Comment expliquer le cafouillage autour des délais observés pour obtenir le résultat d'un test covid ? Dans un laboratoire de Caen, un automate s'est bloqué, le CHU n'a pas prêté renfort et les tubes trop nombreux partaient en taxi vers Paris ou Rouen.
"Ah c'est sûr on est les premiers à vouloir que ça s'arrête, on ne fait plus de la biologie clinique. Notre mission c'est de rendre les résultats au plus vite. Pas de diagnostiquer les gens au bout de 5 ou 6 jours, ça ne sert à rien." Isabelle Patry est technicienne de laboratoire à Caen et représentante syndicale CFDT-Santé Sociaux.Depuis le mois de mai, elle vit sur les chapeaux de roue pour répondre à la crise sanitaire et a laissé ses questions personnelles de coté. Mais pour tout le monde, il y a des limites : "J'ai abandonné la PMA que j'adore pour me consacrer à l'équipe COVID de mon labo. J'ai travaillé toutes les nuits du mois de juillet alors que je n'en faisais jamais avant. Mais là , je ne veux plus revivre ce que l'on vient de traverser ces deux dernières semaines. On ne peut pas tenir comme ça sur la durée. Il faut que tout le monde l'entende."
Sinon l'hiver risque d'être long, très long.
Des échantillons de test PCR envoyés en taxis à Rouen et à Paris
Les deux premières semaines de septembre, le nombre de tests s'est envolé : pour le seul laboratoire des Carmes, à Caen, on est passé de 1000 tests par semaine en juillet à 6800 la semaine du 31 août au 6 septembre, près de 10 000 la semaine suivante et 5950 la semaine dernière. Deux autres grosses structures privées travaillent également sur les tests COVID-PCR dans le Calvados.
De 400 tests par jour en juin, on est passé à 1000 en juillet et puis 5 ou dix fois plus. Malgré notre cadence infernale, on n'a pas pu répondre à la demande. La semaine dernière on a eu jusqu'à 4000 tests en attente. Quand vous arrivez pour travailler de nuit et que vous ouvrez le frigo qui déborde, faut garder le moral. J'ai travaillé encore, hier, tout mon dimanche et je ne compte même plus les heures supplémentaires
Pour faire face à la situation, la direction du laboratoire s'est pourtant organisée. Il y avait 184 employés avant la crise sanitaire, ils sont plus de 200 aujourd'hui.
"Il y a eu 24 embauches dont 4 techniciens de laboratoire qui ont dû, d'office, accepter le travail de nuit mais aussi des secrétaires médicales ou des étudiants en médecines pour les prélèvements."
Il ne faut pas oublier que le laboratoire continue l'activité quotidienne "ordinaire" des bilans sanguins pour les affections de longue durée, etc.
Et pourtant, toute cette organisation n'a pas suffi à répondre à l'explosion des demandes de tests ces deux dernières semaines. "Des gens arrivaient de partout avec des maux de gorge et des symptômes."
Je ne veux plus voir, comme la semaine dernière,les échantillons partir en taxis vers Paris ou Rouen dans des laboratoires qui ont accepté de nous aider. On leur envoyait prélèvements et révélateurs. Faut pas s'étonner que les délais aient été si longs
Un automate bloqué et c'est la pagaille
Il faut dire qu'à flux (très) tendu, la machine s'enraye vite.
Le laboratoire, en plus de demander à son équipe COVID d'assurer des nuits et un service non-stop, profite normalement des services d'un automate qui permet une meilleure cadence. Pas de chance, il a rencontré quelques soucis techniques ces dernières semaines.
Et pas moyen de trouver de l'aide localement. Et pourtant, des solutions, à priori, auraient pû être trouvées.
"Nous écrivons aujourd'hui au Préfet du Calvados pour qu'il réalise dans quelle situation se sont retrouvés ces personnels et tous les gens qui ont attendu plus de 5 ou 6 jours leurs résultats. Nous apprenons qu'il y a un automate au CHU de Caen qui aurait pu soulager cette équipe la nuit entre 23 et 7 heures du matin et améliorer le rendement car il n'est pas utilisé par les équipes de l'hôpital pendant ce créneau. Mais le CHU n'a pas donné suite à cette demande convention public-privé pourtant très habituelle aujourd'hui", explique très remonté le représentant du syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux du Calvados.
Aujourd'hui, le laboratoire des Carmes veut aborder cette troisième semaine de septembre plus sereinement : le nombre de dépistage a été limité. L'ARS a accepté de réduire l'offre : les prélèvements sont limités dans les drives caennais du laboratoire à 100 par jour. "Et pour nous cela donne un total de 1200 échantillons à analyser jour et nuit, ce qu'on est capable d'assurer dans un délai de 24 à 48H, selon les priorités."
Les dossiers sont enfin à jour, la tension rebaisse d'un cran.
En effet, des priorités sont désormais données. Mais ces derniers jours, elles ne voulaient plus rien dire.