La rentrée sociale s'annonce mouvementée. Après les avocats, le 16 septembre, le syndicat FO samedi dernier, la fonction publique se retrouve dans la rue ce mardi à Caen. Leur mot d'ordre ? La réforme des retraites, mais pas que. Paroles de pompiers, de cheminots et de professeurs.
Isabelle et Emilie, professeures de français et de mathématiques
L'âge moyen de départ à la retraite : 61,1 ans
Pension moyenne : 2 600 €
Isabelle enseigne les lettres, Emilie les chiffres. En lisant le projet de réforme des retraites, elles ont fait leur calcul. "On risque de perdre près de 500 euros par mois".
D'après le rapport de Jean-Paul Delevoye, la pension de retraite dépendra du nombre de points accumulés tout au long d'une carrière, et non plus sur la base des 25 meilleures années (régime général) ou des six derniers mois de salaire (fonctionnaires et régimes spéciaux).
Ce problème est simple pour la prof de maths "J'ai commencé il y a 10 ans avec 1300 euros par mois. Aujourd'hui, je gagne 1900 euros brut. Si on se base sur toute la carrière. Il ne va pas rester grand chose." Les syndicats estiment la perte à 500 euros par mois.
Isabelle, 30 ans d'expérience, ajoute "Si je comprends bien, si on veut toucher la même pension qu'aujourd'hui, il va falloir travailler jusqu'à 67 ans."
Toutes deux déplorent que le point d'indice soit gelé. "Contrairement aux idées reçues, notre profession n'est pas valorisée"
D'après un rapport de l'OCDE - tous niveaux confondus, les enseignants français gagnent 22% de moins que la moyenne des pays développés en milieu de carrière.
Manuel Rahain, Chef de la caserne Caen-Couvrechef
Age moyen de départ à la retraite pour un sapeur-pompier : 57 ans
Pension moyenne : 1800 et 2200 euros/brut
"C'est un mouvement d'ampleur", souligne le capitaine Manuel Rahain, qui réunit les sept organisations syndicales et toutes les catégories confondues, pompiers comme officiers"
Depuis le mois de juin, 60% des pompiers font grève tous les jours dans le Calvados. Certains sont réquisitionnés pour assurer un service minimum car l'urgence n'attend pas. Enfin il y a urgence ... et urgence.
La population ne fait pas toujours la différence entre ce qui est vital ou non. Plus de 30% des interventions ne relèvent pas du champ d'action des pompiers, qui pallient les carences d'autres services comme le SAMU, les ambulances, la police ou les serruriers.
"Nous sommes appelés pour ouvrir une porte, à la place du serrurier. On transporte des patients d'hôpital à hôpital. L'autre jour, une personne âgée nous attendait sur le pas de sa porte pour qu'on l'emmène à son rendez-vous médical"
La liste est longue et l'équation devient difficile à résoudre."Nos interventions ont augmenté de 32% en 20 ans, alors que les effectifs baissent significativement. Il faut garder des équipes pour notre mission première, l'incendie. Nous sommes les seuls à pouvoir le faire".
En effet, on imagine mal un serrurier, un policier, ou un ambulancier éteindre un feu, à la place d'un sapeur parti transporter quelqu'un en état d'ébriété sur la voie publique.
Sans compter les agressions et la non-revalorisation
"Pas un jour ne se passe sans que l'on se fasse agresser", déplore le capitaine. "L'autre jour, à Hérouville Saint-Clair, un individu a bloqué une équipe sur la route et voulait clairement en venir aux mains"
Depuis 1990, les pompiers touchent une prime de feu, qui n'a jamais été revalorisée, "cela va forcément jouer sur les retraites". En parallèle, ils paient une surcotisation, qui devait théoriquement s'arrêter début 2000, mais dans la pratique...
"Si on supprimait cette surcotisation pour les agents et l'employeur, cela générerait une économie de 40 millions d'euros pour tous les Sdis et ça contribuerait à revaloriser la prime de feu.".
Dans le cortège ce mardi matin, les pompiers seront bel et bien présents. Le capitaine lui se réserve pour la grande manifestion nationale des sapeurs-pompiers prévue le 15 octobre prochain, à Paris.
Allan Bertu, 30 ans, conducteur de train - délégué syndical CGT
Pension moyenne : 2400 euros/brut
"Nos rythmes de travail sont régulièrement cassés. Jeudi, j'ai commencé à 6h20 pour finir à 16h12 à Cherbourg. J'ai dormi là-bas. J'ai repris à midi et je suis rentré à Caen, chez moi, à 20H35 le vendredi soir. Samedi, je suis parti à 12h00 de Caen, fin de journée à 20H00 à Cherbourg. J'ai encore dormi là-bas. Dimanche matin, départ à 6H30 et j'ai terminé à 14h."
C'était une semaine banale pour Allan Bertu, conducteur de train, qui travaille régulièrement le week-end. "Sur 52 semaines, la SNCF nous assure un minimum de 12 week-ends non travaillés, par an."
En contrepartie de ces conditions de travail, les agents SNCF bénéficient d'un régime spécial de retraite. "On a une surcotisation, cela veut dire que nous payons notre droit".
L'âge autorisé de départ est de 52 ans pour les conducteurs. "Depuis la réforme sous Sarkozy, on a eu une décote. Dans les faits, les conducteurs partent en moyenne à 55 ans", explique Allan Bertu qui craint franchement "la fin des régimes spéciaux", proposé par le haut commissaire aux retaites Jean-Paul Delevoye.
"Avec les points, je vais perdre 200 euros"
"Nous, on gagne plus en fin de carrière, alors on va forcément perdre. A peu près 200 euros par mois", explique-t-il.
Vous voulez monter dans un train, conduit par un agent de 64 ans ?
"J'espère qu'ils prendront en compte l'état de fatigue des agents. Moi, ce qui me déplaît, c'est l'âge pivot à 64 ans. Les conducteurs n'ont pas le droit à l'erreur. Il faut être vigilant. On a 500 personnes dans nos wagons. En terme de sécurité, ce n'est pas tenable."Estimations du trafic SNCF en Normandie le mardi 24 septembre
Sur les trains Intercités : Deux trains sur 5
Sont concernées les lignes Paris-Caen-Cherbourg / Paris-Rouen-Le Havre / Paris-Granville
Pour les Trains Express Régionaux- TER : Un train sur deux, en moyenne
Sont concernées les lignes : Caen/Coutances, Lisieux/Trouville, Caen/Cherbourg, Caen/Granville
Aucun train pour Caen - Le Mans - Tours
Caen/Rouen : Deux trains sur 3