Emmaüs a enfin pour rouvrir ses magasins après deux mois de confinement. Sans objet à récupérer et à revendre, les compagnons étaient privés du travail qui leur permet de subsister. Dans le Calvados, les premiers clients on été accueillis le mercredi 13 mai : "on s'est manqué les uns les autres".
Les visiteurs sont là, comme par enchantement. Dès l'ouverture, les voitures s'engouffrent sur le parking du château de Tailleville, la maison-mère de la communauté Emmaüs du Calvados. Le magasin accueille ses clients habituels : des curieux, des chineurs, des collectionneurs, des gens dans le besoin, des amateurs de bonnes affaires. Après deux mois de confinement, une parenthèse se referme. La vie reprend, presque comme si de rien n'était.
Bien sûr, l'épidémie rôde. À l'entrée des magasins, le visiteur est prié de se désinfecter les mains et de porter un masque. Les compagnons eux-même sont masqués et équipés de visières transparentes. Un marquage au sol permet de canaliser la circulation. Mais la joie de voir le lieu reprendre vie l'emporte. "Depuis deux mois, on était entre nous. Personne ne sortait. C'est vrai que ça fait du bien de revoir du monde", explique un membre de la communauté. À la caisse du magasin, un habitué abonde :
On s'est manqué les uns les autres. On était sans eux, ils étaient sans nous. Tout le monde a chaleur et joie à revoir les gens qu'on aime.
Avec le confinement, la communauté perdait sa raison d'être
Dans les belles journées, la maison de Tailleville voit passer jusqu'à six cents personnes aux heures d'ouverture. Le va-et-vient des clients et de ceux qui viennent déposer des objets entretient le lien avec l'extérieur. Quand il a fallu baisser le rideau le 14 mars, les compagnes et les compagnons ont été pris au dépouvu. Depuis sa création, jamais les les portes d'Emmaüs ne s'étaient refermées.
"On a trouvé de l'activité, raconte David Prual, l'un des responsables de la communauté. Nous avons fait comme tous les gens qui étaient confinés, du rangement et du jardin. Nous avons essayé de rendre la communauté plus belle." Cette période bien particulière a aussi permis de casser la routine. "On avait le temps d'être ensemble, poursuit David Prual. Mais c'est vrai qu'à la fin, ça commençait à être long".
Comment, avec le confinement, faire vivre une communauté qui se nourrit de la rencontre, de son ouverture au monde ? L'équation était impossible. Depuis toujours, Emmaüs récupère des meubles ou des appareils ménagers pour les remettre en état, pour leur donner une deuxième vie. Le produit de la vente permet de trouver de quoi subsister. "L'abbé Pierre disait : on répare les objets et le bonhomme", rappelle David Prual.
D'ailleurs, quiconque souhaite intégrer la communauté doit s'engager à participer au travail. "Chacun fait selon ses compétences". Un compagnon se relève les manches. Et c'est dans le labeur qu'il gagne sa dignitité. "Le travail permet de faire vivre notre projet social. C'était de l'économie sociale et solidaire avant l'heure".
"Ce n'est pas dans la culture d'Emmaüs que de demander de l'aide"
Cette fermeture forcée finissait aussi par fragiliser dangereusement les finances. Dans le Calvados, la situation n'était sans doute pas aussi critique que dans certaines autres régions. "Mais il était temps qu'on puisse rouvrir. On se demandait comment on allait payer les charges à la fin du mois de mai." Emmaüs a sa fierté : pas question de demander une subvention. Chaque communauté puise dans ses propres ressources pour payer l'eau, la nourriture et l'entretien du logement. Les recettes des magasins servent aussi à payer l'allocation de 55 euros hebdomadaire versée à chaque compagnon.
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— Emmaüs France (@emmaus_france) April 17, 2020
Alerte #Solidarité. Pour la 1ère fois depuis 70 ans, #Emmaüs est en danger. Sans votre aide, des milliers de personnes risquent de se retrouver à la rue.
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À la fin du mois d'avril, Emmaüs a lancé un appel à la générosité inédit. "Ce n'est pas dans la culture Emmaüssienne, insiste David Prual. L'auto-financement, c'est très important pour nous. On y gagne la liberté. Cela nous permet de rester fidèle au principe d'accueil inconditionnel de l'abbé Pierre : tu as faim, tu veux te reposer, viens, on t'accueille".
Les camions de ramassage sont de nouveau sur les routes. Les voitures et les camionettes des particuliers se succèdent devant le bâtiment dédié au dépôt. Les compagnons ont enfin pu reprendre leur travail de chiffonnier. Le masque que porte Ben ne dissimule pas complètement son large sourire. "On remercie les gens qui nous donnent des affaires qu'on va vendre. On remercie les gens qui viennent chez nous, même s'ils n'achètent pas. Ils sont les bienvenus". Son charriot est alourdi par des sacs remplis de vêtements qu'il faudra trier. Mais tout lui paraît léger.
- TAILLEVILLE
Mercredi et samedi
de 9H30 à 12H00 et de 14H00 à 17H00
Jeudi de 14H00 à 17H00
Dépôt tous les jours
de 8H00 à 12H00 et de 13H30 à 17H30
- CAEN, 102 avenue de Rouen
de 14H00 à 17H30
Samedi
de 9H30 à 12H00 et de 14H00 à 17H30
Dépôt du mardi au samedi
de 8H00 à 12H00 et de 13H30 à 17H30