !".
Laryssa Carvalho de Araujo passe sa soutenance en micro électronique dans quelques jours. Elle s'installera ensuite avec son compagnon en Belgique, où elle a d'ores et déjà trouvé un emploi.
Le @GreycLab organise sa journée du laboratoire le 14 janvier 2022, cette journée est ouverte à tous ! pic.twitter.com/ohihfhzmni
— GREYC (@GreycLab) November 23, 2021
Le laboratoire GREYC organise une journée porte ouverte le 14 janvier 2022. L'occasion pour les lycéennes intéressées par le numérique, mais encore hésitantes, de venir découvrir l'envers du décor.