Les Restos du coeur refuseront du monde cet hiver : "un crève-cœur pour les bénévoles" mais une question de survie

En septembre, l'association créée par Coluche tirait la sonnette d'alarme sur sa situation financière. Malgré la médiatisation et les dons, les Restos devront refuser du monde durant la prochaine campagne hivernale pour assurer leur survie.

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"Aujourd'hui, nous ne sommes pas suffisamment solides pour absorber le flux de personnes qui ont besoin d'aide alimentaire", déclarait le 3 septembre dernier Patric Douret, le président des Restos du coeur. Deux mois avant le lancement de la campagne d'hiver, l'association, qui assure 35% de l'aide alimentaire en France, tirait la sonnette d'alarme. Cet appel n'était pas resté lettre morte : la famille de Bernard Arnault, propriétaire du numéro un mondial du luxe LVMH, annonçait un don de 10 millions d'euros, et le gouvernement promettait une aide de 15 millions d'euros. Mais un mois plus tard, la crise demeure. "Nous allons refuser du monde pour la première fois de l'histoire des Restos du coeur", a regretté ce mercredi 4 octobre Jean-Yves Troy, le délégué général de l'association devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. 

Rien que dans le Calvados, les Restos du coeur, ce sont 21 centres et 670 bénévoles. L'hiver dernier, plus de 8000 personnes y ont été accueillies. En été - c'est sans doute moins connu du grand public - l'association continue d'assurer de l'aide alimentaire auprès des plus fragiles. Le barême estival, les conditions de ressources pour en bénéficier, est plus restrictif (le coût de la vie est jugé plus cher en hiver avec notamment les dépenses de chauffage).

"On touche toutes les couches de la population"

Et pourtant, les Restos ont accueilli cet été 18% de bénéficiaires en plus que l'année précédente et servi plus de 30% de repas en plus. "La précarité augmente déjà depuis plusieurs années", observe tristement Philippe Marie, le président de l'association dans le Calvados, "il y a des populations qu'on n'avait pas avant. Aujourd'hui, on a des travailleurs qui rentrent dans les barèmes des Restos, des gens qui ont des emplois précaires ou à mi-temps. On a vu aussi des petits autoentrepreneurs ou des gens qui ont bénéficié d'aide pendant le covid qu'ils doivent maintenant rembourser et qui n'ont plus rien pour vivre. On s'aperçoit aujourd'hui qu'on touche toutes les couches de la population et de plus en plus. La précarité augmente à vitesse grand V."  

En ce début octobre, l'association recense dans le département 7000 personnes accueillies, toutes répondant au barème estival. Or, ce plafond de ressources plus restrictif va rester en vigueur cet hiver. "Fatalement, on va laisser des gens sur le bord de la route. Ça va être très compliqué pour les bénévoles qui sont en direct avec les bénéficiaires. Quand vous allez avoir des gens qui avaient l'habitude de venir l'hiver parce qu'ils savaient qu'ils rentraient dans les critères et qu'il va falloir leur dire : non.... Dire non, pour un bénévole, c'est toujours très très compliqué. Ça va être très compliqué lors des inscriptions qui vont avoir lieu au mois d'octobre et lors de la campagne d'hiver au mois de novembre. Ça va être un crève-cœur."

Moins de bénéficiaires... et moins de repas

Les restrictions ne se limitent pas au nombre de bénéficiaires. Elles vont toucher également le nombre de repas distribués aux personnes ayant droit. "Avant, une personne seule avait droit à neuf repas par semaine. Elle n'en aura plus que sept", indique Philippe Marie avant d'ajouter : "C'est tout simplement vital pour l'association." Car c'est bien à contrecœur que l'association se résigne à prendre ce qu'elle appelle des "mesures d'urgence". Comme leurs bénéficiaires, dont le nombre ne cesse d'augmenter, les Restos du coeur subissent de plein fouet l'inflation. "Il faut savoir que l'association achète à peu près un tiers de ce qu'elle redonne", rappelle le président de l'association dans le Calvados. "Au niveau national, on va passer de 146 millions de repas distribués à plus de 170 millions sur les deux campagnes. C'est pratiquement intenable pour notre trésorerie."   

Car l'inflation ne se cantonne pas à l'alimentaire. L'énergie - l'électricité pour faire fonctionner les centres, le carburant pour les véhicules - a également considérablement augmenté. "Par exemple, sur le Calvados, on a 23 camions pour aller chercher nos ramasses, pour aller faire nos livraisons. Notre budget de fonctionnement a flambé." Avant de restreindre leur activité, les Restos ont déjà "pioché" dans leurs réserves pour la poursuivre, "des réserves qu'on gardait pour faire évoluer nos centres ou développer des activités comme la petite enfance". L'heure est désormais à la survie, selon les responsables de l'association. "On ne peut pas faire autrement si on veut garder la tête hors de l'eau (...) Si la situation continue comme ça, il ne nous reste plus que deux-trois ans à vivre.

Depuis l'appel lancé au début du mois de septembre par le président des Restos du coeur, beaucoup de particuliers contactent l'association pour proposer un don ou une aide. "Je leur dis : surtout ne lancez pas de collecte alimentaire. Ça on sait faire, on en a une dans le Calvados les 20 et 21 octobre", explique Philippe Marie, "Et il y a aussi toutes les autres associations qu'on ne doit pas court-circuiter. Il ne faut pas que les gens aient l'impression de devoir donner tous les 15 jours." Si la générosité du grand public va droit au coeur, Philippe Marie rappelle que l'appel ne leur était pas forcément destiné. "L'appel lancé par notre président national, c'était vraiment pour alerter les pouvoirs publics sur la précarité et les grosses entreprises." Et un mois plus tard, "la situation est toujours pareille".

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